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Сентябрь
2015

Le Burkina Faso dans l’incertitude

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L’annonce, hier, par la junte militaire au pouvoir de la réouverture des frontières aériennes et terrestres n’a pas contribué à dissiper l’angoisse des lendemains incertains dans laquelle est plongée Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, depuis le renversement, mercredi, des autorités de transition.
Malgré la promesse du général de brigade Gilbert Diendéré, le nouvel homme fort du Burkina Faso, parachuté par le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) à la tête du pays, de renouer «dès que la situation le permettra» avec le processus démocratique et sa décision de libérer certaines des personnalités politiques arrêtées mercredi lors du putsch, parmi lesquels le chef de l’Etat Michel Kafando, les populations de certaines villes, comme Bobo-Dioulasso (seconde plus grande localité du pays) et Banfora ont rejeté en bloc le coup d’Etat. Pour exprimer leur colère, elles n’ont pas respecté, dans la nuit de jeudi à vendredi, le couvre-feu décrété par les putschistes.

Des centaines de personnes sont sorties dans les rues pour dénoncer «le coup d’Etat» et demander «le retour au pouvoir» des autorités renversées. Bien que fortement quadrillée par les éléments du RSP, certains quartiers de Ouagadougou ont aussi «bougé». C’est le cas, par exemple, du quartier Dassasgho où des jeunes ont érigé des barricades et pris pour cible des patrouilles du RSP. Des colonnes fumée s’échappant de certains endroits, visibles à des kilomètres, finissent par compléter le décor de guerre civile dans lequel le putsch de mercredi risque de conduire le Burkina Faso.

Mais globalement, la capitale est contrôlée d’une main de fer par les putschistes. En plus de l’instauration d’un couvre-feu, des militaires lourdement armés sillonnent continuellement les rues de la ville et tirent en l’air avec leurs pistolets-mitrailleurs afin de dissuader les gens de sortir manifester. Des sources indépendantes font état de blessés par balle, y compris parmi des enfants en bas âge. Comme jeudi, les rues de la capitale burkinabé étaient, hier, complètement désertes.

Ville morte

Craignant les pilleurs tout autant que les casseurs, la majorité des commerces sont restés fermés. Seules certaines petites épiceries de quartier ont ouvert durant la matinée pour permettre à la population de se ravitailler en produits de première nécessité. Pour rendre inaudible le discours des autorités légales renversées, les putschistes ont réduit au silence les  radios privées qui leur étaient hostiles dès mercredi. La répression a été féroce. Les locaux de la chaîne de radio privée Oméga FM ont été saccagés.

Des journalistes de Radio Horizon et de la télévision Canal 3 ont été quant à eux tabassés et délestés de leur matériel. Comment la situation politique peut-elle évoluer maintenant ? Difficile à dire. Une chose est sûre : tout le monde au Burkina Faso attendait hier, avec impatience, de savoir sur quoi allait déboucher la tentative des présidents sénégalais et béninois de «ramener à la raison» le général de brigade Gilbert Diendéré et son RSP.

Jusqu’à hier après-midi, rien n’avait filtré de la rencontre entre les trois hommes à Ouagadougou. Nul n’était en mesure de dire aussi si les présidents Macky Sall et Thomas Boni Yayi allaient rencontrer Cheriff Moumina Sy, le seul représentant de la transition à avoir échappé aux griffes des éléments du RSP au moment du putsch. Cheriff Moumina Sy, qui était le président du Parlement, le Conseil national de transition (CNT) serait actuellement hors de Ouagadougou.

Médiation ouest-africaine

Macky Sall, en sa qualité notamment de président en exercice de la Cédéao, parviendra-t-il à convaincre son interlocuteur de regagner sa caserne ? Peu probable que le général Diendéré accepte d’obtempérer, surtout que pour le moment, on ne peut pas vraiment dire qu’il soit réellement acculé. Le mutisme observé par la haute hiérarchie de l’armée concernant la situation pourrait même être perçu par les putschistes comme un feu vert tacite à leur coup d’Etat.

Ceci dit, les responsables de la transition tout autant que les putschistes revendiquent le soutien de l’armée. Dans un tel climat de confusion et d’opacité, seule la rue semble encore en mesure de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Justement, depuis la clandestinité, Cheriff Moumina Sy, soutenu par nombre de figures de la classe politique et de la société civile, a appelé une nouvelle fois, hier, à «la résistance» et à «la défense de la nation». Le tout est de savoir, maintenant, si son appel sera suivi et si ses partisans auront suffisamment de souffle pour tenir tête au très secret général Diendéré.

Accusé de rouler pour l’ex-président Blaise Compaoré qui avait été chassé par la rue, en octobre 2014, et de chercher à remettre en selle les pro-Compaoré, ce général, dont on dit qu’il est très influent dans toute l’Afrique de l’Ouest, a, rappelle-t-on, dissous mercredi les institutions de la transition et mis en place un Conseil national pour la démocratie (CND) qu’il préside. Qualifiant d’«injuste» la loi d’exclusion qui interdit  aux hommes politiques proches de Compaoré de se présenter aux élections présidentielle et législatives prévues en octobre prochain, Gilbert Diendéré s’est justement fixé comme objectif prioritaire d’amender la loi sur les élections adoptée par le CNT... une manière pour lui, dit-il, d’apporter «davantage d’équité» dans la pratique politique.

Ce n’est qu’à l’issue de ce processus qu’il compte organiser une présidentielle. Et cela, ajoute-t-il, se fera quand il estimera utile de le faire ! Bref, Diendéré est venu pour donner une vraie chance aux architectes du système Compaoré de se refaire. Et pour y parvenir, il ne semble pas du tout gêné de compromettre la transition politique qui a nécessité 8 longs mois de travail pour se mettre en place et d’entraîner les Burkinabés dans l’incertitude.