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“Beetlejuice Beetlejuice”, Tim Burton en regain de forme !

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De tous les grands noms du marché de l’auteurisme international, Tim Burton est sans doute le plus concerné ces dernières années par le syndrome du personal branding, cette manière de s’apparenter peu à peu au gestionnaire de sa propre signature, c’est-à-dire de sa marque, au risque de substituer au feu de la création des habitudes de boutiquier, pour ne plus dérouler qu’une série de films-vitrines dont on ne sait parfois même plus très bien lesquels on a vus ou non.

Sortir une suite à son premier véritable film culte, badge d’entrée au panthéon pop culturel des années 1980 et 1990, n’était pas a priori le moyen le plus à même de le faire sortir d’une telle dérive. Pourtant Beetlejuice Beetlejuice échappe à la dévitalisation redoutée. Peut-être parce que l’original était déjà un film d’objets, un coffre à jouets libéré des diktats de l’harmonie, mêlant le noir et le bariolé, l’expressionnisme allemand et le calypso caribéen, les vivant·es et les mort·es, sans souci de cohérence, comme un enfant enfilant des déguisements les uns par-dessus les autres.

Beetlejuice, à la fois héros et faux méchant

Parce que les jouets et les costumes n’affectent pas le passage du temps, et que tout ici est un petit peu rendu à l’état de choses, Tim Burton semble dès le début ouvrir comme par magie à l’identique la porte de son grenier, a fortiori en ne cherchant même pas vraiment à le rénover. On retrouve cette même facture très artisanale, hybridant le bricolage en bois flotté et les ondulations de plastique mou. Rêve de sculpteur (le métier du personnage de Catherine O’Hara) dont la singularité chaotique va au-delà du décor, le récit faisant lui-même l’effet d’un amoncellement plutôt que d’un corps causal et structuré, courant d’un début à une résolution.

En témoigne Monica Bellucci, introduite comme l’antagoniste principale du récit pour finalement y devenir une sorte de gag, jingle surgissant ici et là sans interaction soutenue avec les autres personnages. Beetlejuice lui-même trône bien sûr en souverain insituable sur les terres de ce principe anarchique, à la fois héros et faux méchant, inexplicablement traité comme un monstre à la Pennywise alors qu’il s’obstine à sauver tout le monde.

Un film gentiment horrifique

Il ne fallait pas plus espérer du film que de reconstituer ainsi une nouvelle fabrique de moments suspendus, comiques, musicaux (le Macarthur Park de Richard Harris prend élégamment la place du Day O de Harry Belafonte), gentiment horrifiques, formant un wagonnage confus en déraillement permanent.

On ajoutera à cela le petit effet de sidération que produit Burton autour du personnage du mari snob du premier volet, dont l’interprète Jeffrey Jones est depuis vingt ans banni de Hollywood pour sa condamnation pour agression sur mineur. Le film aurait pu se contenter de l’éluder sans trop d’explications (ce qu’il fait pour Alec Baldwin et Geena Davis), mais préfère ramener inlassablement l’intrigue à son absence, jouant de tous les contournements possibles pour renvoyer à lui, et même le filmer en se passant de l’acteur (séquence animée, haut du corps arraché…), tout en idéalisant le personnage comme un saint (ce qu’il n’était pourtant pas du tout). Comme une sorte de commentaire narquois sur la cancel culture, somme toute pas si improbable dans une telle série – avec ses fantômes inexpulsables, ses absent·es omniprésent·es, l’univers Beetlejuice était sans doute parfaitement armé pour s’amuser sur le sujet.

Beetlejuice Beetlejuice de Tim Burton avec Michael Keaton, Winona Ryder, Jenna Ortega – en salle le 11 septembre

À l’occasion de la sortie en salles de Beetlejuice, Beetlejuice, la suite de son film culte de 1988, nous reparcourons l’œuvre luxuriante, colorée et pop de Tim Burton dans un hors-série unique disponible ici.