86 % des embauches en CDD: ce qui se cache derrière ce chiffre
Depuis quelques mois, un chiffre circule, issu d'une étude de la DARES (Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques): 8% des embauches se font en CDD. Évidemment, mettre en avant ce chiffre, dans la conjoncture actuelle, n'est pas neutre. Certains y voient l'occasion de dénoncer la précarisation du marché du travail, pour les jeunes, pour les seniors, pour les personnes ayant un faible niveau de qualification... d'autres y voient une illustration de l'absence de flexibilité du marché du travail, induisant un recours accru à ce type de contrats.
Mettons en regard ce chiffre avec un autre chiffre, lui aussi issu d'études de la DARES ou de l'INSEE: 85% des salariés, en France, ont un CDI. Dès lors, essayons de comprendre ce que cette tendance signifie. Est-ce effectivement le résultat d'une trop grande rigidité du marché du travail (i.e puisque, en tant que chef d'entreprise, si je recrute une personne en CDI, une fois la période d'essai passé, je suis pieds et mains liés avec cette personne, je préfère embaucher en CDD)? Est-ce la conséquence d'une précarisation du marché du travail, qui serait elle-même la conséquence d'une déflation générale liée aux nouveaux modes de consommation dont l'ubérisation et l'économie collaborative seraient les principaux représentants?
Puisque c'est un sujet d'actualité, revenons-en au droit du travail. En France, le contrat de travail par défaut est le CDI. Cela signifie que les autres contrats de travail sont des contrats par "exception". Le Contrat à Durée Déterminée est ainsi réservé à un nombre fini et très précis de cas particuliers, précisés dans l'article L.1242-2 du Code du travail. Et ce, sans même parler de toutes les restrictions appliquées au CDD concernant la durée maximale, le nombre de renouvellements possibles, les délais de carence, la prime de précarité... qui sont, cependant, autant de contraintes qui ont souvent pour conséquences de se méfier, pour le chef d'entreprise, de ce type de contrats.
Les raisons pouvant justifier un recours au CDD sont, pour schématiser, au nombre de 4:
1. Lorsqu'il s'agit de remplacer un salarié absent (congé maladie, congé maternité, attente d'un remplacement dans le cas d'un départ...)
2. Pour les emplois à caractère saisonnier. Là encore, la définition du caractère saisonnier est suffisamment précise pour ne laisser planer aucun doute: il s'agit de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, aux mêmes périodes, en fonction du rythme de saisons (hiver, printemps, automne, hiver), ou des modes de vie collectifs (les vacances scolaires), et ce, indépendamment de la volonté de l'employeur.
3. Pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
4. Dans les secteurs d'activité, définis par décret, dans lesquels il est possible de conclure un "CDD d'usage". C'est par exemple le cas du secteur du déménagement, l'hôtellerie-restauration, l'audiovisuel, le sport professionnel, ou encore la réparation navale...
On peut d'ores et déjà exclure les 2 premiers points comme étant responsables de l'inflation du nombre de recrutements en CDD, pour la raison que les chiffres liés aux arrêts maladie et à l'emploi saisonnier sont relativement stables.
Restent donc les 2 derniers cas de recours. En d'autres termes, le recours massif aux CDD ne peut s'expliquer que par deux raisons principales: soit les entreprises sont principalement confrontées à des accroissements temporaires d'activité, soit ce sont uniquement les entreprises des secteurs dans lesquels le CDD d'usage est possible qui recrutent.
Il suffit d'analyser les offres d'emploi actuellement disponibles sur les sites, dont Meteojob donne une bonne représentation avec les 60.000 offres d'emploi réparties sur l'ensemble des secteurs, des métiers, et des régions. Cette analyse vient réfuter l'idée que seuls les secteurs dans lesquels le CDD d'usage seraient autorisés recrutent, ou, tout du moins, qu'ils constitueraient la très grande majorité des recrutements.
Il nous reste alors le dernier cas de figure: l'accroissement temporaire d'activité. Là encore, une définition assez précise en est donnée, mais dont le champ d'application reste assez large.
Même s'il ne s'agit que d'hypothèses permettant de comprendre la raison qui aboutit à une telle proportion d'embauches en CDD, cette dernière hypothèse semble être la plus plausible. Du coup, allons encore un cran plus loin. Quelle est la signification? Simplement, que les chefs d'entreprise n'ont aucune visibilité, et qu'ils font du pilotage à vue! Dans un monde qui change en permanence, il faut se poser la question de savoir si le pilotage à vue ne va pas devenir la norme. Si la réponse est oui, il est alors urgent de se poser la question de ce que sera, demain, un contrat de travail, et peut-être de revoir les modèles assuranciels associés (le régime général et ses quatre branches, l'assurance chômage...
Si la réponse est non, il s'agit alors de redonner confiance dans l'avenir. Le recours au CDD est inversement proportionnel à la confiance qu'ont les chefs d'entreprise dans l'avenir. En particulier les dirigeants de TPE et PME, soit 99% des entreprises en France et 60% de l'emploi salarié. Est-ce un vœu pieu? Certainement pas. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder ce qui se passe dans l'écosystème des start-ups. Par définition, une start-up est une entreprise (nouvelle ou pas) qui cherche à créer un nouveau business model. Par construction donc, une start-up n'a aucune certitude sur l'avenir, si ça va marcher ou si ça va rater. Pour autant, elles lèvent de l'argent, principalement pour recruter, quasiment exclusivement en CDI.
Cela peut sembler paradoxal dans la mesure où, sans aucune certitude et aucune visibilité, elles seraient légitimes pour avoir recours au CDD. Mais elles ne le font pas, pour deux raisons essentielles: d'abord parce qu'elles ont une confiance énorme dans leur capacité à réussir, ensuite, parce qu'elles savent qu'elles ne pourront pas réussir seules sans s'entourer des meilleurs talents. Leur chance, c'est que la France regorge de talents. Mais ces talents, il faut aller les chercher en CDI: garder la compétence, la fidéliser est un des facteurs de réussite essentiel. Ce n'est pas seulement vrai pour les fonctions de développeurs dans l'IT. Demandez à un industriel qui cherche des ouvriers qualifiés s'il préfère changer de personne tous les 6 mois ou avoir une personne formée et fiable... La question devient donc simple: il faut redonner confiance.
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Mettons en regard ce chiffre avec un autre chiffre, lui aussi issu d'études de la DARES ou de l'INSEE: 85% des salariés, en France, ont un CDI. Dès lors, essayons de comprendre ce que cette tendance signifie. Est-ce effectivement le résultat d'une trop grande rigidité du marché du travail (i.e puisque, en tant que chef d'entreprise, si je recrute une personne en CDI, une fois la période d'essai passé, je suis pieds et mains liés avec cette personne, je préfère embaucher en CDD)? Est-ce la conséquence d'une précarisation du marché du travail, qui serait elle-même la conséquence d'une déflation générale liée aux nouveaux modes de consommation dont l'ubérisation et l'économie collaborative seraient les principaux représentants?
Puisque c'est un sujet d'actualité, revenons-en au droit du travail. En France, le contrat de travail par défaut est le CDI. Cela signifie que les autres contrats de travail sont des contrats par "exception". Le Contrat à Durée Déterminée est ainsi réservé à un nombre fini et très précis de cas particuliers, précisés dans l'article L.1242-2 du Code du travail. Et ce, sans même parler de toutes les restrictions appliquées au CDD concernant la durée maximale, le nombre de renouvellements possibles, les délais de carence, la prime de précarité... qui sont, cependant, autant de contraintes qui ont souvent pour conséquences de se méfier, pour le chef d'entreprise, de ce type de contrats.
Les raisons pouvant justifier un recours au CDD sont, pour schématiser, au nombre de 4:
1. Lorsqu'il s'agit de remplacer un salarié absent (congé maladie, congé maternité, attente d'un remplacement dans le cas d'un départ...)
2. Pour les emplois à caractère saisonnier. Là encore, la définition du caractère saisonnier est suffisamment précise pour ne laisser planer aucun doute: il s'agit de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, aux mêmes périodes, en fonction du rythme de saisons (hiver, printemps, automne, hiver), ou des modes de vie collectifs (les vacances scolaires), et ce, indépendamment de la volonté de l'employeur.
3. Pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
4. Dans les secteurs d'activité, définis par décret, dans lesquels il est possible de conclure un "CDD d'usage". C'est par exemple le cas du secteur du déménagement, l'hôtellerie-restauration, l'audiovisuel, le sport professionnel, ou encore la réparation navale...
On peut d'ores et déjà exclure les 2 premiers points comme étant responsables de l'inflation du nombre de recrutements en CDD, pour la raison que les chiffres liés aux arrêts maladie et à l'emploi saisonnier sont relativement stables.
Restent donc les 2 derniers cas de recours. En d'autres termes, le recours massif aux CDD ne peut s'expliquer que par deux raisons principales: soit les entreprises sont principalement confrontées à des accroissements temporaires d'activité, soit ce sont uniquement les entreprises des secteurs dans lesquels le CDD d'usage est possible qui recrutent.
Il suffit d'analyser les offres d'emploi actuellement disponibles sur les sites, dont Meteojob donne une bonne représentation avec les 60.000 offres d'emploi réparties sur l'ensemble des secteurs, des métiers, et des régions. Cette analyse vient réfuter l'idée que seuls les secteurs dans lesquels le CDD d'usage seraient autorisés recrutent, ou, tout du moins, qu'ils constitueraient la très grande majorité des recrutements.
Il nous reste alors le dernier cas de figure: l'accroissement temporaire d'activité. Là encore, une définition assez précise en est donnée, mais dont le champ d'application reste assez large.
Même s'il ne s'agit que d'hypothèses permettant de comprendre la raison qui aboutit à une telle proportion d'embauches en CDD, cette dernière hypothèse semble être la plus plausible. Du coup, allons encore un cran plus loin. Quelle est la signification? Simplement, que les chefs d'entreprise n'ont aucune visibilité, et qu'ils font du pilotage à vue! Dans un monde qui change en permanence, il faut se poser la question de savoir si le pilotage à vue ne va pas devenir la norme. Si la réponse est oui, il est alors urgent de se poser la question de ce que sera, demain, un contrat de travail, et peut-être de revoir les modèles assuranciels associés (le régime général et ses quatre branches, l'assurance chômage...
Si la réponse est non, il s'agit alors de redonner confiance dans l'avenir. Le recours au CDD est inversement proportionnel à la confiance qu'ont les chefs d'entreprise dans l'avenir. En particulier les dirigeants de TPE et PME, soit 99% des entreprises en France et 60% de l'emploi salarié. Est-ce un vœu pieu? Certainement pas. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder ce qui se passe dans l'écosystème des start-ups. Par définition, une start-up est une entreprise (nouvelle ou pas) qui cherche à créer un nouveau business model. Par construction donc, une start-up n'a aucune certitude sur l'avenir, si ça va marcher ou si ça va rater. Pour autant, elles lèvent de l'argent, principalement pour recruter, quasiment exclusivement en CDI.
Cela peut sembler paradoxal dans la mesure où, sans aucune certitude et aucune visibilité, elles seraient légitimes pour avoir recours au CDD. Mais elles ne le font pas, pour deux raisons essentielles: d'abord parce qu'elles ont une confiance énorme dans leur capacité à réussir, ensuite, parce qu'elles savent qu'elles ne pourront pas réussir seules sans s'entourer des meilleurs talents. Leur chance, c'est que la France regorge de talents. Mais ces talents, il faut aller les chercher en CDI: garder la compétence, la fidéliser est un des facteurs de réussite essentiel. Ce n'est pas seulement vrai pour les fonctions de développeurs dans l'IT. Demandez à un industriel qui cherche des ouvriers qualifiés s'il préfère changer de personne tous les 6 mois ou avoir une personne formée et fiable... La question devient donc simple: il faut redonner confiance.
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