Les vraies causes de la domination des "grandes" langues
A votre avis, si l’on parle aujourd’hui anglais en Australie, est-ce parce que :
- Les Aborigènes sont tombés en pâmoison devant la liste des verbes irréguliers des British ?
- Ils ont été vaincus par les colons ?
Bon, je ne ramasserais pas les copies mais, bien évidemment, seule la seconde réponse vous rapportera des points. Et vous l’aurez compris : la même règle vaut pour l’espagnol en Amérique du Sud, l’arabe au Maghreb, le portugais au Brésil – liste non exhaustive.
La conclusion s’impose : si ces différents idiomes sont devenus de grandes langues mondiales, leur domination ne doit rien à leurs supposées "qualités" intrinsèques, mais tout à la puissance militaire de leur pays d’origine. "La différence entre une langue et un dialecte, c’est que la langue a une armée", selon la formule géniale du linguiste Max Weinreich.
Cette règle vaut bien entendu pour notre pays. Ceux d’entre vous qui ne bavardent pas au fond de la classe sont donc censés pouvoir répondre sans difficultés à cette nouvelle question :
Si l’on parle aujourd’hui français à Bordeaux, à Strasbourg et à Pointe-à-Pitre, est-ce parce que :
- Le français est une langue plus claire que les autres ?
- Il était la langue de Paris, la ville du pouvoir ?
Là encore, la réponse 2 s’impose car, contrairement à ce qu’a l’on a voulu faire croire, le gascon, l’alsacien, le créole guadeloupéen et les autres sont capables de tout exprimer, que ce soit la colère, l’amour, ou les pensées les plus poétiques (Frédéric Mistral a reçu le prix Nobel de littérature pour une œuvre en provençal). Ce qui les handicape, c’est d’avoir été exclus de l’école, des administrations, des entreprises, des médias de masse ; c’est tout.
Vous remarquerez d’ailleurs que ce sont toujours les puissants qui qualifient leur idiome de "langue" et celles des autres de "dialectes" ou de "patois". Et que les locuteurs supposés de ces prétendus "dialectes" et "patois" sont généralement des pauvres, des vieux, des Noirs ou des paysans. Tant il est vrai que, derrière la hiérarchie des langues, se cache aussi une hiérarchie des personnes.
