Accord franco-algérien : quel avenir pour le texte de 1968 après le vote de l’Assemblée ?
C’est un vote "historique". Pour la première fois, l’Assemblée nationale a adopté, à une voix près, un texte du RN, coupant définitivement le "cordon sanitaire" supposé tenir l’extrême droite à l’écart. Le jeudi 30 octobre, 185 députés, dont des élus Horizons et LR, se sont prononcés en faveur de la proposition de résolution du Rassemblement national visant à "dénoncer" l’accord franco-algérien de 1968, qui crée un régime d’immigration favorable pour les Algériens. Triomphante, Marine Le Pen a proclamé une "immense victoire" pour son parti "et pour tous les Français".
C’est une immense victoire pour nous et pour tous les Français, notre proposition de résolution visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968 vient d’être adoptée !
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) October 30, 2025
C’est un premier pas vers l’abrogation de cette convention qui est contraire aux intérêts de notre pays,… pic.twitter.com/0uOO4YIQfl
Sur France 2, le président du RN Jordan Bardella a rapidement demandé à Emmanuel Macron de "prendre acte" du vote des députés, "et de rompre ces facilitations qu’ont les ressortissants algériens". Sans grande surprise, Bruno Retailleau, qui s’était écharpé plus d’une fois avec Alger lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, fait lui aussi pression sur le chef de l’Etat. "Le président de la République, qui a choisi de s’en remettre à la démocratie parlementaire pour sortir de la crise politique, ne peut ignorer ce vote", a commenté le patron des Républicains dans un communiqué, invitant le locataire de l’Elysée à faire preuve de "fermeté" avec l’Algérie.
Alors en déplacement à Carentan, dans la Manche, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a également pris la parole dans les heures qui ont suivi le vote, estimant qu’il fallait "renégocier" cet accord qui "appartient à une autre époque". Et l’Eurois d’ajouter : "La politique étrangère de la France n’est pas faite par des résolutions au Parlement. Ce qui n’empêche pas de respecter le vote de ce matin".
Un texte non contraignant
Car le président de la République pourrait tout à fait fermer les yeux sur ce texte, le Rassemblement national n’ayant pas fait adopter une loi, mais une résolution. Subtilité qui a toute son importance. Le site Internet de la Chambre basse définit une résolution comme "un acte par lequel l’Assemblée émet un avis sur une question déterminée". Aussi, contrairement à ce qu’affirme sur X le président du groupe UDR, Éric Ciotti, l’Assemblée nationale n’a pas voté "l’abrogation des accords franco-algériens de 1968", elle a seulement signalé qu’elle y était favorable. Pour une telle abrogation, la décision reviendrait à Emmanuel Macron, dont la diplomatie est le domaine réservé. Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a de fait rappelé hier que "ce texte n’apportera rien de plus en termes de pouvoir coercitif".
Et l’exécutif ne semble pas prêt à prendre le chemin de l’abrogation. Après le vote de la résolution, Laurent Panifous s’est exprimé dans l’hémicycle. A la tribune, le ministre des Relations avec le Parlement a assuré que Paris entendait "privilégier la voie de la renégociation dans le cadre d’un dialogue exigeant" avec Alger, assurant que le gouvernement n’aurait "rien à gagner à une aggravation de la crise" qui dure déjà depuis plusieurs mois.
Une position partagée dans les rangs macronistes. Le député Charles Rodwell, qui accable pourtant l’accord de 1968 dans un récent rapport, avait annoncé qu’il s’opposerait à la résolution du Rassemblement national. L’élu note en effet que si le RN exige l’abrogation de l’accord franco-algérien, le parti n’a prévu aucun cadre juridique alternatif. Une telle situation occasionnerait un retour au texte précédent, c’est-à-dire aux accords d’Evian de 1962 qui, selon le député, risquerait de "provoquer un déferlement migratoire" dans l’Hexagone.
A gauche de l’hémicycle, la résolution a été la cible de nombreuses critiques. Ce vendredi matin, au micro de BFMTV, le socialiste Olivier Faure a exhorté le gouvernement à ne "pas changer" cet accord qui a selon lui "encore du sens".
