Vérité et mensonge: information et désinformation en littérature de jeunesse (Hradec Kralove & en ligne)
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APPEL À COMMUNICATIONS
Colloque international
Vérité et mensonge: information et désinformation
en littérature de jeunesse
organisé par Université de Hradec Kralove, République tchèque et Univeristé de Lille, France
23 et 24 mars 2023
à l’Université de Hradec Kralove, République tchèque
LE COLLOQUE SE TIENDRA SOUS FORMAT HYBRIDE (en présentiel et en ligne)
Chacun tourne en réalités
Autant qu’il peut ses propres songes :
L’homme est de glace aux vérités,
Il est de feu pour les mensonges.[1]
Jean de La Fontaine
La vérité et l’écriture sont considérées inconciliables. La littérature s’attache aux mondes fictionnels / fictifs qui fonctionnent selon leurs propres lois selon lesquelles les rapports avec la réalité sont transformés.
« Les expériences de pensée que nous menons dans le grand laboratoire de l’imaginaire sont aussi des explorations menées dans le royaume du bien et du mal », dit Paul Ricœur [2]. En le citant, Edwige Chirouter, spécialiste en philosophie dans l’éducation, affirme que « son concept d’identité narrative permet particulièrement bien de comprendre cet aller / retour continuel entre la fiction et l’existence. Elle souligne que la fiction dévoile des dimensions insoupçonnées de la réalité en constituant à ce titre une expérience vivante, authentique, singulière et universelle à la fois, par laquelle les hommes vont pouvoir appréhender le réel. »[3]
Selon Bruno Bettelheim, auteur de Psychanalyse des contes de fées (1976), il est prouvé que les contes de fées ont toujours joué un rôle de médiateurs et de catalyseurs d’émotions et de concepts, capables de soigner et souvent de guérir les enfants de leurs traumas inconscients.
« L’enfant fait à chaque instant l’expérience de l’étonnement devant le monde. La question de la Vérité notamment le passionne : Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? ».[4] L‘interrogation proposée par Chirouter est pertinente si l’on considère la littérature de jeunesse, ses enjeux et ses buts actuels, dans un monde où « la fiction » est devenue méthode privilégiée de manipulation et mystification. « Raconter une histoire » ne se limite pas aux entretiens avec les enfants. Bien que les effets de ces pratiques soient bien connus et dénoncés, les fausses informations de toutes sortes abondent dans les médias et dans la vie courante des jeunes d’aujour’hui.
Le colloque devrait s’interroger sur les oppositions entre la vérité et le mensonge / l’information et la désinformation, tant qu’elles apparaissent au niveau thématique, au niveau narratologique ou au niveau stylistique, dans les textes destinés aux enfants et aux jeunes.
Le mot mensonge semble être traditionnellement associé à la pensée, ou à l’intelligence en action. Le Grand Robert de la langue française définit le mensonge comme une « assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l’intention de tromper. »[5] La linguiste Anne Reboul considère que le mot mensonge a deux acceptions : « 1) mentir, c’est dire ce que l’on croit faux ; 2) le menteur a l’intention de tromper son interlocuteur »[6], et qu’il existe deux formes d’intentions de tromper : « 1) Le menteur a l’intention de faire croire à son interlocuteur qu’il (le menteur) croit à la vérité de ce qu’il dit ; 2) le menteur a l’intention de faire croire à son interlocuteur que ce qu’il (le menteur) dit est vrai »[7].
Selon la philosophe Elodie Camier-Lemoine[8], la notion du mensonge se réfère à priori à la parole, au langage qui fait exprimer et révéler la pensée, la vérité ou son opposé. L’acte du langage y domine : sa clarté ou son raffinement peuvent influencer le message positivement ou négativement. Dans l’histoire de la philosophie deux opinions s’opposent : l’exigence de la vérité (appelée véracité) et l’admission du mensonge dans des conditions particulières. Camier-Lemoine souligne la dimension éthique de la question que se sont posée les philosophes depuis l’Antiquité et qui a suscité bien des conflits, comme par exemple la fameuse querelle d’Immanuel Kant, considérant le mensonge comme une atteinte à l’humanité de l’homme, et de Benjamin Constant, défendant la liberté individuelle.
La littérature a largement abordé le thème du mensonge, producteur des intrigues par excellence. Son caractère ambigu, varié et variable, à dénominations multiples, donne naissance aux situations où la vérité se heurte à l’illusion, à la dissimulation, à la tromperie, à la manipulation ou même à l’anéantissement.
Dans la littérature de jeunesse, le thème du conflit entre la vérité et le mensonge n’est pas nouveau non plus. Les albums et les romans traitant ce sujet sont innombrables, en partant du chef d’œuvre de Carlo Collodi : Les Aventures de Pinocchio ; histoire d’une marionnette, paru en un seul volume en 1883[9], jusqu’aux livres publiés récemment, par exemple La vérité selon Ninon d’Oscar Brénifier (2005), dont le personnage principal, une petite fille, doit faire face aux problématiques philosophiques ou à des dilemmes moraux.
L’École des Loisirs propose plusieurs albums dont celui de Geoffroy de Pennart, Mensonges ! de Stéphanie Blake, Ah! Ah ! Même pas vrai ! de Laura et Philip Bunting, L’as du bobard, ou des romans comme celui de Marie Desplechin Ça va faire des histoires, ou celui de Florence Seyros, L’erreur de Pascal, sans être exhaustif et nous pourrions continuer ainsi avec les autres maisons d’édition.
Les auteurs de l’article "Le tournant éthique en didactique de la littérature. The ethical turn in the teaching of literature, Brigitte Louichon et Marion Sauvaire, constatent que « dans le champ des études et de la théorie littéraires, la question des valeurs éthiques du texte et de ses usages se trouve (re)posée depuis quelque temps ».[10] La philosophe américaine Martha Nussbaum, dont les travaux influencent le milieu d’enseignement de la littérature en France depuis une dizaine d’années, affirme la nécessité d’une éducation aux arts" et par les arts, afin de former des citoyens capables de s’inscrire dans des « débats empathiques et raisonnables ». La littérature sert à cultiver la compassion, et, par conséquent, contribue à l’éducation morale et civique.
Dans cette optique, nous espérons que les discussions du colloque concernant la thématique de la vérité et du mensonge / de l’information et de la désinformation, se montreront prometteuses.
Comité d’organisation
Kvĕtuše Kunešová, Faculté de Pédagogie, Département de langue et littérature françaises, Hradec Kralové, République tchèque
Bochra Charnay, ALITHILA, Université de Lille
Thierry Charnay ALITHILA, Université de Lille
Comité scientifique
CHARNAY Bochra, Université Lille, E.A. 1061 ALITHILA
CHARNAY Thierry, Université Lille, E.A. 1061 ALITHILA
KUNEŠOVÁ Kvĕtuše, Faculté de Pédagogie de l’Université de Hradec, République tchèque
POHORSKÝ Aleš, Université Charles, Prague, République tchèque
Les propositions de communication (titre, résumé de 1500 caractères maximum (espaces comprises), mots clés, et références bibliographiques) seront accompagnées d’une brève biobibliographie de1500 caractères (espaces comprises) maximum comprenant : statut, établissement et équipe d’accueil ainsi que les principales publications récentes.
Les communications (inédites) retenues par le comité scientifique et présentées lors du colloque feront l’objet d’une publication.
Les propositions sont à adresser au plus tard le 20 février 2023 à l’adresse suivante : hradeclitteraturejeunesse@gmail.com
[1] Jean de La Fontaine, Fables, Le Statuaire et la Statue de Jupiter, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 357
[2] Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 194.
[3] Edwige Chirouter, Philosophie et littérature de jeunesse : la vérité, la fiction et la vie. Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 11(2), 2008, p. 161–168, p. 160. https://doi.org/10.7202/1017500a
[4] Chirouter, Edwige. (2008). Philosophie et littérature de jeunesse : la vérité, la fiction et la vie. Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 11(2), 161–168. https://doi.org/10.7202/1017500a
[5] Alain Rey (dir.), Le Grand Robert de la langue française, Editions Le Robert, p.1351-1352.
[6] Anne Reboul, « Le paradoxe du mensonge dans la théorie des actes de langage », Cahiers de Linguistique Française, n°13, Université de Genève, Suisse, 1992, p. 127.
[7] Ibid., p. 134.
[8] Elodie Camier-Lemoine, Philosophie, mensonge et vérité. L’espace de réflexion éthique. Auvergne Rhône-Alpes. 3 novembre 2017, (erera.com)
[9] Carlo Collodi, Les Aventures de Pinocchio, histoire d’une marionnette, ill. Enrico Mazzauti, éd. Paggi, 1883.
[10] Brigitte Louichon et Marion Sauvaire, Le tournant éthique en didactique de la littérature. The ethical turn in the teaching of literature, Repères, 58, 2018, p. 7-13, https://doi.org/10.4000/reperes.1652