Louisa Hanoune : «L’Algérie ouverte à tous les vents…»
La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) observe dans les derniers changements, opérés notamment dans l’appareil du DRS, la confirmation de ses craintes de voir des cercles oligarchiques prendre les rênes du pouvoir.
Incompréhension, inquiétude et interrogation ! Le Parti des travailleurs (PT) et sa secrétaire générale, Louisa Hanoune, se montrent surpris par le limogeage, dimanche dernier, du patron du DRS, le général Mohamed Mediène dit Toufik. Trois jours après cette nouvelle, qualifiée de «séisme politique» en Algérie, il est encore difficile de comprendre les tenants et les aboutissants de cette mesure, attribuée au président Bouteflika.
Louisa Hanoune et sa formation politique avouent qu’ils sont, à présent, dans le flou. «Nous ne comprenons pas ces dernières décisions», affirmait Louisa Hanoune à l’ouverture, hier à Alger, de la rencontre des membres de la direction nationale du parti des wilayas du centre du pays. Ne cachant pas son inquiétude concernant les retombées de «la déstructuration du DRS en jetant en pâture ses membres», la première dame du PT cherche à comprendre l’objectif et l’origine d’une telle décision. «L’Algérie est désormais ouverte à tous les vents. Les digues commencent à sauter», indique-t-elle devant de nombreux journalistes venus recueillir son avis et son analyse sur le limogeage de celui qui est baptisé «Rab Dzaïer».
Selon elle, «l’Algérie n’a pas besoin de ces décisions en ce moment». «L’existence de l’Etat est la condition sine qua non pour l’existence de la nation. Le changement à la tête du DRS est en réalité le couronnement d’un processus de destruction, entamé avec la suppression de certaines de ses missions et le transfert d’autres à l’état-major. Dans le contexte de la Constitution actuelle, cela est indiscutable. Mais est-il possible de voir Obama, Hollande, Merkel et même Al Sissi déstructurer les Services secrets de leurs pays ? Cela est inimaginable dans le contexte actuel, caractérisé par la montée de Daech», lance-t-elle.
«Tartag hérite d’une coquille vide»
Revenant sur ce processus, l’oratrice estime que la destruction du DRS a commencé avec la décision de lui retirer la mission d’enquêter sur la corruption. «Cela est très inquiétant. Cette mesure a permis à l’oligarchie d’étendre ses tentacules», dénonce-t-elle. Poursuivant, Louisa Hanoune veut aussi identifier les bénéficiaires de cette situation. «Qui a bénéficié de la situation actuelle ?
Avec tout cela, Tartag a donc hérité d’une coquille vide. Quel est l’objectif de la destruction du DRS et de l’emprisonnement du général Hassan ? Pourquoi exposer un homme de cette pointure à un jugement de la CPI ? C’est une fragilisation de l’institution. Est-ce que ce n’est pas un affaiblissement de l’immunité de l’Etat. En tout cas, cela rend le climat politique encore plus lourd», soutient-elle.
Attirant l’attention sur un «danger interne plus important que les dangers externes», Mme Hanoune fait le lien entre la décision de limoger le général Toufik et les plaintes des Services étrangers. «Nous avons lu récemment dans la presse que la CIA et les Services français étaient exaspérés par l’attitude du DRS et de son chef. Ils seront maintenant rassurés», déclare-t-elle, affirmant que l’Algérie «n’a pas besoin de cette décision en moment». Ce faisant, la patronne du PT laisse entendre que «ces décisions n’émaneraient pas du chef de l’Etat, mais de l’oligarchie» qui semble avoir, selon elle, le vent en poupe. «Tel que nous le connaissons, le président Bouteflika est soucieux des équilibres des pouvoirs. Qu’est-ce qui s’est passé depuis 2014 ?» demande-t-elle.
«Etat civil ? Une illusion»
Louisa Hanoune n’accorde pas non plus d’importance aux lectures qui tentent de déduire, à travers le limogeage de Toufik, une volonté «d’instaurer un Etat civil». «C’est une illusion de croire que ces décisions visent à mettre en place un Etat civil. Au contraire, nous pensons que c’est le contraire, puisque des prérogatives du DRS ont été transférées à l’état-major de l’armée, cela ne rendra pas l’Etat plus civil.
Si ça continue sur cette lancée, on ira vers un Etat semi-militaire», précise-t-elle, rappelant que «la régression économique et sociale mène vers des régimes totalitaires». La secrétaire générale du PT ne croit pas également à une lutte de clans en prévision de la succession au président Bouteflika : «Il faut arrêter le délire. Les prochaines élections législatives ou présidentielle, ordinaires ou anticipées, seront décisives. Parce qu’en cas de fraude électorale, il y aura le chaos !»