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Март
2016

Ni soumission, ni diabolisation

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Les actes terroristes que la France vient de connaître ont exacerbé le sentiment d'inquiétude suscité par la montée du radicalisme musulman. Le besoin de trouver des explications simplistes et immédiates à ces événements est d'autant plus puissant que la plupart des gens, et singulièrement des dirigeants politiques, n'ont su ni les prévoir, ni a fortiori les prévenir, et qu'ils se sont souvent ingéniés à en nier les signes avant-coureurs. Ces réactions inspirées par la peur compromettent l'élaboration d'une stratégie opérationnelle efficace.

Deux réactions extrêmes se sont développées à partir de là. Elles apparaissent comme deux versants d'une même résignation. Celle-ci peut conduire à se montrer d'autant plus combatif en parole qu'on se sent désarmé ou, au contraire, à baisser les bras. Les uns alimentent leur frayeur par la compilation de tout ce qui les conforte dans ce sens, aussi bien dans la presse que sur les réseaux sociaux. Les données qu'ils recueillent sont, le plus souvent, douteuses et interprétées de manière tendancieuse.

Les autres partagent au fond le même jugement sur les difficultés d'assimilation, mais préfèrent déclarer que celle-ci n'est pas nécessaire et que tout ira bien avec les musulmans, si on cesse de les opprimer à l'échelle nationale et d'agir de manière impérialiste à l'échelle mondiale. Ils sont disposés à toutes les concessions, pour préserver la paix sociale et surtout leur propre tranquillité. Les deux pôles participent d'une même démission. Les uns par la négation stérile de toute possibilité d'intégration des musulmans dans la communauté française. Les autres par leur victimisation.

S'interroger sur les relations que nous souhaitons entretenir avec des cultures différentes

Cette simplification outrancière du débat est d'autant plus malencontreuse que celui-ci soulève -ou plutôt aurait dû soulever- des problèmes d'une extrême gravité et d'une non moins extrême complexité. Par-delà les questions de résistance policière ou militaire aux agressions, il aurait fallu s'interroger à la fois sur ce que nous sommes en tant que société, et sur les relations que nous souhaitons entretenir avec des cultures, fondamentalement différentes, qu'elles soient représentées à l'extérieur ou au sein même de notre pays. Il s'agit, en effet, de décider si nous entendons préserver nos valeurs de liberté d'expression et de critique, d'autonomie de l'individu, d'égalité des sexes, ou si nous sommes disposés à les remettre en question, au nom d'un multiculturalisme érigé en nouvelle conception de la société. Au lieu de quoi, à l'exception de quelques réflexions publiées, ici ou là, qui ne paraissent guère être prises en compte par le monde politique, on assiste à un échange d'anathèmes et de stéréotypes, qui ne dénote rien d'autre qu'une absence de réflexions construites, et, peut-être, la volonté de ne pas identifier les problèmes pour ne pas avoir à les affronter.

Valoriser notre société

Contrairement à ce que l'on a observé avec d'autres populations d'origine immigrée, parmi les personnes originaires du monde musulman, ce sont les jeunes qui attachent le plus d'importance à leur religion et qui sont le plus souvent endogames. L'intégration dans une société laïque de ces jeunes doit donc être considérée comme prioritaire. La difficulté est d'autant plus grande que le Coran n'offre pas seulement une conception du monde et des valeurs, mais également un mode de vie et des prescriptions, notamment vestimentaires, alimentaires et concernant le statut des femmes, qui différencient ceux qui les observent des autres membres de la société. Il ne s'agit pas d'empêcher ces jeunes de préserver leurs croyances et leur appartenance à l'islam, mais d'éviter, autant que possible, que cette religion leur serve d'identifiant exclusif, voire qu'ils se déterminent, par ce biais, contre la société dans laquelle ils vivent et au sein de laquelle les religions jouent un rôle marginal.

Dans cette optique, on peut faire l'hypothèse que ceux qui, parmi ces jeunes musulmans, éprouvent un malaise à la fois existentiel et social, une difficulté à se définir, recherchent avant tout des "règles du jeu" précises, des valeurs non négociables, qui leur donnent un sens et qu'ils puissent partager. En cédant à leurs revendications, en acceptant des compromis sur nos valeurs, en ne réprimant pas systématiquement des comportements asociaux, on les enferme et on s'enferme avec eux dans un cercle vicieux: 1) On rend la société peu respectable. Il est difficile d'admirer une société qui montre si manifestement sa faiblesse. 2) On rend nos valeurs incertaines, incompréhensibles. Après tout, si ceux, qui sont censés s'y référer, s'avèrent incapables de les exprimer et de les défendre, il est tentant de rechercher ailleurs des valeurs prônées ou imposées, avec davantage d'ardeur et de détermination et qui s'inspirent, de surcroît, d'un livre sacré, le Coran. Le succès des mouvements fondamentalistes s'explique, sans doute, entre autre, par leur message simplifié et agressif à l'égard d'une société qui éblouit par sa richesse, mais se révèle difficile à pénétrer, aussi bien socialement que culturellement. 3) La victimisation donne le sentiment à ceux qui en sont, en apparence, les bénéficiaires, en réalité les victimes, que les efforts sont inutiles puisque de toutes façons, toutes les portes leur sont fermées. De ce fait, elle encourage des comportements asociaux qui suscitent, en retour, la méfiance et la crainte. Elle favorise donc, indirectement, les discriminations à l'encontre de quiconque est perçu comme appartenant à cette communauté. Ainsi se forme un cercle vicieux qu'il sera d'autant plus difficile à briser qu'il s'est au fil du temps ancré dans les esprits.

Deux conditions pour intégrer des populations d'origine étrangère

En fait, pour que des populations d'origine étrangère puissent s'intégrer, deux conditions paraissent, au minimum, devoir être réunies. La société doit être suffisamment valorisée pour qu'on ait envie d'y participer. Paul Collier (Exodus, Oxford University Press, 2013) suggère ainsi que les autochtones doivent être les prosélytes de leur propre société, plutôt que de se vouer aux délices de l'autodénigrement. Ce qui ne signifie évidemment pas qu'ils ne puissent pas la critiquer ponctuellement, mais qu'ils soient intransigeants sur ses valeurs. Les expériences réussies en matière d'éducation montrent que, le plus souvent, l'autorité et l'affirmation des valeurs de notre société sont davantage ressenties comme des marques de respect -et donc d'encouragement à se dépasser- que la commisération mêlée de condescendance. En même temps, cette société doit être suffisamment "réceptive" pour que chacun puisse espérer y faire son chemin, quelles que soient ses origines ou ses croyances. Il doit être entendu que ce n'est pas l'islam qu'il s'agit d'intégrer, mais des individus originaires de pays islamiques, dont certains adhèrent à cette religion et d'autres pas.

On nous rétorquera que l'affaiblissement du sens collectif au sein de notre société préjuge mal de notre capacité de faire face au défi que nous lance l'islam. L'hypothèse défaitiste, selon laquelle nous ne serions plus en état de relever ce défi, est à envisager, en sachant que si notre société ne parvient pas à se ressaisir et à surmonter ses faiblesses, nous irons très vraisemblablement vers un morcellement du territoire national entre des communautés fermées ou (et) une montée des tensions et des affrontements inter-religieux et inter-ethniques.

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