Répondre au verdict des urnes, un devoir oublié?
Les Espagnols seront-ils rappelés aux urnes le 26 juin prochain? Devront-ils accomplir à nouveau leur devoir civique du fait d'une classe politique incapable d'assumer ses responsabilités, à savoir trouver un accord pour gouverner?
L'Espagne ne fait pas face à une crise politique. Elle fait face à une crise démocratique.
Ce que nous dit l'Espagne aujourd'hui, ce n'est pas seulement l'incapacité de la gauche radicale, de la gauche socialiste et du centre-droit à trouver un accord pour porter une alternance politique dans le pays. Ce n'est pas seulement l'incapacité de responsables politiques à s'entendre sur un projet plutôt qu'à négocier des postes. Ce n'est pas non plus seulement le fait qu'un pays peut être gouverné sans gouvernement -ce fut le cas de la Belgique pendant 541 jours il y a quelques années.
Non, ce que nous dit l'Espagne aujourd'hui, c'est que le fondement même de nos démocraties représentatives -à savoir que l'expression de la volonté des citoyens par le suffrage universel confère à l'action publique sa légitimité- peut être fragilisé dès lors que la classe politique ne sait se montrer à la hauteur de sa responsabilité première: créer les conditions permettant à l'un des siens de prendre la tête du gouvernement. Et de gouverner.
Faire porter aux citoyens la responsabilité de leur incapacité à former un gouvernement
Pablo Iglesias, Pedro Sánchez, Albert Rivera, Mariano Rajoy et derrière eux Podemos, le PSOE, Ciudadanos et le Partido Popular, se dirigent tout droit, par leur positionnement lors du débat d'investiture, vers un renvoi des Espagnols dans l'isoloir. Et font par là-même porter aux citoyens espagnols la responsabilité de leur propre incapacité à constituer une équipe gouvernementale répondant au verdict des urnes du 20 décembre dernier.
La classe politique espagnole pourra bien sûr toujours reprocher aux citoyens de n'avoir pas su exprimer un choix clair, de n'avoir pas permis par leurs suffrages de dégager une majorité nette au Parlement, de n'avoir pas élu les bons représentants.
L'attente d'une coalition au pouvoir
Mais peut-on vraiment accepter une telle hypocrisie? Le suffrage universel est un principe d'expression de la volonté générale. Si du vote ressort l'attente d'une coalition au pouvoir, il appartient à la classe politique de se montrer à la hauteur de la construction d'une telle coalition. Ce n'est pas le vote des Espagnols qui bloque la situation aujourd'hui. C'est l'incapacité des responsables politiques espagnols à apporter une réponse à ce vote.
Bien sûr, cela nécessite sans aucun doute d'inventer de nouveaux modèles. Il est clair, depuis décembre dernier, que si personne ne s'attelle à dépasser les schémas traditionnels des négociations partisanes, le retour aux urnes sera inévitable.
Inventer collectivement de nouvelles formes d'alliances
Le constat d'échec vers lequel l'Espagne semble se diriger inexorablement est d'autant plus décevant que le pays a su faire naître et faire vivre des formes inédites de mouvements citoyens, qui inspirent l'Europe entière. La frustration qu'il suscite est d'autant plus forte que les premières décisions prises à Madrid par Manuela Carmena -dont la désignation a été permise par l'association de ces nouveaux mouvements politiques et du PSOE- ont montré comment la conception même des politiques publiques pouvait être renouvelée au service des besoins concrets des citoyens. Pour que les enfants madrilènes puissent l'été manger à leur faim, il a suffi qu'Ahora Madrid, Podemos et le PSOE trouvent un accord, et qu'ils décident de l'ouverture des cantines scolaires pendant les vacances.
Une telle alliance à l'échelle de tout le pays ne pourrait-elle pas demain être au fondement de décisions politiques inédites donnant un nouveau souffle à l'économie et à la société espagnole?
Se donner ou non les moyens de construire un avenir différent: la responsabilité est entre les mains de la classe politique espagnole. Qui peut continuer à déplorer le verdict nuancé des urnes, et à faire de la politique politicienne. Ou se montrer à la hauteur du choix des citoyens en inventant collectivement, par de nouvelles formes d'alliances, une réponse.
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Non, ce que nous dit l'Espagne aujourd'hui, c'est que le fondement même de nos démocraties représentatives -à savoir que l'expression de la volonté des citoyens par le suffrage universel confère à l'action publique sa légitimité- peut être fragilisé dès lors que la classe politique ne sait se montrer à la hauteur de sa responsabilité première: créer les conditions permettant à l'un des siens de prendre la tête du gouvernement. Et de gouverner.
Faire porter aux citoyens la responsabilité de leur incapacité à former un gouvernement
Pablo Iglesias, Pedro Sánchez, Albert Rivera, Mariano Rajoy et derrière eux Podemos, le PSOE, Ciudadanos et le Partido Popular, se dirigent tout droit, par leur positionnement lors du débat d'investiture, vers un renvoi des Espagnols dans l'isoloir. Et font par là-même porter aux citoyens espagnols la responsabilité de leur propre incapacité à constituer une équipe gouvernementale répondant au verdict des urnes du 20 décembre dernier.
La classe politique espagnole pourra bien sûr toujours reprocher aux citoyens de n'avoir pas su exprimer un choix clair, de n'avoir pas permis par leurs suffrages de dégager une majorité nette au Parlement, de n'avoir pas élu les bons représentants.
L'attente d'une coalition au pouvoir
Mais peut-on vraiment accepter une telle hypocrisie? Le suffrage universel est un principe d'expression de la volonté générale. Si du vote ressort l'attente d'une coalition au pouvoir, il appartient à la classe politique de se montrer à la hauteur de la construction d'une telle coalition. Ce n'est pas le vote des Espagnols qui bloque la situation aujourd'hui. C'est l'incapacité des responsables politiques espagnols à apporter une réponse à ce vote.
Bien sûr, cela nécessite sans aucun doute d'inventer de nouveaux modèles. Il est clair, depuis décembre dernier, que si personne ne s'attelle à dépasser les schémas traditionnels des négociations partisanes, le retour aux urnes sera inévitable.
Inventer collectivement de nouvelles formes d'alliances
Le constat d'échec vers lequel l'Espagne semble se diriger inexorablement est d'autant plus décevant que le pays a su faire naître et faire vivre des formes inédites de mouvements citoyens, qui inspirent l'Europe entière. La frustration qu'il suscite est d'autant plus forte que les premières décisions prises à Madrid par Manuela Carmena -dont la désignation a été permise par l'association de ces nouveaux mouvements politiques et du PSOE- ont montré comment la conception même des politiques publiques pouvait être renouvelée au service des besoins concrets des citoyens. Pour que les enfants madrilènes puissent l'été manger à leur faim, il a suffi qu'Ahora Madrid, Podemos et le PSOE trouvent un accord, et qu'ils décident de l'ouverture des cantines scolaires pendant les vacances.
Une telle alliance à l'échelle de tout le pays ne pourrait-elle pas demain être au fondement de décisions politiques inédites donnant un nouveau souffle à l'économie et à la société espagnole?
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