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Август
2016

Réponse à Nathalie Goulet sur la journée burkini

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La sénatrice Nathalie Goulet envisage deux faits sociétaux marquants de l'actualité en France sous un même angle : une demande de fermeture de supérette à Colombes, et la contestation d'un dimanche aquatique en burkini. Si elle n'a pas tort sur tous les aspects de son raisonnement, elle n'a pas raison non plus.

Une supérette sans porc, ni alcool

Comme le rappelle Le Parisien, les locaux de la supérette en question appartiennent à Colombes Habitat Public. Le bailleur a déposé un recours devant le tribunal de Nanterre pour faire résilier le bail, dont la fin est prévue en 2019, au motif que celui-ci stipule "alimentation générale". Le gérant assure que ni l'alcool ni les produits issus du porc ne représente une demande de masse, et invoque des raisons économiques. Chez les habitants interrogés par le quotidien local, les avis divergent. Et ce n'est pas une première. Ainsi, si un commerce installé dans des murs privés est en droit de ne vendre que des produits "communautaires", qu'en est-il dans des murs gérés par un organisme public ? In fine, ce différend sera jugé en octobre.

Espace privé, espace public

Aux Pennes-Mirabeaux, le sénateur-maire Michel Amiel a demandé l'annulation de la journée burkini, selon Madame Goulet sous la pression des réseaux sociaux. Ce phénomène est bien réel : c'est le plus souvent sous la pression des internautes que se déterminent dorénavant traitements médiatiques et prises de position politiques. C'est depuis les réseaux sociaux qu'a été déclenchée l'affaire du troisième Salon (intégriste) de Pontoise, dont les éditions précédentes, passées inaperçues alors même qu'elles avaient accueilli des prédicateurs de haine, n'avaient jamais été contestées.

Et si la parole politique en France tend à suivre la voix massive des #hashtags pour la flatter ou la condamner, dans un contexte pré-électoral il est aisé d'observer que la surenchère à droite emporte les suffrages et rallie peut-être quelques indécis estimant que seul le Front national s'emparait jusqu'alors de questions que l'on aurait tort de n'envisager que sous l'angle identitaire.

Mais cette surenchère 2.0 affecte aussi les raisonnements laïques. De fait, en droit, Mme Goulet a raison de le rappeler, la privatisation d'un lieu, qu'il soit de nature publique ou privée, implique "une mise à disposition payante à l'usage exclusif des membres" de l'organisme qui privatise. Le cas du centre aquatique est d'autant plus flagrant en ce sens qu'il est privé et par surcroît fermé au public à la date prévue, et qu'il a déjà accueilli des événements privés gays et libertins.

Toute interdiction non seulement se heurte donc à notre droit, mais serait susceptible de créer un dangereux précédent. Si nous retirons à une association X la liberté d'organiser l'événement qu'elle souhaite selon les modalités qui lui appartiennent, tout groupe de pression numérique ou citoyen serait donc fondé à contester n'importe quel événement privé organisé dans une structure privatisée.

Ainsi, un même événement organisé par une association de nudistes pourrait être contesté au motif qu'il faudrait se dénuder entièrement pour y participer et qu'il s'agirait là d'une insupportable discrimination envers ceux qui voudraient précisément se baigner ce jour-là, en bikini par exemple et non pas en tenue d'Eve. Seulement, pourquoi quiconque exigerait-il de se baigner ce jour-là ?

Un deuxième argument en faveur de la non-interdiction de l'événement concerne le burkini en lui-même et invoque le fait que se baigner habillé n'est pas interdit en France. On passera sur la cause hygiénique qui relève de scories du raisonnement pour s'attacher à cette affirmation. De fait, rien n'interdit à personne de se baigner en tee-shirt ou en tenue de scaphandrier dans une piscine privée ou privatisée - et il revient au loueur d'assurer l'hygiène pour les baigneurs suivants.

Le troisième argument concerne la liberté religieuse. Et c'est là que le bât blesse. Et que Madame Goulet fait erreur.

Un climat "islamophobe" et beaucoup d'intolérance ?

Non, sénatrice Goulet, il n'y a pas de "climat islamophobe" en France suite aux attentats qui ont frappé notre pays depuis l'affaire Merah en 2012. Bien au contraire, nos compatriotes font, dans leur immense majorité, preuve d'une force morale admirable et d'une capacité de résilience d'autant plus remarquable qu'elle est violemment mise à l'épreuve.

Non, sénatrice Goulet, l'islam n'est pas considéré comme "une religion de l'étranger". Et enfin, non, le climat n'est pas révélateur d'une intolérance à l'égard de nos compatriotes musulmans.

Le burkini, pas plus que le voile islamique, ne sont des obligations religieuses, mais des manifestations de la propagande wahhabite en France et dans le monde. Ils sont les manifestations d'un islam rigoriste et intolérant, sexiste et discriminant, et il aurait suffi à Madame Goulet de se rendre sur le site de l'association organisatrice pour y lire des propos que tout démocrate, si tolérant soit-il, ne peut que réprouver et condamner.

Madame Goulet aurait ainsi pu constater que l'on y justifie le viol des femmes en bikini, que l'on y interdit le partage des fêtes religieuses juives et chrétiennes, que l'on y qualifie l'Autre de "mécréant".

Madame Goulet aurait peut-être alors compris que, derrière le burkini, tout comme derrière le voile intégral, c'est toute une idéologie qui est à l'oeuvre. Et que c'est cette idéologie que les contestaires réprouvent, et que parmi ces contestataires, l'on compte nombre de musulmans.

Madame Goulet devrait donc plutôt déplorer que ces contestations aient disparu à gauche.

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