Rachilde, Monsieur Vénus
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Préface de Martine Reid et Victoire Tuaillon
« Soudain, elle se jeta sur lui, le coucha à ses pieds avant qu’il ait eu le temps de lutter, puis prenant son cou que le veston de molleton blanc laissait décolleté, elle lui enfonça ses ongles dans les chairs.
— Je suis jaloux ! rugit-elle affolée. As-tu compris à présent ?…
Jacques ne bougeait pas, il avait posé ses deux poings crispés, dont il ne voulait pas se servir, sur ses yeux humides. En sentant qu’elle lui faisait mal, les nerfs de Raoule se détendirent.
— Tu dois t’apercevoir, dit-elle ironiquement, que je n’ai pas, comme toi, des mains de fleuriste et que, de nous deux, le plus homme c’est toujours moi ? »
Raoule de Vénérande, jeune femme noble, rejette les valeurs de la société, refuse toute forme de domination et vit au masculin. Elle tombe amoureuse d’un jeune fleuriste et fait de lui sa « maîtresse ». Narcissique, violente, elle le soumet et l’entretient, dans une passion à rebours des normes de son temps.
En attribuant les mœurs et codes masculins du XIXe siècle à son personnage féminin, Rachilde force la réflexion sur la place des femmes.
À sa publication en 1884, Monsieur Vénus fait scandale. Jugé trop érotique, licencieux, il est condamné en Belgique puis repris dans des versions amputées. « L’Imaginaire » propose aujourd’hui la version originale de ce texte, sans aucune censure.