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Сентябрь
2015

Nadine Morano, l'ex-fan de Nicolas Sarkozy perdue dans la droitisation décomplexée

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POLITIQUE - La rupture est à l'image de ce que fut longtemps sa loyauté: inconditionnelle et sans nuance. Ulcérée de découvrir que Nicolas Sarkozy réclame sa tête (de liste) dans son département de Meurthe-et-Moselle après ses propos controversés sur la France "pays de race blanche", Nadine Morano a décidé de lâcher ses coups. Et a atteint le point de non-retour.

"On veut me dézinguer parce que je suis candidate à la primaire", s'étrangle-t-elle dans les colonnes du Point. "Quant à Nicolas Sarkozy, ce n'est même pas la peine qu'il songe à se présenter à la présidentielle, je le dézinguerai!", s'emporte-t-elle , enterrant toute chance de réconciliation avec celui qui fut sa boussole politique pendant presque dix ans.

A l'heure qu'il est, Nadine Morano est toujours membre de l'ex-UMP et vice-présidente de sa commission d'investiture. Elue eurodéputée en 2014 avec le soutien appuyé de l'ancien président, l'ancienne ministre risque pourtant de perdre bien plus que sa position éligible aux prochaines élections régionales. Raillée par l'opinion et la twittosphère, marginalisée dans son propre camp, Nadine Morano s'est carbonisée en plongeant tête la première dans le brasier de la droitisation décomplexée allumé par Nicolas Sarkozy.

Sarkozy-Morano, destins croisés

Au-delà de sa propre déchéance, la chute inéxorable de l'ex-"Sarkogirl" fascine par ce qu'elle révèle de l'itinéraire de celui qu'elle a toujours soutenu. Nicolas Sarkozy et Nadine Morano se sont rencontrés à la fin des années 80. Tout opposait alors le jeune maire de Neuilly-sur-Seine à la jeune fille élevée à Nancy et issue d'un milieu modeste. Leurs destins ne se sépareront plus.

Après l'avoir soutenu lors du schisme chiraco-balladurien de 1995, Nadine Morano, qui se fait élire députée en 2002, intègre l'organigramme de la nouvelle UMP. Mais il lui faudra attendre la prise de pouvoir de Nicolas Sarkozy pour être nommée porte-parole du parti conservateur. Une tribune où elle va imposer son style "populaire" ("vulgaire", disent ses détracteurs) pour le meilleur et pour le pire.

A cette époque lointaine où les réseaux sociaux sont encore balbutiants, Nadine Morano réserve ses frasques et emportements aux caméras de télévision. La mode n'est pas encore à la lutte contre "l'islamisation" de la France. La députée de Meurthe-et-Moselle, qui détonne dans sa propre famille politique en se montrant ouverte au mariage pour tous et à la gestation pour autrui, signe un coup d'éclat en s'invitant en capuche à une intervention publique de Ségolène Royal. L'initiative est diversement appréciée et lui vaudra de ne pas figurer dans l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy.

Mais sa fidélité et son énergie lui offriront tout de même une entrée au gouvernement où elle officiera successivement aux postes de secrétaire d'Etat à la Famille (2008), et de ministre de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle en 2010.

Le basculement de 2009

C'est au moment du basculement droitier du quinquennat de Nicolas Sarkozy que Nadine Morano se convertit aux discours musclés sur les musulmans. Interpellée sur la compatibilité entre islam et République en plein débat sur l'identité nationale, la ministre se lâche en exigeant de son interlocuteur "qu’il aime son pays, qu’il trouve un travail, qu’il ne parle pas verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers". Une confusion identitaire maladroite qui marque le début d'une longue série de déclarations à l'emporte-pièce, toutes sur le thème de l'identité française.

En dépit des polémiques qu'il suscite, ce style décomplexé et flirtant avec les préjugés de l'extrême droite colle à la ligne inspirée par Patrick Buisson (qui la trouve "marrante") en vue de la campagne présidentielle de 2012. Surtout, Nadine Morano ne recule devant rien pour protéger le chef de l'Etat dont la popularité est au fond du gouffre. Elle intègre ainsi logiquement en 2011 la cellule "riposte" chargée d'assurer la promotion du quinquennat qui s'achève. A la même période, la ministre découvre Twitter et se lâche sans aucune précaution sur le réseau social.

Nicolas Sarkozy résume alors tout le bien qu'il pense de sa ministre. "Nadine, ce n’est peut-être pas la finesse incarnée, mais c’est une combattante. Je l’aime bien. J’ai besoin de personnes comme elles qui montent au front par tous les temps", expliquait-il début 2012 selon des propos rapportés par Le JDD. Le président de la République va plus loin: "Estrosi, lui est ridicule : il est comme un chien de chasse, il va chercher le gibier et il le déchiquette. Avec Nadine, la bête est étourdie mais encore mangeable." Ironie du sort, Christian Estrosi, chargé par Nicolas Sarkozy de bouter le FN hors de Paca, est aussi le président de la commission d'investiture qui scellera le sort de Nadine Morano.

De la groupie sarkozyste à "l'amoureuse éconduite"

C'est donc sans état-d'âme que Nadine Morano va s'engouffrer dans la campagne "à droite toute" du président-candidat, malgré sa déception de voir le poste de porte-parole lui échapper au profit de la très modérée Nathalie Kosciusko-Morizet.

Loin de la décourager, la défaite de Nicolas Sarkozy en mai 2012 et son ballotage défavorable dans sa circonscription aux législatives qui suivent la poussent à aller chercher les électeurs du Front national là où ils se trouvent. En accordant un entretien au sulfureux journal Minute, Nadine Morano s'attire les foudres de sa propre famille politique. Elle ne fait pourtant qu'appliquer à la lettre ce que préconisait Nicolas Sarkozy durant l'entre-deux-tours de la présidentielle. Les électeurs de Marine Le Pen, "c'est à nous de les entendre, c'est à nous de les respecter, c'est à nous de les considérer", plaidait-il lors de son discours de Longjumeau. En dépit de ces efforts, ni Nicolas Sarkozy ni Nadine Morano ne réussiront à se faire réélire.

Ce double échec ne signe pas tout de suite la fin de leur idylle. Tout en se rapprochant de Jean-François Copé, qui a repris le flambeau de la droite décomplexée façon "pain au chocolat", Nadine Morano participe au lancement des Amis de Nicolas Sarkozy, un fan club présidé par Brice Hortefeux censé préparer son retour à la vie politique.

Avant d'obtenir un siège de députée européenne, l'ancienne ministre poursuit ses aventures sur Twitter et Facebook où ses provocations régulières lui valent de ne pas disparaître de la scène médiatique. Mais lorsque Nicolas Sarkozy se décide enfin à revenir, ce dernier sacrifie ses anciens alliés, Nadine Morano et Rachida Dati en tête, sur l'autel de sa promesse de renouvellement.

Vexée, l'élue de Lorraine refuse un strapontin dans la nouvelle direction du parti, fait fuiter ses disputes avec son ancien mentor et fait même mine de vouloir soutenir Alain Juppé lors de la primaire qui s'annonce. Si elle finit par obtenir la vice-présidence de la stratégique commission d'investiture chez Les Républicains, Nadine Morano, en "amoureuse éconduite", annonce sa candidature à la primaire tout en multipliant les incartades de plus en plus virulentes à l'égard de ses rivaux à droite, des immigrés, des réfugiés et des musulmans. Jusqu'à cet ultime dérapage sur le plateau de "On n'est pas couché".

Symptôme de l'isolement dans lequel cette stratégie du "toujours plus à droite" l'a enfermée, seules les personnalités les plus radicalisées son parti, de Christian Estrosi au député Lionnel Luca en passant par Laurent Wauquiez, refusent aujourd'hui de l'accabler. Et c'est du côté du Front national (qui refuse pourtant de lui offrir l'hospitalité) que les soutiens se font les plus appuyés. Comme si la course à la droitisation avait enfin atteint son apogée.




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