Les réseaux auront-ils la peau de l'apéro?
Les candidats ne se sont jamais autant mis en scène sur les réseaux sociaux. Si elles aident, les campagnes 2.0 ne se substituent pas aux outils classiques.
Beaucoup de candidats s'y sont mis. Discours face caméra, parodie de jeux télévisés, bêtisiers, petites phrases chocs, on ne voit que ça sur les réseaux sociaux. Des initiatives assez heureuses et souvent marrantes à regarder. Il y a la forme et même le fond. Le tout en quelques minutes et directement visible par des milliers d'amateurs de murs Facebook ou de fil Twitter.
La campagne 2.0 cartonne en Valais et les candidats qui s'y adonnent sérieusement observent leur prise de parole faire tache d'huile par la magie du "like" et du "partage". Le Valais express - le jeu télévisé "Pékin express" revisité par les jeunes PDC - connaît un beau succès et a fait parler de lui hors Valais.
Le très drôle The Vote de Yannick Buttet - qui reprend à la sauce politique le principe de "The Voice" - est désormais attendu par les fans chaque mercredi. Et il y en a pour tout le monde. Les tirades politiques de Mathias Reynard (PS) trouvent leur public, l'autobêtisier de Gaël Bourgeois fait rire au-delà des cercles socialistes, les analyses économiques de Vincent Riesen (PLR) trouvent preneurs et même lorsque Roberto Schmidt (PDC) caresse la croupe de nez noirs, la vidéo fait le buzz après plusieurs dizaines de milliers de vues. Même constat pour la vidéo rythmée dans laquelle Oskar Freysinger adoube Franz Ruppen (UDC) ou encore pour celle de Géraldine Marchand-Balet (PDC) qui thématise sur l'énergie.
Bien pour les troupes
Les campagnes politiques valaisannes ont-elles donc définitivement quitté les carnotzets et autres arrière-salles obscures pour se mener nez sur les écrans? Pas complètement car même les plus "geeks" reconnaissent que le terrain, personne n'y coupe et que les réseaux ne sont qu'un support d'images supplémentaire. "De manière générale, l'efficacité des réseaux sociaux est surestimée, même s'ils sont devenus un passage obligé dans une campagne" , analyse le politologue zurichois Louis Perron. "Les réseaux sociaux sont surtout utiles pour communiquer et garder le lien avec ses propres troupes" , résume le spécialiste. Ceux qui n'y sont pas ont-ils tort? "Non, répond le politologue. Etre actif sur les réseaux demande beaucoup de temps et il faut nourrir soi-même ces moyens de communication. Quelqu'un qui se créera un compte Facebook deux mois avant les élections en demandant à sa secrétaire de l'alimenter n'a aucune chance de convaincre" , dit Louis Perron.
Un outil de divertissement
"Je n'y suis pas et je ne vais pas y aller parce que je suis candidat" , confirme le conseiller national PLR Jean-René Germanier, totalement absent des smartphones et des écrans. "Je ne méprise personne, mais je ne pense pas que ce soit un endroit où l'on construit des idées et des discussions de fond. Je trouve que c'est souvent un outil de divertissement" , continue celui qui préfère rester disponible autrement. "Sur le terrain, au téléphone ou par mail. Et puis, j'ai aussi l'impression que ces réseaux sont des boucliers pour tous ceux qui agissent avec méchanceté" , soulève Jean-René Germanier qui reconnaît aussi un fossé des générations. Absent des gros raouts sociaux, si ce n'est via un discret compte Facebook, David Théoduloz (PDC) se méfie aussi des réactions à chaud que les réseaux encouragent. "Il faut faire attention avec ce que l'on partage. Tout le monde n'a pas envie d'apparaî tre sur les photos qu'on pourrait publier par exemple , explique le PDC de Veysonnaz. Je vais faire une vidéo prochainement car c'est un bon outil pour faire passer un message politique, mais sur le fond je préfère la rencontre sur le terrain en organisant des rencontres avec des petits groupes de gens." Dans les carnotzets et arrière-salles? "Une salle tout court suffit, pas besoin de se cacher" , rigole l'élu qui compare au final l'efficacité des réseaux à celle des affiches SGA. " Ç a ne suffit pas d'inciter quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de vous de voter pour vous, mais ça peut quand même aider" , conclut David Théoduloz.
STEPHANIE GERMANIER