ru24.pro
Новости по-русски
Август
2016

Du "discordat" et du concordat, gallicaniser l'islam

0
"Discordat", le mot est de Clémenceau. Il a été prononcé à l'époque où la question laïque portait à l'ébullition les esprits. Il est de mise au moment où le "concordat" s'invite dans l'actualité. Le vocable aurait été évoqué par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, en commentaire des propos inqualifiables de l'imam de Nice (démentis depuis, ndlr) pour qui, "c'est la faute de la laïcité des Français s'il y a des attentats". Le ministre aurait dit : "Ce genre de propos intolérables réclament une réponse ! C'est pourquoi, tout en gardant mes principes républicains, je m'interroge sur l'usage vis-à-vis de l'islam d'un concordat tel que celui qui est en vigueur en Alsace-Moselle" (Le Canard Enchaîné, 27 juillet 2016).

Interpellé par Laurence Marchand Taillade, présidente de l'Observatoire de la laïcité dans le Val d'Oise, qui craint l'ouverture de "la boîte de Pandore", le ministre a adressé une lettre le 29 juillet 2016, publiée sur Facebook, portant un démenti au palmipède : "une telle visée serait inconstitutionnelle" ; "elle est de surcroît parfaitement contraire à mes convictions profondes". Et le ministre de réaffirmer son attachement à la loi de 1905 et sa volonté de régler les problèmes avec l'islam, "deuxième religion de France", par la formation des imams en France. Nos oreilles sont habituées aux rétropédalages de ce quinquennat.

Mais une réaction s'impose. En quoi un concordat est-il inconstitutionnel puisque le régime concordataire s'applique en Alsace-Moselle ? Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2012-297, QPC du 21 février 2013, a validé ce concordat. Il a même été souligné que si le régime concordataire renvoyait au temps d'"une emprise" de l'Eglise catholique sur la société, il assurait autant le contrôle des pouvoirs publics, appelant à la rescousse, le grand juriste gallican Portalis, auteur des articles organiques : "Le bon ordre et la sûreté publique ne permettent pas que l'on abandonne pour ainsi dire ces institutions (religieuses) à elles-mêmes. L'Etat ne pourrait avoir aucune prise sur des établissements et des hommes que l'on trouverait comme étrangers à l'Etat : le système d'une surveillance raisonnable des cultes ne peut être garanti que par le plan connu d'une organisation légale des cultes" (discours au Corps législatif, 5 avril 1802). Le Concordat a apporté à la France la paix religieuse, dans le respect des cultes et dans l'exigence de leur soumission aux lois civiles. Dans son discours du 4 mai 1877, dont on n'a retenu que "le cléricalisme, voilà l'ennemi", Gambetta fait juste mention de la séparation, mais réclame de "restituer dans toute son intégrité" la législation concordataire : "Retenez bien ceci : le Concordat est la loi du pays". Ce faisant, il "reprend la tradition des juristes gallicans" et surtout Portalis, "l'Eglise est dans l'Etat". Jules Ferry regardait le Concordat comme "la meilleure solution empirique des rapports de l'Eglise et de l'Etat" (J.-M. Mayeur, "La Question laïque XIXe-XXe siècle", Fayard, Paris, 1977, p.50 et s.). Ne pourrait-on pas dire : "l'islam est dans l'Etat", que le système concordataire offre une plus grande souplesse des relations, qu'un concordat donnerait aux autorités républicaines des instruments autrement efficaces pour surveiller, contraindre et punir toutes dérives islamistes, liées ou non à des attentats?

Après le ministre, le gouvernement, par la voix du premier ministre Manuel Valls, rouvre le débat. Après avoir pointé du doigt "le financement des mosquées" par des fonds étrangers, il juge nécessaire "une remise à plat" des structures et des procédures afin d' "inventer une nouvelle relation avec l'islam de France" (Le Monde, 29 juillet 2016) ; il appelle à "bâtir un véritable pacte avec la deuxième religion de France", enfin estime que l'idée d' "un néo-concordat" avec l'islam est une "insulte à la laïcité" (JDD, tribune 31 juillet 2016). Manuel Valls a pourtant été crédité d'une intervention forte mais discrète pour la nomination de l'évêque de Metz, "imposant" un candidat moins traditionaliste, moins complaisant avec les opposants au mariage pour tous, au lieu de celui voulu par l'Eglise (Le Républicain lorrain, 07/11/2013). Il a bien profité du "jeu concordataire". D'ailleurs, la loi de 1905 donne elle-même un "droit de regard" sur les nominations. Pourquoi ne s'en sert-on pas pour les imams ? Si "insulte" il y aurait, hypocrisie, il y a. Manuel Valls est, hélas!, coutumier des formules frappées au coin du non-sens. Prenons n'importe quel bon dictionnaire (-le Trésor de la langue française, par ex.), "concordat" a pour synonyme, "protocole, traité, convention, pacte, charte, bail, compromis". En dehors de son sens spécifique de traité entre un Etat et le Saint-Siège, il est un acte de conciliation (ex. en droit commercial, pour le règlement à l'amiable des dettes). Dans le mot "concordat", il y a l'idée de concorde, de paix, d'harmonie. Rien ne nous interdit d'y voir aussi, un acte fait avec le " cœur " ("cor, cordis" en latin), ce qui revêt toute son importance vis-à-vis de l'islam qui autorise la dissimulation au musulman, la fameuse "Taqqia'".

Quelle que soit la qualification de l'acte ou du processus qui nous mènera à des rapports sains et apaisés avec l'islam, il nous faut retrouver l'esprit gallican -du latin médiéval, "gallicus", "français"- qui a empreint la tradition catholique (-et aussi protestante) française, de l'Ancien Régime à la Constitution civile du clergé d'inspiration gallicane (12 juillet 1790, dont le rapporteur Martineau est janséniste), jusqu'au Concordat considéré surtout dans ses articles organiques. Le gallicanisme, au cours de notre histoire, a donné la primauté aux libertés de l'Eglise gallicane et au pouvoir du souverain de France, au temporel, face à une puissance étrangère, hier le Souverain Pontife, aujourd'hui, en République, face aux doctrines et sensibilités musulmanes étrangères et surtout étrangères à nos mœurs et à nos lois. Ce vieux fonds gallican, on le retrouve encore dans des déclarations contemporaines. Le 15 décembre 1992, devant l'Association des journalistes de l'information religieuse (AJIR), Paul Quilès, alors ministre de l'Intérieur, estimait "inacceptable que la mosquée de Paris soit inféodée à une puissance extérieure". Le gallicanisme est bien "cette doctrine, nécessaire, pour la tranquillité publique, et non moins avantageuse à l'Eglise qu'à l'Etat" (Bossuet, 19 mars 1682). Couper l'Islam français de ses allégeances extérieures, le gallicaniser, voilà le défi qui nous attend !

Lire aussi :

• Bernard Cazeneuve nie être favorable à un concordat avec l'islam

• Pourquoi suspendre le financement étranger des mosquées ne serait pas la solution miracle

• Ils veulent suspendre le financement étranger des mosquées, oui mais...

• Tous les matins, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost

• Retrouvez-nous sur notre page Facebook