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Jacques Audiard, le grand mélange des genres au cinéma

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Cette comédie musicale sur un narcotrafiquant qui a fait sa transition de genre a connu ces dernières semaines un chemin de croix, entre des polémiques au Mexique sur l'image que donne le film du narcotrafic et anciens messages haineux de son actrice principale, Karla Sofia Gascon, exhumés sur les réseaux sociaux.

Ces polémiques compromettent largement les chances du film aux Oscars de l'autre côté de l'Atlantique, où il a pourtant décroché un record pour un film non anglophone de 13 nominations.

Avant "Emilia Perez", Audiard cumulait déjà en France les récompenses, avec dix César pour ses précédents films.

"Dheepan" lui avait aussi permis de remporter la Palme d'Or en 2015, avec une histoire originale d'un gardien d'immeuble de banlieue parisienne qui réveille le combattant des Tigres tamouls qui sommeillait en lui.

Audiard a la recette des acteurs/actrices à contre-emploi, comme Marion Cotillard, dresseuse de cétacé amputée par son protégé dans "De rouille et d'os". Le réalisateur a aussi le don de transcender des acteurs: Tahar Rahim crève l'écran dans "Un prophète" (2009).

Avec "Emilia Perez", il a confié deux rôles en un, celui d'un baron de la drogue mexicain qui devient femme, à l'actrice Karla Sofía Gascón, qui a changé de sexe il y six ans dans la vraie vie.

Dans ce film qui joue aussi avec les codes de la comédie musicale, Zoé Saldaña, vue dans "Avatar", trouve le rôle le plus riche de sa carrière en avocate qui facilite la transition du personnage central.

Né dans la marmite du cinéma, le fils de Michel Audiard, grand dialoguiste français, a toutefois attendu l'âge de 42 ans pour réaliser son premier film, en 1994.
"Détour"
"Vu la famille d'où je viens, le cinéma avait quelque chose de trop immédiatement accessible pour le jeune homme que j'étais. Il a donc fallu que j'emprunte une sorte de détour pour y revenir", expliquait-il un jour.

Depuis, le réalisateur, indissociable de ses lunettes noires et chapeau à bords étroits, construit patiemment une œuvre forte, qui n'a de cesse d'exploiter de nouvelles frontières.

Celui qui se sent "très cinéaste français" -- "Sur mes lèvres" est un hommage aux polars français des années 1970/80 - regarde aussi souvent du côté du cinéma américain, comme on l'a vu avec "Les Frères Sisters", western crépusculaire avec Joaquin Phoenix et John C. Reilly.

Son univers est sombre, mais la lumière est toujours là pour guider ces personnages: le petit délinquant d'"Un prophète", l'employée sourde et solitaire de "Sur mes lèvres" et l'avocate d'"Emilia Perez" parviennent à s'offrir une nouvelle vie.

Né le 30 avril 1952 à Paris, il se destine d'abord à l'enseignement. Mais le 7e art le rattrape. Il débute comme monteur et s'essaie à l'écriture de scénarios. Un travail qui n'est pas suffisamment reconnu en France à ses yeux. Ce métier "existe à peine, on peut même parler d'une espèce d'inexistence. Et c'est celle que j'ai menée pendant dix ans", confie-t-il.
Concurrence écœurée
Il coécrit avec son père le scénario de "Mortelle randonnée" (1983) de Claude Miller et travaille sur une dizaine de films avant d'aborder la réalisation.

"Regarde les hommes tomber" (1994), sorte de road-movie avec un trio d'acteurs haut de gamme - Jean-Louis Trintignant, Mathieu Kassovitz, Jean Yanne - lui vaut le César de la meilleure première œuvre. Il enchaîne avec "Un héros très discret" (1996) et "Sur mes lèvres", cinq ans plus tard, qui rafle trois César en 2002, dont celui du meilleur scénario (coécrit avec Tonino Benacquista).

Cinéphile passionné - "une espèce dont la disparition a été signalée dans les années 1980" - ses références sont aussi littéraires et musicales. "On lisait beaucoup à la maison". Après "De battre mon cœur s'est arrêté" (2005), remake d'un film noir américain de 1978, il écœure la concurrence avec "Un prophète", superbe film d'apprentissage, Grand prix du jury à Cannes en 2009, nominé aux Oscars, qui récolte neuf César.

"De rouille et d'os", trois ans plus tard, confirme sa fascination pour la violence: "J'ai un problème. Je l'ai en horreur et pourtant j'y reviens". "Emilia Perez" ne fait pas exception, même si le sujet central du film n'est pas là.