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Сентябрь
2025

Sarkozy: petite histoire d’un grand acharnement

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Financement libyen introuvable. « C’est allé encore plus loin que ce que je pouvais imaginer. » Hier dans le Journal du Dimanche, le président Sarkozy a indiqué qu’il allait continuer de se battre pour faire reconnaitre son honnêteté après sa condamnation à cinq de prison jeudi dernier. Nous dépiautons ici en détail le jugement du tribunal qui révolte l’ancien président et ses soutiens…


Que l’on ait murmuré à l’oreille de Nicolas Sarkozy l’idée d’un financement de campagne par la Libye en échange de son intégration au concert des nations, peut-être ; qu’il n’ait rien voulu savoir mais qu’il n’ait pas particulièrement empêché, par une héroïque volonté d’Incorruptible, untel, untel et untel de voyager par-delà la Méditerranée pour jouer du réseau, peut-être ; que finalement pas vraiment de trace non seulement d’un financement illégal de campagne présidentielle, mais encore d’un pacte effectif de corruption n’ait été démontré dans la procédure, cela est certain en revanche.

Sévérité de Dracon 

Et donc, la justice, reprochant au politique, d’une part, d’avoir écouté des conseillers lui suggérer de mauvaises idées, d’autre part, de n’avoir positivement rien fait pour les empêcher d’agir, le condamne à cinq années d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé, le tout assorti de l’exécution provisoire : nous ignorions que la magistrature pouvait être d’une sévérité de Dracon !

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Étrange jugement dont j’ai pris connaissance (380 pages !), bien propre à caractériser l’acharnement judiciaire. Mais trêve de blabla : le mieux, c’est d’en citer les meilleurs extraits. Le tribunal, après avoir longuement, très longuement, détaillé les faits et la procédure (dont je recommande chaudement la lecture), en arrive à la décision. Sur « les infractions de détournement de fonds public, recel et blanchiment » ; je cite : « Il est reproché à Nicolas SARKOZY d’avoir depuis octobre 2005 sciemment recelé le produit d’un détournement de fonds publics commis par les autorités libyennes, en l’espèce des fonds destinés notamment à financer illégalement sa campagne électorale pour les élections à la présidence de la République française des 22 avril et 6 mai 2007 » ; et plus loin : « les faits de complicité de détournement de fonds publics ne pouvaient être retenus à l’encontre de Ziad TAKIEDDINE et Nicolas SARKOZY poursuivi pour recel de détournement de fonds publics sera relaxé. » Voilà qui est dit et jugé. Mais poursuivons : « Sur les délits de corruption passive, complicité, recel et blanchiment de ce délit, et de blanchiment de trafic d’influence » ; de nouveau, je cite : « En l’espèce, ce qui est reproché à Nicolas SARKOZY au terme de l’ordonnance de renvoi, est d’avoir, à l’occasion des fonctions qu’il occupait au moment des faits, accepté un soutien financier de la Libye, contre l’engagement de favoriser les intérêts de ce pays, une fois élu à d’autres fonctions. » Là encore, la relaxe est prononcée : « Or une action positive [l’exécution du pacte de corruption] en ce sens de Nicolas SARKOZY une fois élu à la présidence de la République ne ressort pas clairement de la procédure, et ce d’autant moins que, si tel était le cas, elle devrait être clairement distinguée des actions relevant de l’exercice normal de ses fonctions. Il en résulte que les éléments matériels de l’infraction reprochée ne sont pas constitués. Le tribunal entrera donc en voie de relaxe ». Je poursuis, toujours avec le jugement : « Sur le délit de financement illégal de campagne électorale et les complicités de ce délit ». Troisième charge contre le candidat Sarkozy : « Il est reproché à Nicolas SARKOZY en sa qualité de candidat à l’élection présidentielle d’avoir commis le délit de financement illégal de campagne prévu et réprimé à l’article L 113-1 du code électoral ». Question fondamentale ! — hélas pour l’accusation, aucune preuve ne peut être rapportée, en dépit des années d’enquête (!) : « Ne peuvent être retenus ni un recueil de fonds antérieur au 1er mai 2006, ni une acceptation de dons d’un Etat étranger, ni un dépassement du plafond ou une minoration des recettes ou des dépenses. Nicolas SARKOZY sera donc relaxé de ce délit. »

Association de malfaiteurs

Résumons : à ce stade, rien, dans la procédure, rien, n’a permis de condamner Nicolas Sarkozy ; l’ex-candidat à la présidentielle a été relaxé des faits de détournement de fonds public avec recel et blanchiment, de corruption passive et trafic d’influence, et de financement illégal de campagne électorale. Et la magistrature de paniquer. Quoi donc ! l’homme qu’elle essaie d’abattre depuis tant d’années va-t-il lui glisser des mains aussi facilement ? Heureusement, l’État de droit est plein de ressources : à juge qui veut, la loi offre un pouvoir considérable. Et voici les éminents membres du prétoire, en gants blancs et robes de magiciens, sortir du chapeau ce fameux « délit d’association de malfaiteurs ». Miracle ! Sarkozy n’a rien fait mais aurait peut-être laissé faire : il n’en fallait pas plus à ces Messieurs du Siège. Admirez l’imprécision de la qualification : « il est donc reproché aux prévenus concernés d’avoir constitué un groupement formé ou une entente entre eux dans le but de préparer les délits suivants : 1° Des détournements de fonds publics commis par un agent public au préjudice de l’état libyen. 2° Les délits de corruption active et passive d’agent public. 3° Et le blanchiment de ces délits. »

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On notera tout de même que le Tribunal, décidément bien en peine, doit (encore !) relaxer partiellement Nicolas Sarkozy dudit délit ; et voici la condamnation finale, la seule infraction, enfin ! que nos bons juges ont pu saisir, et sur laquelle ils ont tiré, tiré, tiré de toutes leurs forces : « [Nicolas Sarkozy] sera donc déclaré coupable, pour avoir entre 2005 et le 15 mai 2007, à Paris, sur le territoire national, et de manière indivisible aux Bahamas, au Panama, en Suisse, en Libye et au Liban, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation du délit de corruption active et passive d’agent public, en ayant, alors qu’il était Ministre, Président de l’UMP et candidat à l’élection présidentielle, mais agissant ainsi en dehors de ses fonctions, laissé ses plus proches collaborateurs et soutiens politiques sur lesquels il avait autorité et qui agissaient en son nom, à savoir Claude GUEANT (directeur de cabinet, directeur de campagne) et Brice HORTEFEUX (membre du bureau politique et secrétaire général de l’UMP), et des intermédiaires officieux, tels que Ziad TAKIEDDINE, 1° agir afin d’obtenir ou tenter d’obtenir des soutiens financiers en vue du financement de sa campagne électorale, 2° se rencontrer de manière confidentielle en France, en Libye, dans des lieux privés et officiels (ministère de l’intérieur, domicile de Ziad TAKIEDDINE, domicile d’ Abdellah SENOUSSI, hôtels), 3° rencontrer des collaborateurs officiels de Mouammar KADHAFI tels que Abdallah SENOUSSI, à l’occasion de voyages officiels mais de manière confidentielle et hors la présence des autorités officielles françaises, 4° organiser des transferts de fonds publics de la Libye vers la France, par virements via des comptes off-shore et en espèces, 5° et envisager des contreparties diplomatiques (le retour de la Libye sur la scène internationale, l’invitation de Mouammar KHADAFI en France), économiques (engagement sur le nucléaire civil), et juridiques (promesse de levée du mandat d’arrêt d’Abdallah SENOUSSI) ».

Trouble à l’ordre public

Pardon, c’est un peu long, mais il faut bien comprendre ce jugement : Nicolas Sarkozy, après avoir été relaxé des délits de corruption et de financement illégal de sa campagne présidentielle, est condamné à cinq années de prison pour avoir simplement « participé à un groupement formé en vue de la préparation » du délit de corruption (notez les précautions de langage !), en ayant « laissé des collaborateurs agir » afin « d’obtenir ou tenter d’obtenir des soutiens financiers en vue du financement de sa campagne électorale » (nouvelles précautions !), et ce alors même, rappelons-le… qu’il a été relaxé du délit de financement illégal de campagne électorale. Mais avec tant de conditionnels, on eût condamné tous les présidents de la Cinquième, De Gaulle compris ; ainsi les juges tiennent-ils le levier de la guillotine : ils font et défont la politique, désormais. Et puis, enfin, si seulement la délinquance, la criminalité ordinaires étaient sanctionnées aussi sévèrement ! Et la magistrature en rage de mordre le politique jusqu’au sang, prononçant l’exécution provisoire « pour garantir l’effectivité de la peine au regard de l’importance du trouble à l’ordre public causé par l’infraction », ainsi que le mandat de dépôt, compte tenu de « l’exceptionnelle gravité des faits et le quantum prononcé ». Seule mansuétude, comme un sursaut de pitié au milieu de toutes ces cruautés : « Étant observé que M. SARKOZY ne s’est jamais dérobé à la moindre convocation et a été présent à l’audience sauf dispense accordée par le tribunal, il sera tenu compte de la nécessité pour lui d’organiser sa vie professionnelle pour prononcer ce titre sous la forme d’un mandat de dépôt à effet différé. » Les juges attendaient-ils un « merci » ?…

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Quelques règles de droit, pour finir : « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie » (article préliminaire du Code de procédure pénale).
Ainsi, la Cour de cassation a rappelé dans nombre de décisions que l’exécution provisoire en matière pénale doit rester « exceptionnelle », et que sa première raison d’être doit consister notamment en la prévention de la récidive : le tribunal voudra bien nous expliquer dans quelle mesure Nicolas Sarkozy risquait-il, en l’espèce, de récidiver ?…
N’osons y sentir l’once d’un pur sadisme, de délectation de le voir menotté, avant une possible infirmation par la Cour d’appel ! S’il fallait une preuve de plus d’un manque indécent d’impartialité dans la magistrature…

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