A la Foire du Livre de Buenos Aires, Milei attire les couvertures à lui
Javier Milei, ses mots, ses écrits, sa vie, son entourage, sa soeur (et secrétaire générale de la présidence), son économie... Livres-pamphlets, enquêtes, biographies : à la 49e Foire -un des plus grands rendez-vous littéraires en langue espagnole- une vingtaine d'ouvrages auscultent l'outsider "anarcho-capitaliste" qui a renversé la politique argentine, et à ce jour encore fascine, ou repousse.
Et c'est sans compter les livres traitant de M. Milei à la marge, dans le récit ou l'analyse de la montée d'une nouvelle droite mondiale, ou d'auteurs qui s'en réclament, fourbissant des arguments contre la "culture woke" ou la "caste" politique.
"Il y a des livres (sur Javier Milei) qui peuvent être journalistiques, d'investigation, aussi des livres plus proches de la fiction, mais tous ont à voir avec la recherche d'explications", analyse pour l'AFP la romancière argentine Claudia Piñeiro.
Pour elle, Javier Milei "est un personnage que tout le monde veut comprendre, et une façon de le comprendre est à travers les histoires qui sont racontées sur lui".
"Sujet du moment"
"Il y a beaucoup de livres sur le sujet, parce que ça se vend", analyse simplement Victoria Gerz, visiteuse de 32 ans qui promeut à la Foire ses couvertures de livres stylisées. "C'est le président, et qu'on soit pour lui ou pas, il est le sujet du moment", déclare-t-elle a l'AFP dans une file d'attente pour la présentation d'une biographie de M. Milei.
A l'une de ces causeries, face à une salle comble d'un millier de personnes, Claudia Piñeiro coanime un débat sur le livre du journaliste Ernesto Tenembaum, "Milei. Une histoire du présent". Minutieuse dissection de son ascension, à travers ses influences, rencontres, sorties de polémiste, bien avant son élection de député en 2021.
"L'articulateur de la colère de tous", devenu "en à peine sept ans, président puis une sorte de célébrité mondiale (...) si l'on rapporte les succès au temps investi, peut-être l'une des carrières politiques les plus réussies de l'histoire de l'humanité", écrit l'auteur.
M. Tenembaum, lors du débat, évoque les attaques "scatologiques", la "volonté de soumettre" du chef de l'Etat. Récemment revenu à la charge contre les journalistes "que les gens ne haïssent pas assez", a-t-il répété ces dernières semaines.
Une majorité de la "Milei-térature" 2025 a indubitablement une tonalité critique, que trahissent les titres : "Le plaisir de la cruauté: l'Argentine au temps de Milei", "Dérangés", "Tronçonneuse et confusion"...
Mais dans les étroites allées, entre les quelque 500 stands de la Foire -qui voit passer chaque automne sur trois semaines plus d'un million de visiteurs- les ouvrages hostiles voisinent avec les appels aux armes libérales ou libertariennes.
Ventes encore maussades
Au lendemain de la présentation du livre d'Ernesto Tenembaum, la même salle, tout aussi comble, écoutait Agustin Laje, politologue et théoricien d'extrême droite au coeur de la galaxie Milei, présenter son "Globalisme: ingénierie sociale et contrôle total au 21e siècle".
M. Laje, qui diagnostique "le crépuscule du régime de la vérité journalistique", a invité l'assistance à livrer la "bataille culturelle", où "chacun à un rôle actif à jouer (...) on est tous sur les réseaux sociaux, aujourd'hui tout le monde peut se faire entendre et a une responsabilité morale et politique à le faire".
Sans surprise dans un pays qui vogue de crise en crise -avec un chef d'Etat qui s'enorgueillit d'être "le premier président économiste de l'histoire argentine"- l'économie s'invite aussi à la Foire, avec la politique jamais loin.
Axel Kicillof, gouverneur péroniste (centre-gauche) de la province de Buenos Aires, et l'un des rares opposants a priori présidentiables en 2027, présente son livre "Revenir à Keynes", contrepied délibéré à la phobie de Javier Milei envers l'économiste de l'intervention de l'Etat, sujet d'un de ses livres, "Démasquer le mensonge keynésien" (2018).
Et malgré la joyeuse affluence bibliophile à la Foire, l'économie du livre, elle, peine à retrouver le sourire, reflétant 16 mois consécutifs de consommation en baisse, sous l'effet de l'inflation puis de l'austérité budgétaire.
Le président de la Fondation du Livre organisatrice, Christian Rainone, soulignait qu'en dépit d'une légère reprise début 2025, "les ventes n'ont pas récupéré la chute de 30% de 2024".