Sylvestre Wahid réenchante Thoumieux
ALIMENTATION - Sylvestre Wahid est arrivé dans la capitale en plein cœur de l'été, alors que la ville était désertée par ses habitants, partis pour beaucoup, faire le plein de soleil dans le sud.
Le sud, lui, il en revient. Il a été le chef, pendant presque 9 ans, du mythique établissement l'Oustau de Baumanière en Provence.
Il est désormais depuis le début du mois de septembre, aux commandes des restaurants de l'hôtel Thoumieux à Paris.
Un goût inné sans doute, et peut-être aussi une explication à chercher dans ses origines.
Sylvestre dans une autre vie s'appelait Shahzad. Il est né à Kohat au Pakistan il y a 40 ans. Ses premières années, il ne voit plus son père, presque volatilisé en s'engageant dans la légion étrangère. Puis, celui-ci réapparait sous la forme de 5 billets d'avion envoyés à sa mère.
Shahzad qui n'est pas encore Sylvestre et qui a presque 9 ans, débarque à Roissy avec frère et sœurs pour continuer sa route vers Nîmes où sa nouvelle vie l'attend. La cellule familiale réunie, ses parents font de leur intégration la condition de leur réussite.
Lui, son frère et ses sœurs changent de prénom, intègrent une école catholique. Shahzad devient Sylvestre, apprend le français et oublie même sa langue natale. Il est prêt à tomber amoureux de son nouveau pays.
Il a 15 ans lorsqu'il ressent son premier déclic en suivant son père comptable dans sa nouvelle affectation à Castelnaudary. Il a le choix de rester dans son bureau ou de l'accompagner au mess des officiers. Il découvre les truffes, le cochon à la broche, le Pommard et tout ce qui fait la richesse de la cuisine française. C'est un vrai coup de foudre, il adore les produits et l'ambiance sévère mais conviviale du mess. Un stage dans une pâtisserie confirme son enthousiasme. Sans hésiter, il s'inscrit dans une école hôtelière.
A 16 ans, il a la chance de faire un stage de 3 jours avec Thierry Marx pendant la féria de Nîmes. A la fin, Marx lui propose de le prendre en apprentissage. Le second de cuisine le pique au vif en pariant sur le nombre de jours qu'il lui faudra pour craquer. Et... Il tient bon, bien sûr. Fort de son énergie, il passe son B.E.P en candidat libre, et décroche dans la foulée C.A.P et B.E.P avec mention.
Puis, Sylvestre Wahid part en Lozère chez Patrick Pagès, cuisinier amoureux du vin et philosophe à ses heures et se forme sur les terroirs, les produits et le monde de la vigne.
Apres un passage chez Alain Solivarès, il continue son parcours en intégrant le groupe d'Alain Ducasse: le Relais du Parc, l'ouverture du Plaza Athénée avec Jean-François Piège, 5 années passées à New York à l'Essex house lui ouvrent des horizons culinaires différents.
En 2005, direction l'Oustau de Baumanière, institution magique s'il en est. Il a 30 ans, devient chef exécutif et a la peau couleur café au lait. C'est dire que le comité d'accueil n'est pas au rendez-vous.
Mais Sylvestre Wahid est un patient. Il ne change rien en arrivant. Il reprend tout depuis le début et fait le tour de tous les postes. Chaque jour, il est avec les différents chefs de partie et se met dans la peau d'un commis, il observe, il les observe. Flash back ou mimétisme de son enfance, cela reste le meilleur moyen pour lui de s'intégrer et de comprendre sa brigade. On peut assister ces derniers temps à quantités de témoignages de violence et d'irrespect dans les coulisses des cuisines des grands chefs. C'est une notion qui est très loin de celle de Sylvestre qui place l'humain au milieu de tout. Pour lui, cela est primordial dans la gestion d'une entreprise quelle qu'elle soit.
Il repart en voyage, bon prétexte pour faire le point sur ce qu'il souhaite faire. Et puis, Thierry Costes le propriétaire de Thoumieux, l'appelle pour succéder à Jean-François Piège. Autour d'un café, leur discours s'accorde et Sylvestre prend sa décision. La prochaine étape sera Paris.
Je l'écoute se raconter, me dire que depuis qu'il est arrivé, il travaille du matin au soir, pour s'approprier le lieu, la cuisine, penser sa carte, prendre ses marques, s'accorder avec sa nouvelle brigade.Travail n'est pas vraiment le mot qu'il emploie tant il aime ce qu'il fait. Ici, encore, il ne cherche pas à plier les choses et les gens à sa façon, il s'accorde plutôt le temps de connaitre son équipe. Il veut qu'ils soient heureux comme lui l'est de ce nouveau challenge.
Il s'enthousiasme d'être là et s'autorise à dire que oui bien sûr, il a rêvé de diriger les cuisines d'un restaurant en plein cœur de la ville lumière.
Il pense à la brasserie en bas, et au restaurant gastronomique à l'étage, et ne veut pas privilégier l'un pour l'autre.
Il a peur aussi que sa cuisine ne plaise pas, de n'être pas à la hauteur, que le public le snobe... Il revendique ses doutes qui le font avancer.
Je n'ai ressenti aucun doute lorsque j'ai gouté son bouillon en guise de mise en bouche, qui donnait le La à la musique qu'il m'a jouée. Eau de concombre et cannelloni végétal: véritable coup de fouet de fraicheur; omble chevalier doré en écailles, poireau crayon et écrevisses pattes noires: tout en douceur; homard bleu, foie gras et cèpes: histoire de ne pas nous faire oublier comme la terre et la mer peuvent faire bon ménage; agneau de lait et figues de Solliès: pour nous rappeler ses premières amours.
Assise dans le nouveau décor du restaurant, rebaptisé sobrement Sylvestre, où les plantes disposées sont un clin d'œil à la nature qui tient beaucoup de place dans sa vie, je pense à ses parents qu'il évoque souvent, qui le rêvaient en avocat ou médecin, et qui ont fini par baisser la garde pour lui dire enfin qu'ils sont fiers de lui. Durant notre conversation, Il m'a souvent avoué qu'il ne tient pas en place. Espérons pour les gourmets que le soleil du sud ou d'ailleurs ne lui manque pas trop et qu'il trouve que décidément la capitale est une bien jolie ville pour y pratiquer la cuisine.
Et surtout que le chef se rassure, il n'a pas à s'adapter à Paris, c'est Paris qui très vite lui fera les yeux doux.
Le sud, lui, il en revient. Il a été le chef, pendant presque 9 ans, du mythique établissement l'Oustau de Baumanière en Provence.
Il est désormais depuis le début du mois de septembre, aux commandes des restaurants de l'hôtel Thoumieux à Paris.
Photo: @Stéphane Bourgies
Le cuisinier tel un pigeon voyageur, aime parcourir le monde
Un goût inné sans doute, et peut-être aussi une explication à chercher dans ses origines.
Sylvestre dans une autre vie s'appelait Shahzad. Il est né à Kohat au Pakistan il y a 40 ans. Ses premières années, il ne voit plus son père, presque volatilisé en s'engageant dans la légion étrangère. Puis, celui-ci réapparait sous la forme de 5 billets d'avion envoyés à sa mère.
Shahzad qui n'est pas encore Sylvestre et qui a presque 9 ans, débarque à Roissy avec frère et sœurs pour continuer sa route vers Nîmes où sa nouvelle vie l'attend. La cellule familiale réunie, ses parents font de leur intégration la condition de leur réussite.
Lui, son frère et ses sœurs changent de prénom, intègrent une école catholique. Shahzad devient Sylvestre, apprend le français et oublie même sa langue natale. Il est prêt à tomber amoureux de son nouveau pays.
Cet amour, il s'exprimera à travers la cuisine
Il a 15 ans lorsqu'il ressent son premier déclic en suivant son père comptable dans sa nouvelle affectation à Castelnaudary. Il a le choix de rester dans son bureau ou de l'accompagner au mess des officiers. Il découvre les truffes, le cochon à la broche, le Pommard et tout ce qui fait la richesse de la cuisine française. C'est un vrai coup de foudre, il adore les produits et l'ambiance sévère mais conviviale du mess. Un stage dans une pâtisserie confirme son enthousiasme. Sans hésiter, il s'inscrit dans une école hôtelière.
A 16 ans, il a la chance de faire un stage de 3 jours avec Thierry Marx pendant la féria de Nîmes. A la fin, Marx lui propose de le prendre en apprentissage. Le second de cuisine le pique au vif en pariant sur le nombre de jours qu'il lui faudra pour craquer. Et... Il tient bon, bien sûr. Fort de son énergie, il passe son B.E.P en candidat libre, et décroche dans la foulée C.A.P et B.E.P avec mention.
Puis, Sylvestre Wahid part en Lozère chez Patrick Pagès, cuisinier amoureux du vin et philosophe à ses heures et se forme sur les terroirs, les produits et le monde de la vigne.
Apres un passage chez Alain Solivarès, il continue son parcours en intégrant le groupe d'Alain Ducasse: le Relais du Parc, l'ouverture du Plaza Athénée avec Jean-François Piège, 5 années passées à New York à l'Essex house lui ouvrent des horizons culinaires différents.
En 2005, direction l'Oustau de Baumanière, institution magique s'il en est. Il a 30 ans, devient chef exécutif et a la peau couleur café au lait. C'est dire que le comité d'accueil n'est pas au rendez-vous.
Mais Sylvestre Wahid est un patient. Il ne change rien en arrivant. Il reprend tout depuis le début et fait le tour de tous les postes. Chaque jour, il est avec les différents chefs de partie et se met dans la peau d'un commis, il observe, il les observe. Flash back ou mimétisme de son enfance, cela reste le meilleur moyen pour lui de s'intégrer et de comprendre sa brigade. On peut assister ces derniers temps à quantités de témoignages de violence et d'irrespect dans les coulisses des cuisines des grands chefs. C'est une notion qui est très loin de celle de Sylvestre qui place l'humain au milieu de tout. Pour lui, cela est primordial dans la gestion d'une entreprise quelle qu'elle soit.
Après 9 ans à Baumanière. Il décide de changer d'orientation
Il repart en voyage, bon prétexte pour faire le point sur ce qu'il souhaite faire. Et puis, Thierry Costes le propriétaire de Thoumieux, l'appelle pour succéder à Jean-François Piège. Autour d'un café, leur discours s'accorde et Sylvestre prend sa décision. La prochaine étape sera Paris.
Je l'écoute se raconter, me dire que depuis qu'il est arrivé, il travaille du matin au soir, pour s'approprier le lieu, la cuisine, penser sa carte, prendre ses marques, s'accorder avec sa nouvelle brigade.Travail n'est pas vraiment le mot qu'il emploie tant il aime ce qu'il fait. Ici, encore, il ne cherche pas à plier les choses et les gens à sa façon, il s'accorde plutôt le temps de connaitre son équipe. Il veut qu'ils soient heureux comme lui l'est de ce nouveau challenge.
Il s'enthousiasme d'être là et s'autorise à dire que oui bien sûr, il a rêvé de diriger les cuisines d'un restaurant en plein cœur de la ville lumière.
Il pense à la brasserie en bas, et au restaurant gastronomique à l'étage, et ne veut pas privilégier l'un pour l'autre.
Il a peur aussi que sa cuisine ne plaise pas, de n'être pas à la hauteur, que le public le snobe... Il revendique ses doutes qui le font avancer.
Je n'ai ressenti aucun doute lorsque j'ai gouté son bouillon en guise de mise en bouche, qui donnait le La à la musique qu'il m'a jouée. Eau de concombre et cannelloni végétal: véritable coup de fouet de fraicheur; omble chevalier doré en écailles, poireau crayon et écrevisses pattes noires: tout en douceur; homard bleu, foie gras et cèpes: histoire de ne pas nous faire oublier comme la terre et la mer peuvent faire bon ménage; agneau de lait et figues de Solliès: pour nous rappeler ses premières amours.
Assise dans le nouveau décor du restaurant, rebaptisé sobrement Sylvestre, où les plantes disposées sont un clin d'œil à la nature qui tient beaucoup de place dans sa vie, je pense à ses parents qu'il évoque souvent, qui le rêvaient en avocat ou médecin, et qui ont fini par baisser la garde pour lui dire enfin qu'ils sont fiers de lui. Durant notre conversation, Il m'a souvent avoué qu'il ne tient pas en place. Espérons pour les gourmets que le soleil du sud ou d'ailleurs ne lui manque pas trop et qu'il trouve que décidément la capitale est une bien jolie ville pour y pratiquer la cuisine.
Et surtout que le chef se rassure, il n'a pas à s'adapter à Paris, c'est Paris qui très vite lui fera les yeux doux.
Vous pouvez retrouver le chef Sylvestre Wahid dans son restaurant:
Restaurant Sylvestre, 79 rue Saint Dominique 75007 paris.
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