Les impayés d'eau n'impliquent pas d'augmenter le prix pour tous
Il existe de nombreuses raisons -bonnes ou mauvaises- pour augmenter le prix de l'eau: augmentation des redevances et des taxes (TVA), exigences accrues dans le domaine de l'environnement, gestion plus coûteuse des contrats d'eau, baisse du chiffre d'affaires, nouveaux investissements rendus nécessaires pour préserver les réseaux, etc. Le fait est que l'eau est de plus en plus chère pour les ménages et que la précarité hydrique augmente alors que les aides pour l'eau en faveur des plus démunis stagnent.
Une nouvelle cause éventuelle d'augmentation du prix de l'eau est apparue récemment lorsque certains ménages relativement peu nombreux ont tardé à payer leur eau, ce qui perturberait l'équilibre économique des distributeurs quand bien même les taux d'intérêt sont historiquement bas. Ce changement récent du comportement de certains abonnés domestiques serait lié à la disparition de la menace d'une coupure d'eau ou d'une réduction de débit en cas d'impayés. La mise en œuvre progressive de la loi Brottes combattue par de nombreux distributeurs d'eau, aurait rendu le business de l'eau moins rentable. Sans attendre que des données statistiques fiables soient disponibles, on nous annonce déjà qu'il faudra augmenter le prix de l'eau.
Les ménages à l'origine de retards de paiement, voire de créances irrécouvrables, sont relativement peu nombreux, quelques pourcents du total. Il y a d'une part des ménages démunis qui ne trouve plus les moyens de payer l'eau consommée et d'autre part, des ménages parfaitement en mesure de payer leur eau mais qui espèrent y échapper. Selon Antoine Frérot, PDG de Veolia, "les nouveaux mauvais payeurs ne sont pas majoritairement des gens qui rencontrent des difficultés" (Le Figaro, 16 août 2016). A l'Assemblée nationale, des députés ont affirmé que près de 90% de l'ensemble des ménages avec impayés ont la capacité de payer leurs dettes d'eau. Les usagers démunis pèsent donc assez peu dans l'ensemble des impayés.
Pour réduire l'incidence des impayés, il faut donc traiter prioritairement le cas des "nouveaux mauvais payeurs". Deux solutions sont à envisager: faire prendre en charge par l'ensemble des usagers de l'eau les impayés de ces "nouveaux mauvais payeurs", ou faire prendre en charge par les "nouveaux mauvais payeurs" la totalité des coûts associés aux impayés dont ils sont responsables et les dissuader de tarder à payer leur eau.
Cette première solution est très simple à mettre en œuvre: il suffit d'augmenter le prix de l'eau de un ou de deux pour cent. Déjà la FP2E (Fédération Professionnelle des Entreprises de l'Eau) annonce que le prix de l'eau va devoir augmenter pour compenser la croissance des impayés. Toutefois, cette solution est inacceptable car elle admet que des usagers en capacité de payer leur eau n'honorent pas leur contrat, agissent de manière incivique et portent atteinte à un service public essentiel. En outre, cette approche laxiste pourrait aboutir comme c'est le cas en Angleterre à ce que chaque ménage abonné "bon payeur" doive finalement consacrer jusqu'à 20 €/an du fait des impayés mal maîtrisés.
La seconde solution a le mérite de cibler les responsables des impayés et évite de donner accès gratuitement à l'eau que la plupart des usagers payent. Toutefois, elle a l'inconvénient de demander aux responsables politiques d'appliquer les lois à l'encontre des usagers inciviques. Les distributeurs, les régies, les agents du Trésor et les délégataires devront faire appel aux divers moyens de droit dont ils disposent pour encourager les usagers en capacité de payer leur eau à honorer sans retard leur contrat. Ces moyens existent et ne sont pas aussi drastiques qu'une coupure d'eau désormais illégale. Ceux qui tardent à payer leur eau sans motifs valables devront alors supporter toutes les conséquences de leur comportement même si cela rend l'eau très chère pour eux du fait des frais de justice. Quand ils subiront une saisie sur salaire, ils comprendront que tarder à payer l'eau n'est pas permis.
Pour qu'une action efficace puisse être menée contre les usagers en capacité de payer leur eau, il faut mettre fin à l'opacité qui entoure la question des recouvrements des factures d'eau. Les usagers devraient être clairement mis au courant des risques qu'ils prennent en ne payant pas leur eau dans les délais sans motifs valables. Pour que ces risques soient pris au sérieux, il faut que les poursuites interviennent rapidement et que chacun sache que des "nouveaux mauvais payeurs" ont été condamnés sévèrement. Dans de trop nombreux cas, les poursuites ne sont même pas engagées et les impayés gonflent. A Vierzon, ils ont même atteint 19% du total des factures de 2015.
Tous les responsables municipaux des services de l'eau devraient s'accorder pour empêcher que le prix de l'eau n'augmente et pour promouvoir des changements réglementaires rendus nécessaires après l'adoption de différentes lois récentes. Un suivi personnalisé des abonnés avec dettes d'eau présente généralement une grande utilité car il permettrait de maintenir de meilleures relations avec des usagers qui sont bien plus que de simples numéros. Des solutions autres que les pénalités et les saisies sont aussi à considérer. De brèves interruptions de fourniture ont été pratiquées dans plusieurs régies pour alerter les usagers retardataire. A Anthy-sur-Léman, le Maire a expliqué: "Nous ne voulons pas que les contribuables payent pour les mauvais payeurs" et a annoncé qu'il n'inscrirait plus à l'école les enfants d'abonnés en retard de paiement de l'eau. Cette mesure controversée a eu pour effet que 80% des usagers en retard ont payé et que les autres ont été dirigés vers le CCAS (Le messager.fr . Dans cette commune, le cumulé des impayés avait atteint 15 €/ habitant. Dans de nombreuses autres collectivités, le volume élevé des impayés reflète le peu d'intérêt consacré au recouvrement des impayés, notamment par le Trésor public.)
La rigueur plus grande à l'égard des "profiteurs" sera accompagnée par plus de mansuétude à l'égard des usagers démunis ou ayant de bonnes raisons pour être en retard de paiement. Il leur appartiendra toutefois de réagir aux rappels des distributeurs et de leur faire connaître ces raisons. Parallèlement, les mesures de solidarité devront être prises pour que l'eau reste effectivement abordable même pour les plus démunis.
Quelles que soient la ou les solutions retenues, il est indispensable de préserver le droit à l'eau et de prévoir l'intervention immédiate d'un médiateur en cas de privation ou de réduction de l'accès à l'eau: en effet, il n'appartient pas aux distributeurs d'eau de se faire justice à eux-mêmes, mais en revanche, ils sont tenus de mettre en oeuvre les moyens de droit dont ils disposent.
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Une nouvelle cause éventuelle d'augmentation du prix de l'eau est apparue récemment lorsque certains ménages relativement peu nombreux ont tardé à payer leur eau, ce qui perturberait l'équilibre économique des distributeurs quand bien même les taux d'intérêt sont historiquement bas. Ce changement récent du comportement de certains abonnés domestiques serait lié à la disparition de la menace d'une coupure d'eau ou d'une réduction de débit en cas d'impayés. La mise en œuvre progressive de la loi Brottes combattue par de nombreux distributeurs d'eau, aurait rendu le business de l'eau moins rentable. Sans attendre que des données statistiques fiables soient disponibles, on nous annonce déjà qu'il faudra augmenter le prix de l'eau.
Les ménages à l'origine de retards de paiement, voire de créances irrécouvrables, sont relativement peu nombreux, quelques pourcents du total. Il y a d'une part des ménages démunis qui ne trouve plus les moyens de payer l'eau consommée et d'autre part, des ménages parfaitement en mesure de payer leur eau mais qui espèrent y échapper. Selon Antoine Frérot, PDG de Veolia, "les nouveaux mauvais payeurs ne sont pas majoritairement des gens qui rencontrent des difficultés" (Le Figaro, 16 août 2016). A l'Assemblée nationale, des députés ont affirmé que près de 90% de l'ensemble des ménages avec impayés ont la capacité de payer leurs dettes d'eau. Les usagers démunis pèsent donc assez peu dans l'ensemble des impayés.
Pour réduire l'incidence des impayés, il faut donc traiter prioritairement le cas des "nouveaux mauvais payeurs". Deux solutions sont à envisager: faire prendre en charge par l'ensemble des usagers de l'eau les impayés de ces "nouveaux mauvais payeurs", ou faire prendre en charge par les "nouveaux mauvais payeurs" la totalité des coûts associés aux impayés dont ils sont responsables et les dissuader de tarder à payer leur eau.
Cette première solution est très simple à mettre en œuvre: il suffit d'augmenter le prix de l'eau de un ou de deux pour cent. Déjà la FP2E (Fédération Professionnelle des Entreprises de l'Eau) annonce que le prix de l'eau va devoir augmenter pour compenser la croissance des impayés. Toutefois, cette solution est inacceptable car elle admet que des usagers en capacité de payer leur eau n'honorent pas leur contrat, agissent de manière incivique et portent atteinte à un service public essentiel. En outre, cette approche laxiste pourrait aboutir comme c'est le cas en Angleterre à ce que chaque ménage abonné "bon payeur" doive finalement consacrer jusqu'à 20 €/an du fait des impayés mal maîtrisés.
La seconde solution a le mérite de cibler les responsables des impayés et évite de donner accès gratuitement à l'eau que la plupart des usagers payent. Toutefois, elle a l'inconvénient de demander aux responsables politiques d'appliquer les lois à l'encontre des usagers inciviques. Les distributeurs, les régies, les agents du Trésor et les délégataires devront faire appel aux divers moyens de droit dont ils disposent pour encourager les usagers en capacité de payer leur eau à honorer sans retard leur contrat. Ces moyens existent et ne sont pas aussi drastiques qu'une coupure d'eau désormais illégale. Ceux qui tardent à payer leur eau sans motifs valables devront alors supporter toutes les conséquences de leur comportement même si cela rend l'eau très chère pour eux du fait des frais de justice. Quand ils subiront une saisie sur salaire, ils comprendront que tarder à payer l'eau n'est pas permis.
Pour qu'une action efficace puisse être menée contre les usagers en capacité de payer leur eau, il faut mettre fin à l'opacité qui entoure la question des recouvrements des factures d'eau. Les usagers devraient être clairement mis au courant des risques qu'ils prennent en ne payant pas leur eau dans les délais sans motifs valables. Pour que ces risques soient pris au sérieux, il faut que les poursuites interviennent rapidement et que chacun sache que des "nouveaux mauvais payeurs" ont été condamnés sévèrement. Dans de trop nombreux cas, les poursuites ne sont même pas engagées et les impayés gonflent. A Vierzon, ils ont même atteint 19% du total des factures de 2015.
Tous les responsables municipaux des services de l'eau devraient s'accorder pour empêcher que le prix de l'eau n'augmente et pour promouvoir des changements réglementaires rendus nécessaires après l'adoption de différentes lois récentes. Un suivi personnalisé des abonnés avec dettes d'eau présente généralement une grande utilité car il permettrait de maintenir de meilleures relations avec des usagers qui sont bien plus que de simples numéros. Des solutions autres que les pénalités et les saisies sont aussi à considérer. De brèves interruptions de fourniture ont été pratiquées dans plusieurs régies pour alerter les usagers retardataire. A Anthy-sur-Léman, le Maire a expliqué: "Nous ne voulons pas que les contribuables payent pour les mauvais payeurs" et a annoncé qu'il n'inscrirait plus à l'école les enfants d'abonnés en retard de paiement de l'eau. Cette mesure controversée a eu pour effet que 80% des usagers en retard ont payé et que les autres ont été dirigés vers le CCAS (Le messager.fr . Dans cette commune, le cumulé des impayés avait atteint 15 €/ habitant. Dans de nombreuses autres collectivités, le volume élevé des impayés reflète le peu d'intérêt consacré au recouvrement des impayés, notamment par le Trésor public.)
La rigueur plus grande à l'égard des "profiteurs" sera accompagnée par plus de mansuétude à l'égard des usagers démunis ou ayant de bonnes raisons pour être en retard de paiement. Il leur appartiendra toutefois de réagir aux rappels des distributeurs et de leur faire connaître ces raisons. Parallèlement, les mesures de solidarité devront être prises pour que l'eau reste effectivement abordable même pour les plus démunis.
Quelles que soient la ou les solutions retenues, il est indispensable de préserver le droit à l'eau et de prévoir l'intervention immédiate d'un médiateur en cas de privation ou de réduction de l'accès à l'eau: en effet, il n'appartient pas aux distributeurs d'eau de se faire justice à eux-mêmes, mais en revanche, ils sont tenus de mettre en oeuvre les moyens de droit dont ils disposent.
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