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Karim Leklou, le doux ogre récompensé aux César

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A 42 ans, il est couronné du César du meilleur acteur pour le personnage d'Aymeric, cet homme doux qui exerce instinctivement sa paternité en dehors des liens du sang. Jusqu'à ce que l'intrusion du père biologique ne le sépare violemment d'avec l'enfant.

"Quand on l'a rencontré" pour le casting, racontent les frères Jean-Marie et Arnaud Larrieu, réalisateurs du film, "au bout de dix minutes, on s'est regardé. On avait trouvé notre Aymeric. Il en possédait naturellement toute la charge émotionnelle et la bonté".
"La force d'un Jean Gabin"
Repéré en 2009 grâce à "Un prophète", il doit beaucoup à ce petit rôle offert par Jacques Audiard. "Il m'a ouvert sur l'idée que c'était un métier magnifique et que j'avais envie de continuer à travailler dans cet univers", confiait-il en novembre à "OFF Magazine".

Il confirme dans la peau d'un jeune lascar avec le moyen métrage "Marseille la Nuit" (2012), de Marie Monge, vrai déclic pour la suite de son parcours.

Il enchaîne dès lors les tournages, avec une préférence pour le cinéma d'auteur, jusqu'à décrocher son premier grand rôle dans "Coup de chaud" (2015) puis sa première nomination aux César, catégorie meilleur espoir, pour la comédie d'action "Le Monde est à toi" (2018), de Romain Gavras.

Solide carcasse et mains immenses, visage toujours un peu poupin et regard attendrissant... "Karim a la force d'un Jean Gabin", estime Clément Cogitore, qui l'a dirigé dans "Goutte d'or" (2019). "Il peut dégager une violence ou une grande douceur, mais il y a toujours une humanité profonde au fond de ses yeux. Il crée une empathie immédiate avec le spectateur".

Comme avec son personnage d'Arben, le médecin franco-albanais de la série nerveuse "Hippocrate" sur Canal+, dont il est l'un des piliers depuis 2018.

"C'est un acteur physique, très malléable", ajoute Raphaël Jacoulot, réalisateur de "Coup de chaud". Il s'impose un régime draconien et déleste son corps d'une vingtaine de kilos pour son rôle de flic sous pression, dans "BAC Nord" (2020) de Cédric Jimenez, qui lui vaut d'être à nouveau nommé aux César, dans un second rôle.

Né le 20 juin 1982 à Sèvres (Hauts-de-Seine), fils unique d'un magasinier venu d'Algérie et d'une mère bretonne réceptionniste, il grandit en HLM en banlieue de Versailles.

Ses parents divorcent quand il a 7 ans, il vit alors avec son père. Plutôt taiseux tous les deux, ils communiquent à travers leurs passions communes du foot... et du cinéma.
"J'ai de la chance"
Ils passent leur temps, lui après l'école, son père après le travail, à regarder des cassettes VHS. "On regardait tout. Des westerns, des comédies, des films d'action...", se rappelle-t-il en évoquant souvent son père, aujourd'hui disparu, comme "un homme extraordinaire au parcours hors norme". "Prolétaire certainement. Mais assoiffé de culture".

Il a son premier choc, à 10 ans, en visionnant le film de Spike Lee "Do the Right Thing": "je n'avais jamais vu quelqu'un parler des quartiers populaires, dont je suis issu, comme lui".

Le bac en poche, il fait un BTS force de vente puis aligne les petits boulots, passant d'une mission d'intérim à une autre, chez France Télécom, dans l'hôtellerie et le télémarketing...

Le soir, il s'évade en suivant une formation au cours Florent. "Au début, je ne me sentais pas légitime. Puis quelque chose s'est débloqué: j'ai compris que je ne devais pas être dans la séduction, mais dans le viscéral".

Aujourd'hui père d'un petit garçon, Karim Leklou, qui a connu une année 2024 riche --"L'Amour ouf", "Le Roman de Jim" et la troisième saison d'"Hippocrate"-- affiche la même modestie qu'à ses débuts.

Il a dédié son César "à tous les gentils, à tous les gars qui d'habitude ne doivent pas soulever un César".