Martin Kobler ou la stratégie du forcing
Puisque Martin Kobler aime les métaphores (cf interview au journal Le Monde du 22 avril) en comparant le gouvernement Al Sarraj à une ambulance qui n'a pas de plaque minéralogique transportant des blessés et qui doit se rendre à l'hôpital en raison d'une situation d'urgence, on remarquera que l'ambulance de Martin Kobler n'a tout d'abord pas de chauffeur. Une omission juste, puisque, aujourd'hui, on se demande qui de Ahmed Metiq ou du premier ministre, Fayez Al Sarraj dirige ce gouvernement. Quant aux "blessés", dont M. Kobler n'a pas révélé la nature des blessures, il s'agit en l'occurrence de blessés amputés, puisque deux des vice-ministres du conseil gouvernemental boycottent ce gouvernement et trois autres ne souhaitent pas se rendre à Tripoli, dont le ministre de la Défense, très contesté à l'Est et par Haftar.
Un gouvernement non identifié
L'envoyé spécial a donc eu formellement raison de ne pas mettre à cette ambulance de gyrophare et de plaque minéralogique. Les Libyens peinent, en effet, à identifier ce gouvernement non encore validé par le Parlement de Tobrouk, une instance toujours reconnue par la communauté internationale. A défaut donc de plaque, des couleurs (rouge, noir, vert et blanc) sur une des portes eut été le minimum requis, surtout en période de brouillard dense (!), même si de leur côté, le Royaume-uni, les États-Unis et les Italiens n'ont aucun mal à trouver leur chemin.
Quant à l'hôpital, on doute de la solidité d'un management centralisé de la direction. Notamment, avec la présence à l'Est d'un autre gouvernement qui fait ce qu'il veut. Et s'autofinance. Par ailleurs, même si le gouvernement Al Sarraj récupère les meubles -payés très chers aux milices- appartenant aux ministères du gouvernement de Tripoli, celui-ci n'a pas démissionné officiellement. Idem pour le CGN (le parlement de Tripoli illégal), si ses membres récalcitrants ont été dévissés de leur siège par une milice d'un des membres du conseil gouvernemental, et remplacés par le Conseil d'Etat (dont le nombre 145, prévu selon les accords de Skhirrat n'est pas atteint), le forcing employé va laisser, sans aucun doute, un parfum revanchard, que certaines milices n'hésiteront pas à s'approprier. Les tractations, les menaces, et même les attentats iront bon train. Le règne des milices sera à nouveau effectif.
Martin Kobler a également bien mentionné qu'il y avait une situation d'urgence. Certes, mais face à cette situation, il aurait sans doute fallu aller directement à l'essentiel : réunir les deux gouvernements (Tripoli et Al Beida), qui désespérés ont tenté de se réunir à Paris, il y a encore quelques mois, bien avant la réunion des deux présidents des deux parlements de Tripoli et de Tobrouk en Tunisie. Or l'initiative, qui aurait été replacée par la suite dans le cadre onusien, a été refusée, notamment par Paris. Laurent Fabius, usé, mal conseillé, ailleurs et inexistant face aux États-Unis, au Royaume-Uni, très pro-Qatar, pro-Bel Haj (milicien ex-al Qaida), lequel a tout de même été reçu au Quai, n'a pas voulu s'impliquer dans le dossier. Cette heureuse initiative de rencontres aurait sans doute amené d'autres initiatives plus concrètes faites dans une optique d'unification situées à la portée des libyens, mais aussi de celle de l'Europe, dont le souci est l'immigration. D'ailleurs, ce problème a t-il des chances d'être résolu avec le gouvernement Al Sarraj ?
L'immigration : seule une armée nationale peut la stopper
On n'en doute beaucoup. Les milices vont continuer les départs de bateaux, et même davantage, les beaux jours arrivant, malgré la présence de bateaux européens de l'opération "Sophia" au large de la Libye et qui patiente, faute d'un feu vert du gouvernement Al Sarraj pour entrer dans les eaux territoriales libyennes. Un vrai dilemme pour Al Sarraj, lui, qui dans un élan nationaliste stratégique récent, a annoncé ne vouloir ni de force d'interposition ni d'intervention étrangère.
Et quand bien même l'Otan lancerait dans trois mois des premières patrouilles maritimes au large de la Libye pour tenter de réduire le flux de migrants arrivant en Italie, et renverrait dans leur pays les migrants économiques, comme cela se profile, faut-il déjà être à l'intérieur des terres (!!). Le flux de migrants arrive, de façon très importante, du Sud. Par prudence, ils tenteront davantage leur chance pendant la nuit. Seuls 3 à 4 heures suffisent pour atteindre les eaux territoriales. D'autres récupérés ne pourront être renvoyés en Libye qui n'en voudra pas. Ce que lui autorise le droit. Ou encore, mais cela reste à prouver, les migrants seront transportés par bateau ou par avion dans leur pays d'origine. Une évidence : ils reviendront par les mêmes voies. Un vrai ballet (!!)
Seule une armée nationale pourrait stopper cet engrenage. Or à l'ouest, l'armée est embryonnaire. Et à l'Est, celle du général Haftar, qui est plus avancée dans l'organisation, n'est pas encore fixée sur son sort. L'envoyé spécial, n'ayant pu ou su avancer une sortie de crise concernant Derna et Benghazi -il n'y a eu aucun cessez le feu décrété, donc pas de réelle négociation-, et donc désamorcer le conflit entre Misurata et Haftar, celui-ci a donc renforcé l'axe Misurata et Abdelhakim Bel Haj, au jeu pourtant nocif et très douteux, mais qui toutefois a réussi à s'imposer comme un des farouches gardien du gouvernement à Tripoli.
Que faire du général Haftar ?
Face à la quadrature du cercle, Martin Kobler se propose donc de réfléchir à une formule : soit limiter l'influence d'Haftar à l'Est, et dans ce cas on sait que Tobrouk résistera. Soit une rotation de chefs d'état- major ou encore une structure collective. Une formule vague, dont on ne connait pas les contours. Et qui intervient après tout de même après 5 mois de navettes éclaires. Un temps précieux où rien n'a été résolu fondamentalement, pire, les divisions se sont aggravées, alors que B. Léon avait tout de même marqué des points sur la question, notamment à NewYork.
A défaut de régler le problème des deux villes, qui est somme toute banal à la base (un conflit social), la guerre perdura à l'Est. Et la réconciliation sera impossible entre Misurata et Haftar qui ont pourtant davantage de points en commun qu'avec Abdelhakim Bel haj (ex al Qaïda), islamiste et largement soutenu par la Turquie et le Qatar. D'autant que, les islamistes politiques qui souhaitent imposer exclusivement la charia et un centralisme d'Etat socialio/communiste, mettant ainsi fin à toute réforme libérale, sont minoritaires.
S'agissant de Daech, si l'organisation est certes en progression, elle est depuis peu très fragilisée. Des actions ont pu être menées contre ce groupe terroriste, par les occidentaux mais aussi par Al Qaïda et Ançar Al charia (essentiellement libyens) à Derna et par le général Haftar (Ajdhabbya et Derna). Soit deux fronts qui se combattent mais qui ont trouvé, du moins à Derna, leur ennemi commun ( !). Restera les autres localités où Al Qaida et Ançar al charia sont encore liés au mouvement terroriste. Un combat difficile... mais qui ne sera sans doute pas insurmontable par le général, ne serait-ce parce qu'il vient de recevoir d'importants renforts. Ces opérations ont eu, par ailleurs, un impact immédiat : raviver sa côte de popularité, un temps en berne.
Libye : vers une partition ?
Va-t-on vers une partition de la Libye Est-Ouest, laquelle s'étendra indéniablement au Sud ? Si certains libyens poussent vers cette direction, celle-ci est pourtant irréalisable, même si Ibrahim Jadran, le jeune et rusé gardien de puits à l'Est est vaincu. La découverte du pétrole a changé la donne depuis longtemps et on imagine mal dans ces conditions une gestion technique, administrative et financière de la manne pétrolière. Par ailleurs, le facteur tribal préexistant en Libye, ce sont des familles entières aux liens étroits qui se feront la guerre, laquelle sera de grande ampleur mêlant différents intérêts dont ceux de l'Egypte, du Qatar, de la Turquie, du Soudan, des EAU..., et ceux des occidentaux. Veut-on vraiment cela ? S'y achemine t-on ? La libération de Sirte, qui se glisse, aujourd'hui, en fond de toile, pourrait bien être son point de départ. Si elle devait se produire, elle chamboulerait non seulement la donne des acteurs, mais aussi la stratégie onusienne concernant les accords de Skhirrat. Le "Conseil de sécurité" oserait-il donner des armes à Misurata quand on sait pertinemment pour qui le nouveau gouvernement les dédiera : non pas pour combattre Daech mais pour combattre Haftar. Car cela risque indéniablement de se terminer ainsi.
Des divisions plus profondes
In fine, depuis son arrivée en novembre, la stratégie de l'envoyé spécial s'est caractérisée par une consolidation du noyau pro-Sarraj mais aussi par un large approfondissement des divisions. Au lieu de rattraper les "erreurs" de Bernadino Léon, lors de la formation du gouvernement en octobre 2015, l'envoyé spécial n'a voulu, ou pu, saisir aucune des perches qui lui étaient tendues. Il s'agissait, entre autres, de la réduction du nombre de vice-ministres du conseil gouvernemental de Al Sarraj (3 contre 9 aujourd'hui !), partiellement choisis par l'Onu et qui aurait était la base de nouvelles négociations entre les acteurs, Al Sarraj n'étant pas à cette époque considéré comme un obstacle. On s'est vite aperçu que l'envoyé spécial utilisait une méthode bien particulière : le forcing, les menaces, au détriment de la négociation, de la psychologie des acteurs, de l'aspect tribal, et du tact. Cette stratégie, dont on ne sait si elle avait été préalablement définie ou établie au coup par coup -on jette des dés et on voit ensuite ce que cela créé-, donne aujourd'hui un résultat assez édifiant. Les opposants au gouvernement à l'Est sont davantage plus nombreux que lors du départ de Bernadino Léon. Soit près de 80 députés contre le gouvernement Al Sarraj et donc entre 90 et 101 favorables à ce gouvernement, contrairement au chiffre avancé (cf interview Le Monde du 22 avril : 150 députés) par l'envoyé spécial. Les "amis" d'autrefois sont devenus des ennemis. Un gouvernement partiel non consensuel. Cette division a même trouvé son pendant sur le terrain divisant les milices en pro et anti Sarraj. Par ailleurs, la question de fond, à savoir l'intégration d'Haftar dans l'armée n'est toujours pas résolue. Tout compte fait, l'envoyé spécial a créé une sorte de mille-feuilles assez complexe qui pose la question du maintien ou non des accords de Skhirrat et cela même sur le plan législatif, puisque le parlement de Tobrouk a été dépouillé d'une de ses prérogatives. Bref, la spirale dans laquelle est entraînée les libyens crédules, semble sans fin et a davantage eu pour effet de les désorienter que de les stabiliser. Affligeant... ( !).
Martin Kobler a donné 10 jours au Parlement de Tobrouk pour valider le gouvernement. Un difficile vote. A défaut, les députés favorables au gouvernement AL Sarraj souhaitent voter eux-mêmes la validation du gouvernement ailleurs qu'à Tobrouk.
Un gouvernement non identifié
L'envoyé spécial a donc eu formellement raison de ne pas mettre à cette ambulance de gyrophare et de plaque minéralogique. Les Libyens peinent, en effet, à identifier ce gouvernement non encore validé par le Parlement de Tobrouk, une instance toujours reconnue par la communauté internationale. A défaut donc de plaque, des couleurs (rouge, noir, vert et blanc) sur une des portes eut été le minimum requis, surtout en période de brouillard dense (!), même si de leur côté, le Royaume-uni, les États-Unis et les Italiens n'ont aucun mal à trouver leur chemin.
Quant à l'hôpital, on doute de la solidité d'un management centralisé de la direction. Notamment, avec la présence à l'Est d'un autre gouvernement qui fait ce qu'il veut. Et s'autofinance. Par ailleurs, même si le gouvernement Al Sarraj récupère les meubles -payés très chers aux milices- appartenant aux ministères du gouvernement de Tripoli, celui-ci n'a pas démissionné officiellement. Idem pour le CGN (le parlement de Tripoli illégal), si ses membres récalcitrants ont été dévissés de leur siège par une milice d'un des membres du conseil gouvernemental, et remplacés par le Conseil d'Etat (dont le nombre 145, prévu selon les accords de Skhirrat n'est pas atteint), le forcing employé va laisser, sans aucun doute, un parfum revanchard, que certaines milices n'hésiteront pas à s'approprier. Les tractations, les menaces, et même les attentats iront bon train. Le règne des milices sera à nouveau effectif.
Martin Kobler a également bien mentionné qu'il y avait une situation d'urgence. Certes, mais face à cette situation, il aurait sans doute fallu aller directement à l'essentiel : réunir les deux gouvernements (Tripoli et Al Beida), qui désespérés ont tenté de se réunir à Paris, il y a encore quelques mois, bien avant la réunion des deux présidents des deux parlements de Tripoli et de Tobrouk en Tunisie. Or l'initiative, qui aurait été replacée par la suite dans le cadre onusien, a été refusée, notamment par Paris. Laurent Fabius, usé, mal conseillé, ailleurs et inexistant face aux États-Unis, au Royaume-Uni, très pro-Qatar, pro-Bel Haj (milicien ex-al Qaida), lequel a tout de même été reçu au Quai, n'a pas voulu s'impliquer dans le dossier. Cette heureuse initiative de rencontres aurait sans doute amené d'autres initiatives plus concrètes faites dans une optique d'unification situées à la portée des libyens, mais aussi de celle de l'Europe, dont le souci est l'immigration. D'ailleurs, ce problème a t-il des chances d'être résolu avec le gouvernement Al Sarraj ?
L'immigration : seule une armée nationale peut la stopper
On n'en doute beaucoup. Les milices vont continuer les départs de bateaux, et même davantage, les beaux jours arrivant, malgré la présence de bateaux européens de l'opération "Sophia" au large de la Libye et qui patiente, faute d'un feu vert du gouvernement Al Sarraj pour entrer dans les eaux territoriales libyennes. Un vrai dilemme pour Al Sarraj, lui, qui dans un élan nationaliste stratégique récent, a annoncé ne vouloir ni de force d'interposition ni d'intervention étrangère.
Et quand bien même l'Otan lancerait dans trois mois des premières patrouilles maritimes au large de la Libye pour tenter de réduire le flux de migrants arrivant en Italie, et renverrait dans leur pays les migrants économiques, comme cela se profile, faut-il déjà être à l'intérieur des terres (!!). Le flux de migrants arrive, de façon très importante, du Sud. Par prudence, ils tenteront davantage leur chance pendant la nuit. Seuls 3 à 4 heures suffisent pour atteindre les eaux territoriales. D'autres récupérés ne pourront être renvoyés en Libye qui n'en voudra pas. Ce que lui autorise le droit. Ou encore, mais cela reste à prouver, les migrants seront transportés par bateau ou par avion dans leur pays d'origine. Une évidence : ils reviendront par les mêmes voies. Un vrai ballet (!!)
Seule une armée nationale pourrait stopper cet engrenage. Or à l'ouest, l'armée est embryonnaire. Et à l'Est, celle du général Haftar, qui est plus avancée dans l'organisation, n'est pas encore fixée sur son sort. L'envoyé spécial, n'ayant pu ou su avancer une sortie de crise concernant Derna et Benghazi -il n'y a eu aucun cessez le feu décrété, donc pas de réelle négociation-, et donc désamorcer le conflit entre Misurata et Haftar, celui-ci a donc renforcé l'axe Misurata et Abdelhakim Bel Haj, au jeu pourtant nocif et très douteux, mais qui toutefois a réussi à s'imposer comme un des farouches gardien du gouvernement à Tripoli.
Que faire du général Haftar ?
Face à la quadrature du cercle, Martin Kobler se propose donc de réfléchir à une formule : soit limiter l'influence d'Haftar à l'Est, et dans ce cas on sait que Tobrouk résistera. Soit une rotation de chefs d'état- major ou encore une structure collective. Une formule vague, dont on ne connait pas les contours. Et qui intervient après tout de même après 5 mois de navettes éclaires. Un temps précieux où rien n'a été résolu fondamentalement, pire, les divisions se sont aggravées, alors que B. Léon avait tout de même marqué des points sur la question, notamment à NewYork.
A défaut de régler le problème des deux villes, qui est somme toute banal à la base (un conflit social), la guerre perdura à l'Est. Et la réconciliation sera impossible entre Misurata et Haftar qui ont pourtant davantage de points en commun qu'avec Abdelhakim Bel haj (ex al Qaïda), islamiste et largement soutenu par la Turquie et le Qatar. D'autant que, les islamistes politiques qui souhaitent imposer exclusivement la charia et un centralisme d'Etat socialio/communiste, mettant ainsi fin à toute réforme libérale, sont minoritaires.
S'agissant de Daech, si l'organisation est certes en progression, elle est depuis peu très fragilisée. Des actions ont pu être menées contre ce groupe terroriste, par les occidentaux mais aussi par Al Qaïda et Ançar Al charia (essentiellement libyens) à Derna et par le général Haftar (Ajdhabbya et Derna). Soit deux fronts qui se combattent mais qui ont trouvé, du moins à Derna, leur ennemi commun ( !). Restera les autres localités où Al Qaida et Ançar al charia sont encore liés au mouvement terroriste. Un combat difficile... mais qui ne sera sans doute pas insurmontable par le général, ne serait-ce parce qu'il vient de recevoir d'importants renforts. Ces opérations ont eu, par ailleurs, un impact immédiat : raviver sa côte de popularité, un temps en berne.
Libye : vers une partition ?
Va-t-on vers une partition de la Libye Est-Ouest, laquelle s'étendra indéniablement au Sud ? Si certains libyens poussent vers cette direction, celle-ci est pourtant irréalisable, même si Ibrahim Jadran, le jeune et rusé gardien de puits à l'Est est vaincu. La découverte du pétrole a changé la donne depuis longtemps et on imagine mal dans ces conditions une gestion technique, administrative et financière de la manne pétrolière. Par ailleurs, le facteur tribal préexistant en Libye, ce sont des familles entières aux liens étroits qui se feront la guerre, laquelle sera de grande ampleur mêlant différents intérêts dont ceux de l'Egypte, du Qatar, de la Turquie, du Soudan, des EAU..., et ceux des occidentaux. Veut-on vraiment cela ? S'y achemine t-on ? La libération de Sirte, qui se glisse, aujourd'hui, en fond de toile, pourrait bien être son point de départ. Si elle devait se produire, elle chamboulerait non seulement la donne des acteurs, mais aussi la stratégie onusienne concernant les accords de Skhirrat. Le "Conseil de sécurité" oserait-il donner des armes à Misurata quand on sait pertinemment pour qui le nouveau gouvernement les dédiera : non pas pour combattre Daech mais pour combattre Haftar. Car cela risque indéniablement de se terminer ainsi.
Des divisions plus profondes
In fine, depuis son arrivée en novembre, la stratégie de l'envoyé spécial s'est caractérisée par une consolidation du noyau pro-Sarraj mais aussi par un large approfondissement des divisions. Au lieu de rattraper les "erreurs" de Bernadino Léon, lors de la formation du gouvernement en octobre 2015, l'envoyé spécial n'a voulu, ou pu, saisir aucune des perches qui lui étaient tendues. Il s'agissait, entre autres, de la réduction du nombre de vice-ministres du conseil gouvernemental de Al Sarraj (3 contre 9 aujourd'hui !), partiellement choisis par l'Onu et qui aurait était la base de nouvelles négociations entre les acteurs, Al Sarraj n'étant pas à cette époque considéré comme un obstacle. On s'est vite aperçu que l'envoyé spécial utilisait une méthode bien particulière : le forcing, les menaces, au détriment de la négociation, de la psychologie des acteurs, de l'aspect tribal, et du tact. Cette stratégie, dont on ne sait si elle avait été préalablement définie ou établie au coup par coup -on jette des dés et on voit ensuite ce que cela créé-, donne aujourd'hui un résultat assez édifiant. Les opposants au gouvernement à l'Est sont davantage plus nombreux que lors du départ de Bernadino Léon. Soit près de 80 députés contre le gouvernement Al Sarraj et donc entre 90 et 101 favorables à ce gouvernement, contrairement au chiffre avancé (cf interview Le Monde du 22 avril : 150 députés) par l'envoyé spécial. Les "amis" d'autrefois sont devenus des ennemis. Un gouvernement partiel non consensuel. Cette division a même trouvé son pendant sur le terrain divisant les milices en pro et anti Sarraj. Par ailleurs, la question de fond, à savoir l'intégration d'Haftar dans l'armée n'est toujours pas résolue. Tout compte fait, l'envoyé spécial a créé une sorte de mille-feuilles assez complexe qui pose la question du maintien ou non des accords de Skhirrat et cela même sur le plan législatif, puisque le parlement de Tobrouk a été dépouillé d'une de ses prérogatives. Bref, la spirale dans laquelle est entraînée les libyens crédules, semble sans fin et a davantage eu pour effet de les désorienter que de les stabiliser. Affligeant... ( !).
Martin Kobler a donné 10 jours au Parlement de Tobrouk pour valider le gouvernement. Un difficile vote. A défaut, les députés favorables au gouvernement AL Sarraj souhaitent voter eux-mêmes la validation du gouvernement ailleurs qu'à Tobrouk.
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