Journée d'étude "Expanded Gus Van Sant" (Toulouse)
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Journée d'étude "Expanded Gus Van Sant"
23 mai 2023, cinémathèque de Toulouse
À l’occasion de la venue de Gus Van Sant à Toulouse pour présenter sa pièce Trouble (2021) au Théâtre de la Cité, et d’une rétrospective partielle de son œuvre filmique à la Cinémathèque de Toulouse, cette journée d’étude propose de réfléchir aux liens entre Gus Van Sant et les arts. A l’image de son souci de mettre les arts en dialogue, ce spectacle musical, qu’il a écrit, mis en scène, et dont il a composé la musique, se construit autour d’Andy Warhol, pendant sa période Factory. De cette figure – peut-être – tutélaire de son œuvre, Gus Van Sant hérite le goût de l’expérimentation à la croisée des arts et des pratiques de l’image : cinéma, photographie, arts visuels, télévision, musique, vidéo-clip, publicité.
Sur le plan critique, l’œuvre de Gus Van Sant a été principalement étudiée à l’aune de deux tendances. La première, centrée sur la dimension queer de ses longs-métrages (Mala Noche, My Own Private Idaho), fait de Gus Van Sant le chantre d’un cinéma indépendant post-Beat Generation (Even Cowgirls Get the Blues, Drugstore Cowboy). La seconde s’est principalement focalisée sur la période Gerry – Paranoid Park, à l’esthétique aisément identifiable, constituée de récits minimalistes (Gerry, Last Days) faisant la part belle à une expérimentation formelle du vide. Une opposition tenace vient redoubler cette tendance critique : celle qui met en tension cinéma « commercial », avec des productions soutenues par de grands studios et destinées à une large audience (Prête à tout, À la rencontre de Forrester, Harvey Milk, Promised Land) et un cinéma se tenant en marge du système hollywoodien (Will Hunting, Gerry).
Le terme Expanded Cinema (VanDerBeek, 1966 ; Youngblood, 1970), circule de plus en plus largement depuis une dizaine d’années pour désigner un élargissement progressif du cinématographique à d’autres champs de l’expérience humaine, lié à l’expansion des moyens audiovisuels. Nous proposons de démarquer cette expression pour questionner l’empan de la pratique artistique de Gus Van Sant, laquelle s’étend au-delà du cinéma pour embrasser les arts plastiques, la peinture, le cinéma exposé, la musique, le théâtre, la littérature, la photographie et le jeu vidéo, arts qui peuvent soit être représentés ou convoqués dans son cinéma, soit faire l’objet de créations dédiées. La journée d’étude s’intéressera aux versants moins étudiés de son œuvre, en prenant comme point de départ le croisement et l’hybridation des pratiques. Parmi les perspectives de réflexion, on pourra interroger :
• Gus Van Sant et les arts plastiques : beaucoup d’artistes contemporains se sont employés à revisiter le cinéma classique hollywoodien (Douglas Gordon, Christian Marclay, Peter Tscherkassky) en variant les conditions de sa projection ou bien en en altérant les images ou les sons. Dans quelle mesure Gus Van Sant hérite-t-il ou s’inspire-t-il de telles pratiques ; en quoi celles-ci ouvrent-elles son cinéma au champ de l’art contemporain ?
• Gus Van Sant et la musique : si tout le cinéma de Gus Van Sant fait une place particulière à la musique, certains de ses films intensifient cette sensibilité, notamment en filmant de la musique jouée (Elephant), ou bien en imageant les derniers jours d’un Kurt Cobain de fiction (Last Days). Il a également composé des albums de folk-rock (par exemple Eighteen Songs about Golf, Pop Secret, 1998). Par ailleurs, en marge de son activité de cinéaste, Gus Van Sant s’est adonné à la réalisation de vidéo-clips (David Bowie, Tracy Chapman, Red Hot Chili Peppers, Elton John, Chris Isaak, ...). Ces objets audio-visuels sont-ils le lieu d’une continuité avec sa pratique cinématographique ou bien sont-ils l’occasion de nouvelles expérimentations formelles ?
• Gus Van Sant et la littérature : Cinéaste ouvertement influencé par les écrivains de la Beat Generation, dont il adapte les écrits (les courts-métrages A discipline of D. E, Thanksgiving Prayer, et Ballad of the Skeletons) ou invite les auteurs dans ses films (Burroughs dans Drugstore Cowboy et dans Even Cowgirls Get the Blues), tout en n’hésitant pas à en parodier les tropes (Even Cowgirls Get the Blues), Gus Van Sant démontre que ses intérêts pour la littérature sont plus étendus. Faisant d’un écrivain, Forrester, la figure centrale de l’un de ses films, il fait d’un cinéaste le héros de son roman, Pink, lequel retraverse certains de ses longs-métrages (figure de River Phœnix, dépendance à la drogue, etc.)
• Gus Van Sant et le jeu vidéo : Si Gerry expérimente en en déplaçant les enjeux le dispositif du jeu vidéo d’exploration, en extrayant de l’univers vidéoludique un mode de déplacement des personnages dans l’espace, tout en redoublant la référence au jeu vidéo d’une longue discussion sur un jeu de stratégie, Elephant radicalise cette référence d’abord en plaçant un jeu vidéo appelé « Gerry » dans les mains de ses personnages, puis en tournant une partie du film selon le dispositif du FPS (First Person Shooter[1]). Au-delà de ces deux films, y a-t-il d’autres points de croisement entre Gus Van Sant et le jeu vidéo ?
• Gus Van Sant et le théâtre : Outre la pièce de théâtre qu’il vient présenter à Toulouse, Gus Van Sant nourrit un intérêt prononcé pour le théâtre, dont certains de ses films se font le reflet. My Own Private Idaho relit par exemple Henry IV (Shakespeare) dont il mobilise certains des enjeux narratifs et scénographiques en les transposant dans l’Amérique urbaine contemporaine.
• Gus Van Sant et la série : On pourra se demander dans quelle mesure, au-delà du personnage de jeune marginal aux cheveux bleus et à la dégaine de skater égaré dans le générique de la série Boss (Starz, 2011-2012), développée avec Farhad Safinia et dont il ne réalise que le pilote, le style de Gus Van Sant imprègne les séries auxquelles il participe (The Devil You Know, 2015 ; Feud, FX, 2017).
• Gus Van Sant et la photographie : Gus Van Sant pratique la photographie depuis le casting de Drugstore Cowboy, durant lequel il commence à alimenter la série de clichés sur laquelle se composera son ouvrage de photographies de jeunes acteurs et actrices en noir et blanc 108 Portraits (Twin Palms Publishers, 1993). Tous cadrés selon le même dispositif, les acteurs de la génération émergente du cinéma américain indépendant des années 1990 se succèdent devant l’objectif de Gus Van Sant. Cet attrait pour le portrait et l’image fixe amène à interroger le dialogue possible entre le photographique et le cinématographique.
Les propositions de communication (résumé de 200-300 mots, bibliographie indicative, courte biographie) sont à envoyer pour le 15 février aux adresses suivantes : slecole@univ-tlse2.fr, vincent.souladie@univ-tlse2.fr, zachary.baque@univ-tlse2.fr
La journée d’étude se tiendra le 23 mai à la Cinémathèque de Toulouse.
Bibliographie
ARNOLDY Edouard, Le Cinéma entre les nuages, Yellow Now, coll. “Côté Cinéma”, 2009.
BOUQUET Stéphane et LALANNE Jean-Marc. Gus Van Sant. Cahiers du cinéma, 2009.
CALVET Yann et LAUTÉ Jérôme, Eclipses, n° 41, « Gus Van Sant, indé-tendance », 2007.
DROIN Nicolas. Paranoid Park de Gus Van Sant: Variations et répétitions. Yellow Now, 2016.
Gus Van Sant : Icônes. La cinémathèque Française et Actes Sud, 2016.
LÉCOLE SOLNYCKINE Sophie, « Boss, Notes pour une écotopie », La Furia Umana.
LOBRUTTO Vincent. Gus Van Sant: His Own Private Cinema. Praeger, 2010.
RIVIÈRE Benoît, Une approche esthétique du rythme cinématographique dans l'oeuvre de Gus Van Sant : saisir la construction des sens, thèse de doctorat en Arts et sciences de l'art, sous la direction de Dominique Château, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2016.
TYLEVICH Katya. Gus Van Sant: The Art of Making Movies. Laurence King Publishing, 2021.