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Октябрь
2015

Les intellectuels et le loup

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POLITIQUE - Les fractures qui nous secouent à propos du mot "race", des réfugiés, du déclin ou du procès d'intention en lepénisme ne sont pas sans rappeler le conte de Pierre et le Loup.

Depuis le 11 septembre 2001, des bergers plus ou moins bien intentionnés n'ont cessé de crier au loup... Pas au loup de l'islamisme mais au loup de "l'islamophobie". Alors que le terrorisme et la propagande intégriste se sont mis à frapper non plus seulement les pays musulmans mais aussi l'Europe et les États-Unis, ils nous ont expliqué que ce loup n'avait ni canines, ni la rage. Nous avions des visions. C'était un caniche et nous avions bien tort d'être inquiets.

Tous ceux qui avaient le malheur d'avoir peur ou d'alerter sur ce loup étaient aussitôt moqués en bergers fous, égarés par leur haine supposée de l'Islam.

Il faut dire que dans la bonne tradition stalinienne, celle qui a si souvent défini un intellectuel, l'intellectuel est un gourou, presque exclusivement un homme, âgé, et surtout -- c'est important -- qui ferme systématiquement les yeux sur le totalitarisme... Qu'il soit Maoiste, Polpotien ou Khomeyniste.

Que des intellectuels alertent sur le loup du totalitarisme leur paraît tout à fait inconcevable, droitier voire fasciste. Ces bergers-là ont tellement crié au loup du racisme et du fascisme à tort et à travers... Devinez ce qu'il arriva ? Quand le loup arriva, on ne les crut plus.

Quand c'est fou, y a deux loups

La vie étant toujours plus complexe qu'un conte, il existe plusieurs loups dans cette histoire. Attiré par l'odeur du sang et des brebis effrayées, le loup raciste est bien venu. Il se dit même qu'il pourrait convaincre quelques moutons de les débarrasser du loup islamiste... Pour mieux les dévorer. Car le loup est un animal intelligent, qui ne mérite d'ailleurs sûrement pas cette comparaison, mais puisque le conte a en décidé ainsi, disons que le loup a commencé par se faire passer pour un chien de berger, par aboyer gentiment. Contre le déclin. Contre ses brebis fuyant les hordes de loups d'un peu plus loin. Devenu berger allemand, il a réclamé qu'on y mette un peu d'ordre. Que l'on trie les brebis en fonction de leur couleur.
Il désigna les brebis blanches comme étant chez elles et les autres, plus foncées, comme invitées, tout juste tolérés. Mais que croyez-vous qu'il arriva ? Un berger allemand, moins malin que les autres, aboya trop fort ou trop tôt... Et l'on a reconnu le loup.
Des citoyens des deux rives se sont rappelés ensemble pour que nous vivions dans une république laïque et non dans une monarchie de droit divin, où l'on définit effectivement l'identité d'un pays en fonction d'une ethnie ou d'une religion. Ceux qui le regrettent sont libres d'aller demander asile, au choix, au Vatican ou d'émigrer en Arabie Saoudite.

Les autres ont retenu leur souffle. En se demandant si le fait de réduire ainsi la France à une "race" et à ses racines religieuses allait passer comme une lettre à la poste ? Si la droite républicaine était tout à fait morte, ou si elle allait réagir ?

Elle a réagi. Elle a condamné ces propos. Et c'est sans doute la meilleure nouvelle politique de ce début d'année. La preuve qu'une petite digue tient encore.

Même si certains crient déjà au "politiquement correct", à la persécution. Même si Nadine Morano sera peut-être écartée des élections régionales, mais pas exclue d'un parti qui se dit républicain.

Même si, nous vivons dans un pays où l'on ne peut plus contester l'appel aux bas instincts, considérer que croire en l'existence des races n'est pas un détail, sans être accusés de crier au loup à tort... L'inverse du procès de Moscou étant le procès en "Reductio ad Hitlerum."

Procès de Moscou contre Reductio ad Hitlerum

C'est pourtant bien d'une conception nazie de la citoyenneté dont il est question.
Pendant que la droite et la gauche ont dû débattre pour savoir si la Nation était une race, Gilbert Collard, député frontiste siégeant à l'assemblée nationale, a pu tranquillement déclarer comme une évidence, que l'Afrique était un pays... Et même, je cite, "un pays de race noire". Comme l'Asie était, je cite toujours, un pays "d'origine jaune".

Les mêmes vont ensuite se plaindre que le niveau baisse et que la France décline. Et c'est vrai qu'elle décline. Chaque fois qu'ils éructent, qu'ils nous plongent à ce niveau de débat sous-marin, et rabaissent ainsi la définition de la Nation.

Car non, la France n'est pas une race. Pas seulement parce que les races n'existent pas. Parce qu'elle est une idée, incroyablement sophistiquée, une ambition commune, un idéal. Pas une porcherie où l'on s'essuie les pieds sur les mots. Pas une bergerie de moutons apeurés. Son avenir ne peut pas être de choisir lequel des loups, les plus monstrueux ou le plus enragé, sera le premier à nous dévorer.

Chronique tous les lundi sur France Culture à 7H18.

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