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Апрель
2016

Bruxelles : L’étrange dossier de Djamel Eddine Ouali

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L’Algérien Djamel Eddine Ouali a été extradé le 7 avril de l’Italie vers la Belgique. Il est inculpé pour sa responsabilité dans un réseau de faux documents, que les services de renseignements européens lient au groupe accusé d’être derrière les attaques de Paris et de Bruxelles. El Watan Week-end s’est procuré son dossier.
«La chambre du conseil devait vérifier la régularité du bien fondé du mandat d’arrêt qui lui a été notifié la semaine passée. Il a été entendu par les policiers et les juges. La même chambre statuera à nouveau sur son maintien en détention dans 28 jours», explique Philipe Van Der Meulen, avocat de Djamel Eddine Ouali, rencontré mercredi dernier après l’audience à Bruxelles.

Arrêté par la police italienne il y a vingt jours suite au mandat d’arrêt européen émis par la Belgique pour «implication dans un réseau de faussaires en faux papiers utilisés par les terroristes lors des attentats de Bruxelles et Paris», Djamel Eddine Ouali a été extradé vers la capitale de l’Europe la nuit du jeudi 7 avril, après un interrogatoire de six heures par la police italienne. Il est inculpé d’être le «chef auteur ou coauteur de faux et usage de faux, contrefaçon de passeports, trafic d’êtres humains avec circonstances aggravantes et participation à une organisation criminelle en qualité de dirigeant», selon une source proche du dossier.

Deux autres Algériens ont été arrêtés par la police belge dans le cadre de la même enquête, il s’agit de Khaled Ledjradi et de son frère Redouane qui sont, selon nos informations, originaires de la wilaya de Jijel. En 2011, ces deux frères et leur cousin Djamel avaient été condamnés pour trafic de faux papiers.

Les investigations sur ce réseau ont commencé en 2014, lorsque les éléments de la Douane a intercepté un colis à Athènes contenant de faux papiers dont le destinataire a permis de faire un lien avec Khaled Ledjradi, inculpé aussi dans cette affaire, et des membres de sa famille. Lors de son audition par les juges, «Khaled a reconnu qu’il dirige ce réseau de faux papiers, il a même dit à la juge que c’est une activité très rentable», témoigne des magistrats proches du dossier. Les enquêteurs ont aussi découvert que Djamel Eddine est arrivé en Europe avec «un faux visa» obtenu lorsqu’il était à Dubaï.

Smartphone

«C’est Azeddine Messaoudi, qui est de la même wilaya que moi, qui m’a dit quand il était à Dubaï qu’il pouvait m’obtenir un visa sans que je me déplace au consulat. Je travaillais là-bas depuis 2006 et je pouvais avoir un visa très facilement et surtout que je gagnais bien ma vie», explique Djamel Eddine. Lors de la perquisition de l’appartement à Saint-Gilles, une commune de Bruxelles, dans un lieu qui sert «d’atelier pour les faussaires», les enquêteurs ont trouvé un disque dur contenant des milliers de fichiers, dont des faux papiers et des photos de Djamel Eddine et sa fiancée, un ordinateur portable et un smartphone dont la ligne n’est pas enregistrée auprès de l’opérateur. Selon nos sources «des SMS signés Djamel, Djamel Eddine ont été envoyés depuis cet appareil».

Mais à «aucun moment, on entend la voix de Djamel Eddine dans les appels enregistrés et sur toutes les écoutes du réseau, même son nom n’a jamais été cité !», ajoute une source proche du dossier. Le numéro d’appel exploité dans la même carte SIM ne correspond pas non plus aux deux numéros utilisés par l’accusé. Selon nos sources, «les enquêteurs belges n’ont pas mis ce smartphone sur écoute». Juste après la perquisition du 13 octobre, le propriétaire de l’appartement a affirmé avoir déjà discuté avec Djamel Eddine au sujet de la location de la même habitation. Selon la femme de l’accusé qui a pu interroger son mari en prison à ce sujet, «c’est Khaled qui m’a demandé de parler avec le propriétaire.

Il ne parlait pas bien le français. Il m’a dit que Khaled allait louer l’appartement pour son frère, parce que lui allait se marier en été et qu’il ne pouvait pas recevoir son frère chez lui», explique Djamel Eddine. Effectivement, le frère de Khaled, Redouane Ledjradi, est arrivé en Europe en avril 2015. A Bruxelles, les gens qui connaissent de près Khaled affirment qu’il «ne parle pas bien français». Nous avons tenté de contacter le propriétaire de l’appartement, mais ce dernier n’a pas accepté de nous rencontrer.

Acte de mariage

Après la fausse couche de Lynda S., l’épouse de Djamel, le couple a décidé de partir à Liège pour quelques jours «pour changer d’air». C’est là, dans un restaurant d’un certain Karim, que le couple a connu  Abdelkebir El Makhlouk. «Il a remarqué que Djamel était préoccupé par mon cas. C’est là qu’il a proposé à mon mari de partir en Italie dans la région de Salerne afin de régulariser notre situation, il nous a informés que c’est une procédure légale et qu’un avocat prendra en charge notre dossier jusqu’à l’obtention de nos papiers», raconte Lynda S. Par la suite Khaled Ledjradi informera Djamel Eddine que Abdelkebir «est fiable et qu’il fait ça dans un cadre tout à fait légal», ajoute Lynda.

Abdelkebir informe le couple qu’une fois en Italie, «un avocat spécialisé s’occupera de régulariser leur situation  et c’est lui qui va tout faire». Fin octobre, le couple part en Italie et Abdelkebir leur suggère «d’acheter une voiture qui  leur coûtera 1200 euros au lieu de payer un transporteur à 1000 euros». C’est ce qu’ont fait Djamel Eddine et Lynda mais Abdelkebir leur impose un chauffeur et les oblige à prendre une assurance «aux Pays-Bas ». Abdelkebir les rejoint un mois après. Pendant ce temps, son frère Mustapha s’est occupé de leur trouver un appartement.

Abdelkebir et son avoca,t Gerardo Cembelo,  désigné d’office par la justice italienne après son arrestation, s’occupent de la régularisation du couple. «Ils nous ont juste demandé l’acte de mariage en italien, les copies des passeports et le permis de conduire qu’ils devaient traduire de l’arabe vers l’italien», révèle Lynda. Ce même avocat «aurait un deuxième nom qui est Adel El Hamri», explique une source à Salerne. Mais le lendemain de l’arrestation de Djamel Eddine Ouali, le 26 mars dernier, ce même Abdelkebir prévient Lynda que «l’avocat désigné pour défendre Djamel Eddine est celui chargé de régulariser les papiers vis-à-vis de l’administration italienne».

«Le bras long»

Quelques jours plus tard, Lynda apprend que la justice a désigné un avocat «d’office», le même avocat désigné par Abdelkebir. Est-ce un hasard ? La mission de l’avocat Gerardo Cembalo est normalement de rassurer son client, sa famille et plaider l’extradition de son client sous mandat d’arrêt européen. Mais ce dernier a tout fait afin de «couper le contact entre l’extérieur et Djamel», selon sa femme. «Durant les treize jours de sa détention à Salerne, je n’ai  jamais pu voir mon mari, même si la loi me l’autorise.

Et quand nous avons décidé d’engager un avocat, Cembalo a fait signer à Djamel un document qui le désigne comme son avocat afin de ne pas pouvoir engager un autre avocat !» Cette dernière a pu voir son mari dimanche dernier à la prison de Saint-Gilles en Belgique. A sa grande surprise, son mari lui apprend que selon Cembalo, «elle l’avait quitté et n’avait plus envie de le revoir». Selon Ouali, il avait ajouté : «Le mieux pour toi c’est de reconnaître tes crimes et rester ici en Italie, car ici, nous avons le pouvoir de purifier ton dossier contrairement aux racistes belges !»

A Salerne, cette jolie ville côtière du sud de l’Italie, un chauffeur de taxi nous prévient : «Faites attention, ici la ville est belle, mais le trafic et la corruption sont les activités principales !» Les avocats de la région affirment que Cembalo n’est «pas très connu» et que son nom apparaît surtout «dans les affaires de faux papiers». «Une chose est sûre, nous dit-on, il a le bras long.» Reste à savoir pourquoi la justice n’interpelle pas Abdelkebir El Makhlouk ?

Les équipes d’investigation belges travaillent encore sur le dossier. Les résultats des empreintes relevées dans l’appartement ne sont pas accessibles pour le moment. «Il se passe des choses anormales dans cette affaire, a déclaré Lynda S. à El Watan le 3 avril dernier. Elles seront révélées à la justice belge quand il sera à Bruxelles.» La justice belge a procédé à l’arrestation de nombreuses personnes soupçonnées d’être impliqués dans les attentats de Bruxelles.