L'armée se tient à carreau
Il y a cinq ans, André Blattmann s'était fait taper sur les doigts pour avoir désigné la Grèce comme facteur de risque. Il avait cependant vu juste en prédisant une vague de réfugiés.
Tout le monde a son mot à dire sur la crise des réfugiés. Tandis que l'Europe se mobilise, le Conseil national s'apprête à livrer une bataille épique sur la révision de la loi sur l'asile. Mais ce terme militaire ne s'applique pas à l'armée qui est la seule à faire profil bas. Cela n'a pas toujours été le cas. Il y a cinq ans, son chef, André Blattmann s'était fait taper sur les doigts pour avoir déclaré dans une interview au "Tages Anzeiger" que les grands flux migratoires pourraient rendre nécessaire l'intervention de l'armée dans le futur. Il s'était notamment attiré l'ire de l'ancien conseiller national Josef Zisyadis (POP/VD) pour avoir désigné la Grèce comme facteur de risque pour la Suisse. On avait frôlé l'incident diplomatique.
A l'époque, il s'agissait surtout pour André Blattmann de démontrer que l'armée est un facteur de sécurité indispensable dans un environnement troublé. Il a cependant compris la leçon. C'en est fini des déclarations hasardeuses. Interrogé sur le rôle de l'armée face à la crise des réfugiés, le Département de la défense (DDPS) s'en tient à la doctrine officielle. Il nous a répondu hier que "cette thématique n'est pas de la compétence de l'armée, mais du Secrétariat d'Etat aux migrations" . Et de souligner que les décisions incombent aux instances politiques. "C'est seulement à la demande des autorités et à titre subsidiaire que l'armée peut offrir son appui, par exemple dans le domaine du logement" , précise le porte-parole Renato Kalbermatten.
La situation a évolué
En 2010, André Blattmann avait esquissé le scénario d'une méga crise économique en Grèce qui aurait jeté un flot de réfugiés grecs sur les routes. Aujourd'hui, les Hellènes sont certes pris à la gorge, mais ce ne sont pas eux qui constituent la vague actuelle de réfugiés. Par contre, la Grèce est devenue l'une des portes d'entrée des candidats à l'asile. Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés, quelque 30 000 réfugiés se trouvent actuellement sur les îles grecques, dont 20 000 sur l'île de Lesbos, proche de la Turquie. Ils espèrent tous en partir pour un pays de l'Union européenne. "C'est le devoir du chef de l'armée d'analyser la situation et d'en tirer des conclusions", note le porte-parole du DDPS . "La situation a cependant beaucoup évolué depuis 2010" .
Le prochain rapport sur la politique de sécurité qui sera publié en 2016 devrait préciser les risques que posent les problèmes migratoires. Mais à ce jour, l'engagement de l'armée se limite à la question du logement.
Tentes et cantonnements militaires
Pour répondre aux besoins les plus urgents, elle a notamment mis à disposition une partie des tentes habituellement utilisées par la troupe. Le canton d'Argovie a été le premier à recourir à cette possibilité. Montées cet été à proximité des centres d'accueil d'Aarau, Buchs et Villmergen, ces tentes permettent de loger jusqu'à 140 personnes. Il s'agit d'une solution provisoire. Les tentes sont mises à disposition pour 110 jours au maximum. Il faudra donc trouver une autre solution pour l'hiver. Le canton de Berne a cependant vu là une opportunité. A sa demande, l'armée est en train de répéter l'opération dans le Seeland. Une dizaine de tentes permettront d'abriter jusqu'à 250 requérants dès la mi septembre.
Si le recours aux logements de toile est récent, cela fait déjà plusieurs années que l'armée met à disposition des installations militaires en vue de leur reconversion en centre d'hébergement de la Confédération. Cela répond à un mandat du Conseil fédéral qui a été adressé en 2012 au Département de la défense. Ce dernier a cherché des solutions en collaboration avec le Secrétariat d'Etat aux migrations et les cantons concernés. Résultat: une douzaine de cantonnements ont été utilisés pour des périodes allant de six mois à trois ans. On peut citer parmi eux les ceux de Châtillon, sur la commune de Hauterive (FR), celui des Pradières, dans le Val-de-Ruz (NE), et la caserne des Rochats près de Provence (VD ) .