ru24.pro
Новости по-русски
Сентябрь
2015

Coup de force militaire au Burkina Faso

0

Les manifestations hostiles aux putschistes ont été durement réprimées.

En Afrique, la présence d'un homme en uniforme à la télévision est rarement une bonne nouvelle. Hier, le lieutenant-colonel Mamadou Bamba a confirmé la règle. Dans une allocution lente, l'officier, inconnu du public, a confirmé la prise du pouvoir par les militaires, la dissolution du gouvernement de transition et la création d'un "nouveau Conseil national pour la démocratie".

Quelques heures plus tard, le véritable chef, le général Gilbert Diendéré, se dévoilait en prenant la tête de ce CND, en fait un organe entièrement aux mains du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). La présence de cet officier comme chef du putsch a crédibilisé ce coup de force, qui semblait jusqu'alors très aventureux. Gilbert Diendéré n'est autre que l'ancien bras droit de Blaise Compaoré, déposé en octobre dernier, après 27 ans de gouvernance lors d'un mouvement populaire. Chef d'état-major de l'ex-président, ce taiseux, habituellement très discret, était aussi l'homme des missions secrètes et le vrai chef du RSP. "Sa présence change la donne. Il connaît beaucoup de monde", confirme un diplomate.

"En résidence surveillée"

La prise de pouvoir avait commencé mercredi, avec l'arrestation par des hommes du RSP, en plein Conseil des ministres, du président par intérim Michel Kafando et du premier ministre Isaac Zida. Hier, le nouveau chef du CND a tenté d'apaiser la situation. "Ils sont en résidence surveillée et seront vite libérés", a affirmé à "Jeune Afrique" Gilbert Diendéré, niant toute implication de Blaise Compaoré. "Je n'ai pas eu de contact avec lui, ni avant ni après." Et d'expliquer son "passage à l'acte" pour "empêcher la déstabilisation du pays", en raison "des mesures d'exclusion prises par les autorités de transition". L'homme a également promis l'organisation rapide "d'une élection sans exclusive". Une façon détournée de poser les exigences des putschistes, jusqu'alors très floues.

La colère des militaires est justifiée, à leurs yeux, par une loi n'autorisant pas les partisans de l'ancien président Compaoré à se présenter aux élections présidentielle et législatives, qui devaient avoir lieu le 11 octobre. Ce texte controversé rend "inéligibles" 42 personnalités, accusées d'avoir soutenu la tentative de Blaise Compaoré de se maintenir au pouvoir. "Il est maintenant clair que ce coup est une nouvelle tentative du CDP (réd: l'ex-parti au pouvoir) de conserver ses prérogatives", s'agace Salif Diallo, bras droit d'un des candidats à la présidentielle et ancien proche de Blaise Compaoré.

"Cette loi est une source de conflit. En excluant des personnalités de la course, les autorités de transition se sont fait des ennemis puissants", analyse un ancien diplomate. Reste qu'avant même ce texte, le RSP avait à plusieurs reprises exigé le départ du premier ministre.

La foule gronde, l'armée réprime

Les responsables politiques ont dans leur ensemble condamné ce coup d'Etat. "Nous ne tolérerons pas un arrêt du processus électoral", explique Salif Diallo. Ablassé Ouédraogo, candidat à la présidence, réclame "une restauration immédiate des autorités de transition". Mais les mots risquent de ne pas suffire face à la détermination des militaires. "Les officiers sont allés très loin, et la sortie de crise va être difficile", redoute encore l'ancien diplomate. Une première médiation, conduite par l'ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo, a échoué.

La société civile, qui avait grandement contribué à la chute de Blaise Compaoré, s'est de nouveau mobilisée dès mercredi. Les foules, convoquées notamment par le Balai citoyen, l'un des principaux groupes contestataires, ont convergé vers la place de la Révolution, lançant des pierres ou brûlant des pneus, mais se sont heurtées à une forte répression. "Les militaires patrouillent dans les quartiers et sont violents. Ils tirent, il a fallu nous cacher. Ils veulent nous empêcher de nous regrouper pour que nous ne puissions pas marcher sur le palais de Kosyam", explique Serge Bayala, un leader étudiant, qui jure "ne pas être découragé pour autant". Selon lui, au moins "une dizaine" de manifestants auraient été tués. L'hôpital de Ouagadougou, lui, recense trois morts et 60 blessés.

Hier en fin d'après-midi, la capitale était quadrillée par les militaires et des coups de feu étaient entendus. Les principaux médias étaient coupés et un couvre-feu nocturne a été imposé.

Communauté internationale appelée à l'aide

Pour éviter un bain de sang et s'opposer aux putschistes, les principaux leaders du monde politique, de la société civile et des syndicats, très puissants au Burkina, ont uni leurs efforts. "Une plate-forme commune doit naître et décider des actions à entreprendre pour chasser les militaires. Nous ne lâcherons rien. Mais la communauté internationale doit nous aider", explique Guy Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen.

La France a condamné le coup d'Etat tout en excluant une intervention militaire. L'Union européenne et l'Union africaine ont elles aussi appelé à un retour à un pouvoir civil. LE FIGARO