"Je vais où le coeur me mène"
Un mois d'auto-stop ne lui a pas suffi. A peine rentré en Suisse, il prévoit déjà son prochain périple.
ELLEN DE MEESTER
edemeester@lacote.ch
Quand Vladimir Sanz évoque ses voyages, il semble les revivre intensément. Ce jeune Vaudois de vingt-trois ans friand de découvertes a voulu démontrer que "voyager sans argent, c'est possible". Tous les trois mois, il se lance dans une nouvelle aventure, les poches vides, un ukulélé sous le bras et un sac à dos sur l'épaule.
Son dernier périple en date est un trajet de quatre semaines qui l'a mené de la gare de Nyon jusqu'en Lituanie. "Je suis parti avec un garçon rencontré par hasard dans le train, quelques mois avant le départ, raconte-t-il. On ne s'était vus que deux ou trois fois avant de partir ensemble. Le but était de se rendre à une réunion de hippies nommée le Rainbow Gathering."
Pour le jeune homme, entreprendre un tel voyage en vivant chaque jour tel qu'il s'offre à lui requiert une très grande part de spontanéité. "L'état d'esprit fait tout, explique-t-il. On est partis sans avoir la moindre attente, sans savoir où on serait le lendemain. Aucun risque d'être déçus de cette manière."
Un sac à dos de plus en plus léger
Vladimir se lance toujours dans l'inconnu sans itinéraire précis et parfois même sans carte. Il commence d'ailleurs à alléger drastiquement ses bagages. En 2011, lors d'une année sabbatique passée en Chine, le vol de son sac à dos a été une véritable révélation: "Je n'avais plus de passeport, plus rien. Et j'ai vécu une courte période pendant laquelle je me levais le matin, j'enfilais mon pantalon, mon t-shirt... et c'étaient là mes uniques possessions. Je ne m'étais encore jamais senti aussi libre, aussi serein. Plus rien ne m'encombrait. Je pense qu'il faut vivre ce sentiment pour le comprendre."
Aujourd'hui, il considère cette leçon de vie comme une véritable philosophie: partir avec le moins possible d'objets matériels pour vivre le plus possible d'expériences humaines. Tout l'attrait du voyage se concentre pour lui dans la possibilité de lâcher prise, d'être loin de chez soi, dépourvu de toutes les contraintes matérielles pour finalement "aller où le coeur nous mène." Même le temps n'a plus la moindre signification à ses yeux, puisqu'aucun point de chute ne rythme les jours du voyageur.
La prochaine étape dans la réduction du sac à dos sera l'usage du hamac pour éliminer le sac de couchage et la tente. "Un soir, je n'avais nulle part où dormir quand j'ai trouvé un hamac par terre, se souvient-il. Je me suis dit qu'il fallait absolument que je teste ça." Hors de question cependant de laisser son ukulélé à la maison. Car ce sont avant tout les concerts de rue qui lui permettent de gagner l'argent nécessaire à la poursuite de ses voyages: "Mon répertoire va de Tryo à Bob Marley en passant par les Beatles. Quand je vais jouer dans un centre-ville, ça marche du tonnerre. On a toujours gagné plus que le salaire minimum pendant le voyage en Lituanie."
Jamais seul
Le jeune homme garde ses plus vifs souvenirs des personnes qui croisent son chemin et dont chaque acte de bonté le rapproche de sa destination. La moitié de ses déplacements dépend en effet des conducteurs qu'il interpelle par auto-stop depuis le bord de la route. Souvent, il est gentiment accueilli et transporté sur de très longues distances. "C'est étonnant, mais quand on me demande combien de mauvaises rencontres je fais en voyageant comme ça, je réponds toujours "aucune"! Chaque rencontre m'ouvre les yeux sur toute l'humanité et me redonne foi en le genre humain. Quand on regarde la télévision, on a l'impression que les gens sont méchants et compétitifs. Mais en voyageant, on se rend vite compte que tout le monde est prêt à nous tendre la main et nous proposer de l'aide."
Vladimir Sanz ne manque d'ailleurs pas d'anecdotes à ce propos: " Lors d'un arrêt dans une gare polonaise, se souvient-il, tous les drogués de Cracovie sont venus vers nous. Il y en avait à qui il manquait un oeil, ils étaient tous à moitié ivres... La scène aurait pu être très glauque, mais on a simplement fait de la musique ensemble. C'était très sympa, puis tout le monde a repris sa vie." Qu'il s'agisse d'un agriculteur polonais, d'un vendeur de drogue en Tchécoslovaquie ou d'un directeur d'école chinois, Vladimir Sanz dit trouver "un côté beau" en chaque personne qu'il rencontre: "Quand tu n'as rien, quand tu es pauvre en avoir mais riche en être, tu retrouves le côté authentique des êtres humains."
Dès qu'un trajet s'achève et qu'il se retrouve à nouveau chez lui à La Chèvrerie, Vladimir ressent toujours le besoin d'appliquer ses philosophies de voyage à sa vie quotidienne. Il a d'ailleurs décidé d'interrompre ses études universitaires afin de se consacrer entièrement à ses voyages. En octobre, il partira en Serbie. D'ici là, son ukulélé, témoin de chaque aventure, ravira les trottoirs du canton de Vaud.