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Январь
2024

Solène Goron : Elle a pratiqué le bowling enceinte ! « Je suis persuadée qu’on peut allier le haut niveau et la maternité »

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Joueuse de bowling aux 16 titres de championne de France et aux 3 médailles de bronze à l’international, toutes catégories confondues, Solène Goron vit un nouveau tournant dans sa vie de femme : elle s’apprête à devenir maman. Une nouvelle mission aussi belle que vertigineuse. Entretien. PROPOS RECUEILLIS PAR VANESSA MAUREL. Extrait du Women Sports N°31.

VOTRE PROJET MATERNITÉ A-T-IL ÉTÉ SIMPLE À ENVISAGER ?

Oui et non. Ce n’est jamais évident de faire ce choix, qui reste une envie. On sait que ça a des conséquences physiques et sur l’arrêt de la saison. Mais il y aussi l’horloge biologique qui court. Je vais sur mes 32 ans. J’ai jugé que ça tombait bien par rapport à mon âge, ma situation personnelle, et aussi à ma saison sportive qui n’était pas trop chargée. Je dois rater quelques compétitions, mais je me dis que c’est « seulement » pour une saison.

A-T-IL ÉTÉ FACILE D’ANNONCER VOTRE GROSSESSE AU STAFF ?

Je n’avais prévenu personne de mon projet de maternité, car j’estime que c’est personnel. Je l’ai annoncé au bout de trois mois de grossesse à mes coéquipières et au staff de l’équipe de France, qui a plutôt bien réagi. Je suis numéro 1 française, il y a un championnat d’Europe en juin prochain, alors j’appréhendais forcément leur réaction. Néanmoins, il faut avouer qu’on sent le staff un peu dépassé. Ils n’ont pas l’habitude. Je dois être la première que le staff présent actuellement doit gérer dans cette situation.

Malgré tout, les coachs m’appellent une fois par semaine pour voir l’évolution de ma grossesse. Et puis, je veux rester rattachée au groupe. Il y a un regroupement auquel je vais participer, même si je ne joue pas.

COMMENT FAIRE EN SORTE QUE LE STAFF SE SENTE MOINS DÉPASSÉ ?

Il faudrait plus de communication. On m’a transmis un guide du ministère des Sports, très bien fait. Mais je n’y ai eu accès qu’au moment où j’étais enceinte. Je pense que c’est quelque chose qu’il faut partager en amont à tous les collectifs. Ça dédramatise sur les envies et ça aide les sportives de haut niveau.

COMMENT AVEZ-VOUS GÉRÉ VOTRE VIE SPORTIVE PENDANT VOTRE GROSSESSE ?

J’ai continué mes entraînements, même si j’ai dû arrêter début octobre en raison de quelques douleurs. Avant cela, j’ai continué quasi normalement. J’ai juste adapté mes séances, les collations, et mon jeu. Forcément, mon corps chan- geait, mon équilibre aussi. J’ai dû m’adapter à ça. Mais je me suis toujours écoutée. Les jours où j’étais trop fatiguée, je n’allais tout simplement pas m’entraîner.

J’ai aussi remplacé les séances avec beaucoup de charges par la natation, un sport très complet pour la préparation physique, mais aussi pour se préparer à l’accouchement.

J’ai attaqué la natation de mon plein gré, sous les conseils de ma sage-femme et gynéco. Je reste parallèlement suivie par le médecin du CREPS de Toulouse. On fait des points téléphoniques réguliers pour savoir comment garder la forme, et, si l’accouchement se passe dans le meilleur des cas, comment avoir une reprise rapide.

JUSTEMENT, COMMENT ENVISAGEZ-VOUS LA REPRISE ?

Je me prépare à l’accouchement et à l’après, un peu comme pour une compétition (rires). J’essaye d’avoir des pensées positives, de lobotomiser mon cerveau pour que ça se passe bien. Un accouchement varie d’une femme à l’autre, mais j’essaye de me dire que tout ira bien, et je me projette sur la reprise, avec la rééducation du périnée, etc.

J’essaye aussi de faire de l’imagerie men- tale par rapport au bowling ; regarder des vidéos, me projeter… Je retourne aussi dans le milieu pour garder le rythme, res- ter habituée au bruit, aux odeurs. Dans l’idéal, j’aimerais participer aux Championnat d’Europe en juin 2024.

Car oui, je compte bien reprendre le sport rapidement. Ma fille s’adaptera à ma vie. Et nous, on s’adaptera à elle. C’est de l’organisation. Mon conjoint est aus- si sportif de haut niveau dans le bowling en équipe de France. Donc on a prévu de ne pas s’inscrire aux mêmes tours de qualification en compétition. Quand l’un jouera, l’autre gardera la petite. Il y aura des compétitions tests, on fera sûrement des erreurs, mais on apprendra comme tout le monde sur le tas. Je sais que ce ne sera pas simple mais il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas.

POURQUOI EST-CE IMPORTANT DE PARLER DE LA MATERNITÉ DANS LE SPORT DE HAUT NIVEAU ?

On ne parle pas assez du sujet de la maternité dans le sport de haut niveau. Ce n’est pas assez développé. Il n’y a même pas assez de gynécologues adaptés à ce sujet. Et je pense que beaucoup de femmes se freinent encore parce qu’elles n’ont pas forcément envie d’arrêter leur saison. C’est dommage. Il existe des accompagnements pour bien gérer sa grossesse et bien récupérer derrière. Je reste persuadée qu’on peut allier le haut niveau et la maternité. Ce n’est pas quelque chose qui peut être dissociable, même si ça pose forcément des contraintes. Tout est adaptable.