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Март
2016

En position de force sur la crise des migrants, la Turquie n'hésite plus à choquer sur les autres sujets

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En position de force sur la crise des migrants, la Turquie n'hésite plus à choquer sur les autres sujets TURQUIE - Alors qu'un sommet extraordinaire se tient lundi 7 mars à Bruxelles entre les représentants de l'Union européenne (UE) et le Premier ministre turc Ahmet Davutoğlu pour tenter d'intégrer la Turquie à une résolution de la crise des migrants, Ankara est plus que jamais en position de force. Ankara pourrait s'engager à l'issue du sommet à ne laisser entrer en Grèce que les seuls demandeurs d'asile et à accepter dès le 1er juin les "réadmissions" en Turquie des migrants en situation irrégulière arrivés en Grèce.

La Turquie a multiplié ces derniers jours les signes de bonne volonté avant le sommet sur les migrants, mais envoie des messages contradictoires sur d'autres sujets, comme pour tester la confiance de dirigeants européens aux abois. En échange de sa coopération, Ankara a obtenu des contreparties substantielles: la suppression, peut-être dès l'automne, des visas imposés aux ressortissants turcs, une relance du processus d'adhésion à l'UE, et trois milliards d'euros d'aide pour les 2,7 millions de Syriens réfugiés en Turquie. 2,7 millions de Syriens réfugiés en Turquie, d'où 15.000 à 20.000 migrants partent chaque semaine pour la Grèce.

"Qui dicte la politique dans sa relation avec la Turquie ? Je crains qu'on cède au chantage turc ( ) Il y a une erreur allemande ( ) et il y a une faiblesse française", commentait vendredi le député Les Républicains Eric Ciotti. "L’Europe menacée de désintégration, c’est dans une véritable panique que ses diplomates cherchent en toute hâte l’assurance des bonnes grâces de la Turquie", estime aussi l'éditorial publié lundi dans Sud-Ouest. "Si l’exode vers l’Europe n’existait pas, Erdogan aurait pu en rêver. Il lui donne un rôle en or. (...) La Turquie laisse monter le prix de sa coopération", résume aussi Les Dernières Nouvelles d'Alsace.

  • Sur la crise des migrants


Au moins 25 migrants dont dix enfants ont encore trouvé la mort dimanche, au large de la Turquie. Les gardes-côtes recherchaient encore des disparus lundi. L'Union européenne, consciente que la Turquie détient la clé pour l'aider à maîtriser la crise migratoire qui menace sa cohésion, souhaite contraindre Ankara pour éviter de nouveaux drames.

Il s'agit pourtant du deuxième sommet UE-Turquie en moins de quatre mois. Fin novembre, l'Europe avait déjà signé un "plan d'action" avec la Turquie - qui n'a pas porté ses fruits - pour stopper les migrants partant vers les îles grecques. "L'ironie de cette histoire, c'est que c'est à nous d'arrêter le flux, à nous de sauver l'UE", commente l'ambassadeur de Turquie auprès de l'UE, Selim Yenel. "Après avoir été ignorés ces 10 dernières années, on s'est soudainement souvenu de nous!", ironise-t-il.

"Les Européens, France et Allemagne en tête, ont commis "une erreur stratégique majeure il y a une dizaine d'années" en douchant tout espoir d'adhésion de la Turquie à l'UE, ce qui a durablement entamé la confiance mutuelle, reconnaît aussi un haut responsable européen. "Nous ne voulons pas que le sommet soit uniquement consacré aux migrants. Il doit prendre en compte l'ensemble des aspects de la relation entre la Turquie et l'UE", a lui dit un responsable turc qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat, confirmant la volonté d'Ankara de profiter d'une situation d'urgence humanitaire.

  • Sur la presse


Le sommet de ce lundi survient dans un climat de frictions récurrentes entre l'UE et la Turquie, la première s'inquiétant de la répression contre les médias hostiles au président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, comme l'a encore montré ce week-end la mise sous tutelle d'un quotidien d'opposition turc. Alors que la police turque a dispersé sans ménagement près de 500 manifestants rassemblés devant le siège du journal à Istanbul, il est probable que certains dirigeants profitent du sommet pour glisser un mot à ce sujet au président turc.

Zaman, un journal très critique à l'égard du président Recep Tayyip Erdogan, a été placé vendredi sous tutelle par une décision de justice, dernier exemple en date d'une répression accrue à l'encontre des médias. La Turquie, en tant que candidate à l'adhésion à l'UE, se doit de "respecter" la liberté de la presse, avait réagi samedi le service diplomatique de l'Union européenne.

Dimanche, la première édition du journal depuis sa mise sous tutelle affichait une ligne nettement progouvernementale. En Une du journal, un article sur un ambitieux projet du gouvernement de construction d'un pont de trois milliards de dollars entre les rives asiatique et européenne d'Istanbul a remplacé les habituelles critiques de Zaman.

  • Sur la justice


Depuis maintenant plus de deux ans, les autorités turques ont multiplié les purges, notamment dans la police et le monde judiciaire. Vendredi, la police turque a encore arrêté quatre hauts responsables de l'important conglomérat Boydak Holding, accusés d'avoir financé l'organisation de l'imam Fethullah Gülen, l'ennemi juré du président Recep Tayyip Erdogan. Les policiers ont également perquisitionné le quartier général de l'entreprise dans le cadre d'une enquête pour "terrorisme" ouverte par le procureur local.

Ancien allié de Recep Tayyip Erdogan, Fethullah Gülen, qui dirige depuis les Etats-Unis un puissant réseau d'écoles, d'ONG et d'entreprises, est devenu son "ennemi public numéro un" depuis un scandale provoqué fin 2013 par des allégations de corruption au sommet de l'Etat. Le chef de l'Etat accuse le prédicateur d'être à l'origine de ces accusations et d'avoir mis en place un "Etat parallèle" destiné à le renverser, ce que les "gülenistes" nient.

Depuis plus de deux ans, les poursuites judiciaires contre les proches de la nébuleuse Gülen et ses intérêts financiers se multiplient. Au total, quelque 1800 personnes soupçonnées d'appartenir aux réseaux gülenistes ont été arrêtées, selon les médias proches du gouvernement.

  • Sur les Kurdes


La Turquie joue un jeu trouble dans son implication dans le conflit syrien. De nombreux pays de la coalition contre l'Etat islamique, dont la France, exhortent régulièrement Ankara à arrêter de cibler les zones kurdes de Syrie. Le 14 février, Paris a ainsi demandé à Ankara la "cessation immédiate des bombardements" des zones kurdes.

La Turquie redoute que les Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), qui contrôlent déjà une grande partie du nord de la Syrie, n'étendent leur influence à la quasi-totalité de la zone frontalière avec la Turquie. La progression des YPG à l'ouest de l'Euphrate en Syrie constitue "une ligne rouge", a expliqué le vice-Premier ministre turc Yalcin Akdogan, avertissant que la Turquie ne resterait pas "les bras croisés".

Lire aussi :

• Comment le rôle trouble de la Turquie complique le conflit en Syrie

• Une violente explosion à Ankara fait au moins 28 morts

• La France somme la Turquie d'arrêter de bombarder les zones Kurdes en Syrie

• La police turque investit (au canon à eau) un grand journal hostile à Erdogan

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