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Une nuit au Pantry, station service chic où se croise le tout Johannesburg

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Ouvert 24 heures sur 24, c'est le havre des fêtards qui veulent se caler l'estomac et dessoûler à la sortie des bars et boîtes de nuit, qui ferment à deux ou cinq heures. "On voit toutes sortes de choses improbables", soupire une caissière.

La soirée commence en douceur. Ce vendredi vers 18 heures, beaucoup de familles, blanches, noires, ou d'origine asiatique, affluent vers le comptoir des glaces italiennes ou près du four à pizzas. Les Sud-Africains dinent tôt.

Akani, 18 mois, en pyjama motif dinosaures et bottes de pluie clignotantes, ne sait plus où donner de la tête. "Il adore l'animation et la diversité des gens ici", dit son papa, Tony, 33 ans.

Trois jeunes hommes queer, dont l'un en perruque rose et sandales argentées à talons, partagent des cafés et une modeste barquette de frites.

"C'est pratique ici, toujours ouvert", commente Thembiso, étudiant de 19 ans en collier de perles, avant une série de selfies dans le parking, entre effluves d'essence et gaz d'échappement.

A l'intérieur, des bouquets de fleurs sont en vente pour l'équivalent de 15 euros, une petite fortune, mais aussi des vins pétillants, des chocolats. Et des produits de base, station service oblige: cigarettes, préservatifs ou boissons fraîches, au même tarif qu'ailleurs.

Dans ce ballet incessant, comme un hall de gare aux visages infinis, la clientèle du dîner cède lentement la place à des élégantes aux faux cils, en robes dentelle transparentes et cuissardes, pantalons moulants en latex et débardeurs nombril à l'air, qui passent une tête avant de sortir, arpentant les rayons.

A l'extérieur, plus sages en chemisettes et pantalons en toile, des jeunes gens jouent aux cartes sur le capot de leur voiture de sport, tout près des pompes. Musulmans, ils évitent les lieux de nuit qui servent de l'alcool, décrypte un agent de sécurité qui connaît ces habitués.
"C'est Joburg!"
Des hôpitaux à proximité déversent leur personnel au Pantry (garde-manger en français). "Là, j'ai une garde de 24 heures", raconte à l'AFP Jonathan Russell, 28 ans. "Les lieux qui vendent du café toute la nuit sont bienvenus", sourit l'infirmier baraqué, venu "faire une pause".

Passé minuit, les noceurs sont de retour. "Si on sort boire, le Pantry est toujours sur le trajet retour", glisse Lerato, banquier de 26 ans qui ne tient pas à donner son nom de famille.

Les hauts parleurs sont passés d'une pop américaine bon teint aux basses insistantes de l'amapiano, bande-son enfiévrée du pays. Une jeune femme pompette lève les bras au plafond et hoche la tête en rythme. Ici aussi, on danse.

Deux copines arrivent titubant. Yanga, en combinaison short de lin, commande une pizza. "On a enchaîné les cocktails", confie l'informaticienne de 34 ans. "Il me faut quelque chose de chaud et qui cale", soupire Naki, architecte de 30 ans.

Les selfies se font plus tremblants et incertains. Dans la queue, un grand jeune homme fait la cour à une nymphette en bustier, qui relève nerveusement le tissu de chaque côté de sa poitrine en répondant a minima à ses questions.

Soudain, deux SUV se garent. Cinq molosses, calant leurs revolvers dans la ceinture de leur pantalon, montent la garde. L'un d'entre eux, jambes écartées, un fusil d'assaut lové dans les bras, laisse passer une femme chic aux longues tresses, en claquettes Gucci et robe d'été flottante.

"Les célébrités passent toutes ici, après leurs concerts ou soirées", commente Alfred Mathibe, agent de sécurité de 43 ans. Mais celle-ci n'est pas une star. "Juste une femme riche", glisse-t-il.

"Cela arrive souvent" de voir des armes sur le parking, dédramatise-t-il. "C'est Joburg!"

Peu après quatre heures, le rayon viennoiseries est approvisionné. Place au jour bientôt, et à une clientèle rasée de frais. La ville s'éveille.