ru24.pro
Новости по-русски
Август
2016

Préserver l'ordre public n'autorise pas le désordre d'État

0
La notion d'ordre public correspond à l'aspiration de chacun à vivre dans une société apaisée, sûre, soucieuse de la santé publique et régie par des lois résultant d'un consensus social.

L'expression cependant demeure imprécise quant à ses contours.

Aux antipodes de l'ordre maintenu par la République figure le désordre de l'anarchie ou de la guerre civile. Entre les deux, l'État d'abord, puis les juges, ont le rôle difficile d'établir un compromis raisonnable entre la nécessité de l'ordre public et les libertés individuelles. On peut mesurer la vigueur d'une démocratie à sa capacité de maintenir entre les deux un juste équilibre à la manière d'un funambule.

Nous ne sommes pas protégés seulement par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. La Déclaration européenne de sauvegarde des droits de l'homme du 4 novembre 1950, qui constitue le socle et la voute juridique auxquels se sont rangés quarante-sept pays d'Europe, énonce les droits et libertés individuelles dont chaque personne humaine peut se prévaloir: droit à la vie, droit à la liberté et à la sûreté, droit à un procès équitable, au respect de la vie privée et familiale, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, à la liberté d'expression, de réunion et d'association, droit au mariage, droit à n'être ni victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants ni de discrimination.

Dans le même temps, la proclamation de chacune de ces libertés peut être soumise à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions dont la Déclaration dit qu'il ne peut s'agir que de mesures nécessaires dans une société démocratique au regard de la sécurité nationale, de l'intégrité territoriale ou de la sûreté publique, ainsi qu'en considération de la défense de l'ordre et de la prévention de crimes, comme de la protection de la santé ou de la morale, etc ...

Bref, toute liberté a ses limites qui sont en réalité celles de l'ordre public. Mais l'État n'est légitime, quand il interdit, réduit ou réprime, qu'à la condition de se limiter à ce qui est nécessaire et proportionné dans une société démocratique.

Nos États, sur ce point, évoluent.

Il y a quarante ans, un journal pouvait être interdit de paraître au motif qu'il risquait de porter atteinte à l'ordre public, envisagé du point de vue de la sûreté publique ou de la morale publique. Le Général De Gaulle avait ainsi interdit tout écrit qui aurait présenté un danger pour la jeunesse.

Si l'on remonte encore plus loin dans le temps, cette définition de l'ordre public donnée par le code civil de 1804 avait conduit le Procureur Pinard à requérir avec talent et sans concession pour faire censurer Madame Bovary et Les fleurs du mal en ce que ces deux ouvrages offensaient la morale. Et il y a seulement trente-cinq ans que le monopole d'État en matière de communication audiovisuelle a été brisé pour permettre l'éclosion de ce que l'on appela les radios libres.

La Turquie, membre du Conseil de l'Europe, et par conséquent assujettie à la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 50, sous prétexte de rétablir l'ordre public, fait arrêter par dizaines de milliers des militaires, des fonctionnaires, des juges, des journalistes, des avocats.

S'il est évident qu'un attentat faisant des dizaines de morts porte une atteinte gravissime à l'ordre public, c'est parce qu'un crime de masse constitue objectivement un désordre public intolérable.

Pour autant, l'ordre public ne saurait être menacé par une tenue vestimentaire s'inscrivant dans le droit de chaque personne à être elle-même comme à porter, en public ou en privé, les insignes de sa religion, voire de son athéisme.

Il ne faut jamais se lasser de répéter la phrase de Benjamin Franklin:

"Celui qui sacrifie une liberté essentielle au profit d'une sécurité éphémère et aléatoire ne mérite ni la liberté ni la sécurité".

Préserver l'ordre public n'autorise pas le désordre d'État.


Christian Charrière-Bournazel - Liberté d'expression, justice et fraternité - Ed. Balland


Lire aussi:

• "Marianne a le sein nu, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre"

• Les deux femmes voilées exclues d'un ont porté plainte

• Une loi anti-burkini serait "inconstitutionnelle et inefficace"

• Pour suivre les dernières actualités en direct sur Le HuffPost, cliquez ici

• Tous les matins, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost

• Retrouvez-nous sur notre page Facebook


Également sur Le HuffPost: