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Figaro. Récit d’une Solitaire du Figaro à la saveur bien particulière pour Thomas Dinechin

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Thomas Dinechin nous livre le récit complet de sa 2e participation à la Solitaire du Figaro marqué par son démâtage. Le skipper d’Almond For Pure Ocean aura marqué les esprits, par sa régularité sportive et ses très belles places lors des 1re et 2e étapes, avant d’être brusquement stoppé dans son élan par le démâtage de son bateau survenu au 3e jour de la 3e et dernière manche. Un coup dur pour le skipper qui était en bonne passe d’atteindre le Top 10 au classement général. Le regard déjà tourné vers l’avenir, Thomas envisage avec envie la prochaine saison : « J’ai prouvé que je pouvais faire de belles choses. Je n’en ai pas fini avec cette course. Je vais revenir ! »

Première étape : dans le match, serein et un top 10 à la clé !

« Je suis arrivé sur la Solitaire du Figaro avec beaucoup d’envie et moins d’appréhension que l’année dernière. Sur le village de départ à Rouen, où nous avons passé un peu plus d’une semaine, j’ai réussi à bien canaliser mon énergie. J’avais organisé la logistique en mutualisant avec un de mes concurrents, Paul Morvan, et ça s’est très bien passé, c’était fluide. Ce sera le début d’un enchaînement de plusieurs points d’amélioration et de réussite sur la course !

Dès le départ de la première étape, je ressors du parcours côtier en 5 ou 6e position sur 34 bateaux. Nette amélioration par rapport à 2024, où je prenais souvent des mauvais départs. J’avais bien travaillé dessus cette saison, techniquement et mentalement. Je commence donc l’étape soulagé, détendu à bord, je ne me pose pas mille questions, je déroule ! Ça s’enchaîne bien : on traverse la baie de Seine, on arrive à Barfleur, je suis en 3e position derrière Charlotte (Yven – Skipper Macif). On avait fait un bon break avec le reste de la flotte. Toujours avec une bonne vitesse, j’attaque la première traversée de la Manche (il y en a eu 4 sur cette première étape !). Assez vite, au bout de deux jours de course, je réalise que je suis vraiment dans le match. Il y a beaucoup de positif et de bien-être qui se met en place et dont je profiterai pour la suite.

Après la 2e traversée depuis l’Angleterre et à l’approche du champ éolien de Fécamp, Charlotte et moi nous retrouvons empétolés. On perd notre avance et même la tête de flotte, tout s’effondre un peu à ce moment-là mais finalement, et heureusement pour nous, toutes les cartes sont rebattues à la bouée de Daffodils quelques milles plus loin. La flotte se regroupe et tous les concurrents repartent alors à armes égales. On se redirige vers Barfleur avec un long bord de portant qui se passe très bien. Je fais des bons coups. Une nouvelle fois, on traverse la Manche, avec beaucoup de vent, je me sens hyper à l’aise, je regagne des places au classement. Je suis satisfait de voir que j’ai progressé dans les manoeuvres, la manipulation du bateau. On longe ensuite la côte anglaise dans des conditions assez musclées.

Vient alors le passage du banc de Shambles à Portland Bill, qui a été assez marquant. C’est un endroit dangereux avec des hauts fonds et des vagues qui déferlent. Il y avait 11 noeuds de courant, vent contre courant, avec 100 de coefficient de marée. En deux minutes, on s’est pris 12 déferlantes de 2,50 mètres qui sont venus se casser sur le pont. Je n’avais jamais fait ça. Je suis sorti les jambes tétanisées, en me disant que ça faisait longtemps que je ne m’étais pas fait aussi peur en bateau.

Enfin, je passe une super 4e nuit, le vent est fort, il fait froid, il faut vraiment être dessus. C’était dur mais j’avais, jusqu’ici, bien géré mon sommeil et mon rythme de vie à bord. J’arrive à tout donner sur la fin d’étape que je termine 8e, à 40 minutes d’Alexis Loison et à 20 minutes du podium en signant une vraiment super première manche ! J’atteins mon objectif de Top 10, en restant dans le match sur une étape très technique en Manche, avec beaucoup de manoeuvres et de vent. En somme, une première partie très corsée et très positive. »

Deuxième étape : bien en mer et toujours aux avant-postes !

« L’escale à Roscoff a été longue, mais je pense l’avoir bien gérée, avec beaucoup de repos. Il en fallait, car l’étape 2 s’annonçait musclée : beaucoup de vent, et un départ finalement décalé au lundi. J’arrive à ne pas trop stresser malgré les conditions annoncées : je reste dans la maîtrise. On a eu un début assez dantesque à l’Ile de Batz, avec 3,5 mètres de houle. Je ne prends pas un très bon départ, mais ce n’était pas ma priorité vu les conditions. Mon objectif principal était de sortir de cette zone sans encombre : j’avais opté pour la sécurité. Très vite, je me sens à nouveau bien, à l’aise dans les réglages, le bateau qui carbure. À la pointe Bretagne, je pointe à la 6 ou 7e position, je suis dans le match.

Puis vient la grande traversée du golfe de Gascogne où je perds pas mal de places suite à une option non payante. Je réussis à me raccrocher au wagon le lendemain, en deuxième rideau mais pas largué non plus ! Il y a ensuite un passage de dorsale assez aléatoire, avec peu de vent, ça passait à droite, à gauche… et là, je me sens à nouveau à l’aise dans le petit temps. J’arrive vraiment à me faufiler, à regagner beaucoup de places et à repartir avec le bon groupe ! Nous descendons le long des côtes espagnoles dans très peu de vent. Il y a une incertitude météo à l’approche de la Corogne et la direction de course décide de mettre une porte avec un pointage officiel en cas de neutralisation, que je passe en 6e position, avec un certain temps d’avance sur le reste de la flotte. L’organisation décide finalement de maintenir la course jusqu’à l’arrivée à Vigo. C’est un coup dur car les conditions sont vraiment très légères. On sait aussi que l’escale à Vigo sera très courte : il va falloir s’accrocher. La flotte se disperse sur plusieurs options le long de l’Espagne mais tout le monde finit par arriver de manière assez groupée. Je conserve ma 6e place au classement final — deux de mieux que sur la 1re étape — et vraiment pas loin de la tête de flotte. J’ai beaucoup de satisfaction à Vigo, d’autant que l’accueil est hyper sympa et festive, même au milieu de la nuit.

Cette deuxième étape a été mentalement très exigeante, car on est arrivé très fatigué, avec un nouveau départ qui se profilait seulement deux jours après ! Nous n’avons pas eu le temps de nous reposer vraiment ni de voir la couleur de la ville… C’est aussi cela, la magie de la Solitaire et d’une course en escales, de partager ce qu’on fait avec le public, de découvrir de nouveaux endroits, c’est dans l’ADN de la course. C’était assez frustrant car ces temps d’escales me plaisent beaucoup en général !

Je me suis efforcé de bien rester concentré sur ma course car je sentais que je tenais une bonne Solitaire du Figaro et qu’il fallait vraiment rester concentré sur l’étape 3. Je suis hyper satisfait de là où j’en suis et je fais une bonne opération au général avec un Top 10 très consolidé, du temps d’avance, un podium pas si loin que ça en temps… Tout reste à faire, d’autant plus que la fatigue se fait sentir, on se demande si tout le monde va tenir jusqu’à la fin. De mon côté, je me sens toujours très bien en mer, à ma place, motivé et heureux d’être là ! »

Troisième étape : le démâtage et la désillusion

« Après à peine 48 heures de repos, nous repartons de Vigo pour un superbe départ dans la baie. J’ai le couteau entre les dents et je suis accroché au paquet comme pas possible. La première nuit est assez dingue, on passe dans les cailloux, dans des zones très mal cartographiées le long de l’Espagne et il y a plusieurs talonnages, c’était un peu chaud ! Il y a une belle entraide à ce moment là, on a des appels à la VHF de concurrents qui préviennent que ça ne passe pas là où ils sont passés.

On passe la Corogne grâce à un long bord dans l’Est pour aller chercher un front. C’est encore une navigation avec beaucoup d’air et toujours pas mal de houle. Une deuxième journée hyper engagée, lors de laquelle j’arrive encore une fois à tenir de bonnes vitesses. Je fais le choix d’aller chercher le front le plus dans l’Est avant de repartir dans le Nord.

Je me sens hyper bien, on passe le plus dur et on attaque une deuxième nuit lors de laquelle on arrive enfin à se reposer un peu. Le vent se stabilise, la mer se calme, le temps devient beau. Je me lève, j’attaque une troisième journée et je commence à comprendre que mon option dans l’Est fonctionne. Je suis à coté de Tom Goron qui terminera 2e de l’étape, tous les voyants sont au vert. J’ai rechargé les batteries pour le finish des deux derniers jours et je commence à imaginer une très belle fin de Solitaire du Figaro. On a passé les trente noeuds de vent et les 3 mètres de houle, le bateau ne va pas se casser maintenant !

Et puis, en quelques secondes, tout s’arrête. Je démâte. Le choc, la rage, la désillusion, le sentiment d’injustice… Les émotions sont fortes et multiples. Tout ce que j’étais en train d’accomplir s’effondre. La suite on la connaît. Très vite, j’appelle à la VHF, le bateau suiveur me rejoint. Nous sécurisons le mât et le bateau. Il me prend en remorque pour me rapprocher des côtes et que je puisse rentrer au port de Lorient au moteur où un comité d’accueil génial m’attend. Dès le lendemain matin, nous sortions le bateau de l’eau avec mon préparateur Malo.

Je décide finalement d’aller à Saint-Vaast-La-Hougue accueillir mes concurrents. C’était important pour moi de clôturer l’histoire avec eux. »

« Je suis incroyablement touché par tous les messages de soutien que j’ai reçus de mes proches, des partenaires, des concurrents et de nombreuses personnes du milieu de la course au large qui ont remarqué que j’avais réalisé une belle course. Beaucoup ont eu des mots bienveillants. Ça fait vraiment chaud au coeur.

Le sponsoring est avant tout une histoire humaine, faite d’émotions. Dans ces moments durs, la seule manière pour moi de rebondir et de m’en sortir c’est d’aller de l’avant. Je ferai tout pour revenir car j’ai bien sûr un goût d’inachevé. Il aura fallu 19 participations à Alexis Loison pour finalement gagner la Solitaire cette année. Ça a été, pour tous, une belle preuve de persévérance et d’abnégation. Je n’en suis qu’à ma deuxième ! J’ai pris énormément de plaisir à naviguer malgré les conditions parfois très difficiles et j’ai très envie d’y retourner. Il faut travailler autour de cette épisode pour que cela devienne une force et revenir avec de l’envie. Il y a encore une belle histoire à écrire.

La suite ? D’abord nous allons mettre le bateau en chantier pour en prendre bien soin cet hiver. Je vais évidemment tout faire pour consolider le projet au mieux pour l’année prochaine, pour pouvoir revenir dans de bonnes conditions. Dans quelques semaines, je vais ramener un Class40 de la Martinique après la Transat Café l’Or, en double avec un bon copain. Ça sera parfait pour remettre le pied à l’étrier, ça va me remettre en confiance. Je repartirai ensuite en début d’année pour un bon tronçon d’entraînements en vue de la nouvelle saison Figaro et de la Solitaire 2026 ! »

« Un immense merci à mes partenaires Almond, Pure Ocean, Opagan Consulting, Autonomis, Transports Silou, Groupe Duclos, Atelier de L’épine et Bollé, pour leur engagement, aux organisateurs et la Direction de course de la Solitaire du Figaro Paprec pour leur professionnalisme, à la Classe Figaro et à Malo qui a su et qui continue à être aux petits soins pour le bateau.

À très bientôt !
Thomas »