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“Pourquoi tu souris ?”, une bonne surprise au rayon comédie sociale

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Une parabole un peu gentillette, mais néanmoins réussie, sur une certaine France des galérien·nes, des dépressif·ves et des derniers feux de l’entraide.

Nous ne sommes pas si loin des prémisses d’Une année difficile, le dernier Toledano et Nakache, qui confiait à l’automne dernier à un autre tandem de récentes stars masculines une expérience scénaristique comparable : jeter deux petits roublards dans le monde de l’entraide et de l’activisme politique, pour qu’ils en exploitent d’abord les failles sans scrupule, avant de peu à peu s’attendrir pour ses valeurs morales, et finalement y renaître en modèles de vertu solidaire.

Une galaxie des galères

Si tant est que le buddy movie social devienne un nouveau genre en vogue dans le cinéma français, le voilà donc ici incarné dans une forme moins bêtement moralisatrice par Jean-Pascal Zadi et Raphaël Quenard, le premier, faux sans-papiers simulant un accent ivoirien pour gratter le gîte et le couvert à qui aura la naïveté de les lui offrir, le second, vagabond déséquilibré atteint d’une douteuse maladie orpheline l’empêchant selon lui de travailler. Une bonne poire esseulée travaillant à la soupe populaire, interprétée de façon à la fois drôle et poignante par Emmanuelle Devos, les prend sous son aile en croyant d’abord à leurs bobards, puis un peu moins, mais sans se résoudre à les abandonner pour autant.

Au fil des tentatives professionnelles et des arnaques immanquablement ratées de ces deux miséreux irrécupérables, Pourquoi tu souris ? fait montre d’une singulière liberté de récit : il ne triche pas, ne s’autorise pas les facilités de scénario et les structures creuses qui lui permettraient de retomber artificiellement sur ses pattes. Il court tranquillement à sa perte, naviguant à vue au fil d’une accumulation d’échecs, dans la prostitution (mais coucher les tétanise) ou le bricolage (mais ils savent à peine changer une ampoule), dont le seul horizon n’est finalement que l’agrégation d’autre âmes en peine à son premier noyau, recrutées au fil des galères, et constituant peu à peu une seconde famille.

C’est certainement un peu naïf, pourtant le film arrive presque à nous réconcilier avec la notion généralement insupportable de “feel good movie” – sans doute justement parce qu’il ne fait nullement semblant d’aller bien, n’a aucune fausse joie à nous vendre, et dresse même le portrait d’une société française totalement dépressive et famélique. C’est au niveau de sa tendresse, de l’extrême douceur avec laquelle il regarde et fait coexister ses partenaires de défaites qu’il produit un sentiment chaudement rassérénant, que viennent couronner les vers des Bons Chiens de Baudelaire récités par Quenard en conclusion : “prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur”.