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Mostra de Venise : Nicole Kidman, India Hair, Paul Kircher, ou le triomphe des acteur.trices

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D’abord actrice (dans des rôles secondaires, chez Peter Greenaway et Paul Verhoeven, dans Black book), la Néerlandaise Halina Reijn a vu son deuxième film (le premier, unn fim d’horreur, était passé inaperçu) sélectionné en compétition cette année à Venise : Babygirl.

Le plus grand intérêt du film réside dans la présence de Nicole Kidman dans le premier rôle. Elle y interprète une redoutable femme d’affaires, PDG d’une entreprise d’Intelligence Artificielle renommée. Seulement – et nous le découvrons dès la scène d’ouverture – elle n’est pas épanouie sexuellement. Son mari (le pourtant toujours bel hidalgo Antonio Banderas, dans un rôle voulu comique) ne la satisfait pas. Peu à peu, la vérité se fait jour (ô scandale ! – je plaisante, mais cette découverte a fait frémir voire rire la salle de la projection de presse) : elle aime être soumise par son partenaire, or ce n’est pas du tout le truc de Banderas, qui baise à la papa latino…

Or voici qu’elle fait la connaissance d’un stagiaire (le beau Harris Dickinson), dont elle a pu découvrir, en pleine rue, qu’il possède un don : il sait immédiatement ce que désire quelqu’un, animal ou humain, et le satisfaire. Dès qu’il voit sa patronne, il devine ses fantasmes et va les assouvir, mais sans affect apparent, le concernant, même si l’on suppose qu’il en profite aussi. D’abord réticente, elle se laisse doucement aller et jouit (la salle riait toujours, sans qu’on sût trop pourquoi). Comme si la Nicole Kidman d’Eyes wide shut, le dernier film de Kubrick, qui se terminait par cette réplique fameuse : « Let’s fuck ! » de Kidman à Tom Cruise) prenait enfin totalement son pied dans Babygirl.

Bon. Reijn n’est pas Kubrick, et le récit se repose parfois sur de gros clichés sur « ces gens de pouvoir impitoyables dans leur boulot qui sont des gros masochistes dans leur vie sexuelle ». Mais elle ménage quelques passages assez gonflée, où Kidman n’hésite pas à se moquer d’elle-même, notamment cette scène où son adolescente lui demande quand elle va arrêter de faire du botox… Là, oui, on rit. Assez curieusement, les gros plans du visage de Kidman laissent entrevoir que son idéal de beauté serait sans doute Catherine Deneuve – comme il est évident qu’à un moment, Monica Bellucci a tenté grâce à la chirurgie esthétique de devenir une nouvelle Adjani). Mais le film reste une comédie et ne s’aventure hélas pas dans des contrées sexuelles plus extrêmes, radicales. Tout cela reste bien gentil et « rigolo » (comme si les spectateurs de la Mostra avaient tous une sexualité très « straight »…).

Trois amies d’Emmanuel Mouret

C’est l’une des pus belles réussites d’Emmanuel Mouret qui, sur un canevas quasi arithmétique (A aime B mais B n’aime plus A, C trompe D avec leur copine E, mais soudain F apparaît et tout change mais en fait, etc.) dessine des êtres humains au fond intemporels, incertains de leurs sentiments, toujours : « Indécis comme feuilles mortes, leurs yeux sont des feux mal éteints, leurs coeurs bougent comme leurs portes », comme l’écrivait Apollinaire dans Marizibill. Avec, au sommet d’une distribution admirable (Camille Cottin, Eric Caravaca, dans un petit rôle, Damien Bonnard, Sara Forestier, etc., la grande India Hair dans son premier grand rôle. India Hair, on la connaît depuis longtemps. Mais, comme je le disais à des amis récemment, quand je sais qu’elle joue dans un film que je vais voir, je suis rassuré. Non pas parce qu’elle joue toujours des rôles de femme rassurante, mais parce que sa seule présence, même dans un mauvais film, est passionnante, toujours, et le sauve de la catastrophe. Cette actrice est miraculeuse. Et dans ce nouveau Mouret, son immense talent explose enfin. Il suffit parfois de regarder India Hair ne rien dire, ne rien faire, pour avoir envie de pleurer. Chapeau bas, Madame !

Leurs enfants après eux de Ludovic et Zoran Boukherma

Adaptation libre (au sens où l’écrivain n’a pas du tout participé au scénario) du roman homonyme qui valut à Nicolas Mathieu de remporter le prix Goncourt en 2018, Leurs enfants après eux est né à l’initiative de l’acteur et producteur Gilles Lellouche, qui joue un rôle secondaire mais important dans le film, avec une conviction étonnante, quelque chose de déchirant.

L’histoire : des ados, au début des années 90, dans un bassin houiller déjà mort. Il y a les bourgeois, le semi-bourgeois, les pauvres et les Arabes. Tout le monde se connaît, se fréquente, se tourne autour, se bat, grandit en bien ou en mal, se réconcilie, se perd de vue. Il y a de la violence, sociale, politique, morale et physique, dans ce récit. L’élément fondamental de la mise en scène des frères Boukherma (Teddy, L’année du Requin), c’est l’énergie. Une énergie qu’ils insufflent à toutes els scènes, tous els personnages. La distribution est parfaite. Mais l’originalité, l’incongruité, la folie qui s’emparent parfois du film tient à la présence complètement dingue de Paul Kircher, cet acteur qui ne ressemble à aucun autre. Il n’est même pas beau (au sens courant du terme), il ne joue peut-être pas toujours très bien, mais ça ne se voit pas, parce son image, son corps, son visage écrasent tout ce qui l’entoure. C’est très impressionnant.