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Сентябрь
2015

L'exode des sièges sociaux, un mal français

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ECONOMIE - Les exigences de la concurrence mondiale et de l'explosion du poids du numérique poussent les géants de l'industrie mondiale, à commencer par nos joyaux industriels français, à fusionner. Les grands groupes gagnent ainsi en puissance de feu et en capacité à mobiliser d'importants financements pour investir et continuer à développer l'économie mondiale.

Ce phénomène naturel dans la vie économique mondiale de fusions-acquisitions est considéré notamment dans les économies anglo-saxonnes et les économies émergentes comme un flot ininterrompu d'opportunités à saisir pour croître et gagner des parts de marché.

Pourtant en France, chaque annonce d'un tel événement concernant un fleuron industriel français suscite l'inquiétude, voire la polémique. La raison est qu'une part très importante de ces fusions-acquisitions s'accompagne de délocalisations d'activité ou de l'établissement du siège social du nouveau groupe en dehors des frontières de l'Hexagone.

La fusion d'Acatel-Lucent avec le finlandais Nokia fait naître les mêmes interrogations. Ces dernières sont bien légitimes. L'histoire récente des fusions acquisitions d'entreprises françaises et étrangères le montre.

En effet, lorsque Lafarge fusionne avec le suisse Holcim, il est décidé que le siège social de ce nouvel ensemble se trouvera en Suisse. Le mariage Solvay-Rhodia est suivi d'une installation du groupe en Belgique. Plus emblématique, lorsqu'en 2002 le français Usinor fusionne avec l'espagnol Aceralia et le luxembourgeois Arbed pour former le groupe Arcelor, le nouveau siège social est installé au Luxembourg, de même que celui d'ArcelorMittal après la fusion entre Mittal Steel et Arcelor en 2006.

En plus de ces éléments, un certain nombre de grands groupes dont, pourtant, le siège opérationnel se situent en France, ont installé leur siège social à l'étranger. Ainsi, le siège social d'Airbus Group est au Pays-Bas et le groupe Renault-Nissan BV est une société de droit néerlandais

Peut-être pire encore, ces fusions de grands groupes, très médiatiques, installant leurs nouveaux sièges sociaux à l'étranger, ne font que refléter le départ massif des PME beaucoup plus difficile à quantifier car plus discret. De même, de nombreuses entreprises du CAC 40 transfèrent sans bruit et sans polémique leurs centres stratégiques à Londres et leurs activités dans des filiales à l'étranger. Il s'agit parfois de questions de survie pour les entreprises et cette discrétion ne doit pas nous faire oublier que chaque départ est une défaite pour notre économie. Perdre un centre de décision, c'est perdre toutes les activités à haute valeur ajoutée qui y sont liées et toute la force d'entrainement dont profite le reste de l'environnement économique.

Une observation attentive de la situation montre qu'à l'exil des jeunes cerveaux et des fortunes s'ajoutent le départ de nos fleurons industriels. Ces départs sont synonymes de pertes en emplois à haute valeur ajoutée, en attractivité générale de l'économie française ou bien sûr en recettes fiscales utiles pour le financement de notre service public. C'est une hémorragie dramatique dont les conséquences ne sont pas encore chiffrées. Mais la fondation Concorde estimait en mars 2013 que cette tripe débandade, cette fuite des capitaux humains, financiers et productifs, coûte à la France au moins 1 million d'emplois. Voilà de quoi inverser la courbe du chômage et compenser une partie des déficits publics !

C'est pourquoi l'Assemblée nationale a adopté le 8 avril une résolution créant une commission d'enquête sur l'exil des forces vives de France. L'objectif de ces travaux consiste à chiffrer l'importance de l'expatriation des entreprises et des contribuables, et en analyser les conséquences.

Il est vital de tout faire pour faire cesser cette hémorragie. Pour cela, il est nécessaire d'identifier sans tabou les causes qui l'ont engendrée et les réponses à y apporter.

C'est ce qu'a courageusement fait la Chambre de Commerce et d'Industrie Paris Ile-de-France en octobre 2014 en notant que, si "le rapprochement des marchés clients est souvent avancé comme l'argument-clé", les véritables motivations de ces départs semblent plutôt être "la complexité et l'instabilité réglementaire qui génèrent trop d'incertitudes aux yeux des dirigeants".

Mais on peut y ajouter une atmosphère nauséabonde en France, "la diabolisation des patrons et l'environnement défavorable aux affaires", une fiscalité des entreprises parfois jugée confiscatoire. On peut en effet avancer aussi la pression fiscale pesante en France qui logiquement s'accompagne de délocalisations fiscales. Pas moins que la compétitivité prix ou hors prix, la fiscalité est un élément de la compétitive mondialisée qui se déroule sous nos yeux.

On peut citer un coût du travail trop élevé par rapport à celui de nos voisins européens ou encore la lourdeur du droit social. Sur ce dernier point, rappelons que notre Code du travail fait toujours 3500 pages lorsque le Code du travail suisse n'en fait que 100. Les travailleurs suisses ne sont pourtant pas moins efficacement protégés des abus. Certes, le code du travail français est deux fois moins épais que le recueil des normes comptables internationales IFRS, mais ces normes internationales s'appliquent de la même façon pour toutes les entreprises internationales, elles ne constituent donc pas un élément particulier à la France et donc un désavantage comparatif particulier à la France ce qui est le cas pour le code du travail.

Il est donc nécessaire de réformer en profondeur le cadre dans lequel évoluent nos entreprises. Un choc de simplification massif, concernant les lourdeurs administratives et les contraintes du droit du travail doit être engagé. Une baisse massive de charges doit être décidée pour enfin permettre une véritable convergence fiscale européenne et la reconstitution des marges des entreprises. Ce courage en matière économique sera récompensé à juste proportion de l'effort par une amélioration de notre attractivité et par une baisse du chômage.


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