Conseil constitutionnel: Ferrand sur le gril, la droite fait monter la température
"Le Conseil constitutionnel doit juger à nouveau en droit et non pas être le bras armé juridique d'une idéologie de gauche (...) Ce qu'il serait sans nul doute demain si Richard Ferrand était nommé", a lancé mardi dans l'hémicycle Ian Boucard (député Droite républicaine). Une lourde charge qui augure des heures d'auditions compliquées pour l'ancien président de l'Assemblée.
Les règles du jeu sont clémentes: il faudrait que trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les commissions des Lois de l'Assemblée et du Sénat s'opposent à sa nomination pour y faire obstacle. Le scrutin, à bulletin secret, ce qui favorise les émancipations, s'annonce pourtant très indécis.
En raison de l'incertitude sur le vote des sénateurs LR, et parce que chaque abstention ferait baisser la barre fatidique: si les 122 parlementaires s'exprimaient, il faudrait 74 voix pour empêcher la nomination.
L'ancien député socialiste puis macroniste (2012-2022), qui a aidé Emmanuel Macron à entrer à l'Elysée, retrouvera d'abord son ancienne chambre, à 8H30. La fragile alliance macronie-LR n'aura aucun poids: les députés du groupe de Laurent Wauquiez ont annoncé qu'ils voteraient contre. "Ils ne voteront pas contre Ferrand mais Macron", s'agace un cadre macroniste.
Un ténor socialiste voit dans l'opposition des députés LR un effet de la "bataille interne des LR". "Wauquiez veut à tout prix envoyer une claque à Macron, et subsidiairement au gouvernement en disant +vous voyez, nous on est les vrais opposants alors que Retailleau s'accommode de Ferrand+", analyse-t-il.
Richard Ferrand devrait pouvoir compter sur l'essentiel de l'ex-majorité (EPR-MoDem-Horizons). Mais il verra la gauche voter massivement contre lui, comme au Sénat.
Elle lui reproche sa proximité avec le chef de l'Etat, une compétence juridique jugée trop faible (un argument également avancé par des juristes), ou sa mise en examen pour "prise illégale d'intérêts" dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne, malgré un non-lieu pour prescription.
"Macroniste de la première heure, secrétaire général d'En Marche, ministre, président du groupe LREM, plus redevable que juriste, son profil interroge", a énuméré mardi aux questions au gouvernement l'écologiste Jérémie Iordanoff.
Balle au Sénat ?
En 2027, "il faudra qu'on ait un Conseil constitutionnel irréprochable. En termes d'indépendance, d'expertise. Là on prête un petit peu le flanc", soupire un ministre. Une ministre macroniste parie elle sur les auditions: "je pense qu'il peut convaincre plein de gens".
Quant au RN, dont les voix pourraient être décisives, il ne dévoile pas son jeu. Si Marine Le Pen a dénoncé la "dérive" des nominations de politiques au Conseil constitutionnel, le groupe assure que le vote dépendra des auditions.
Le Conseil constitutionnel est-il un législateur ? Doit-il être un constituant ? Son président doit-il prendre des positions politiques en public ? Autant de questions auxquelles les députés RN espèrent voir Richard Ferrand répondre par la négative.
Seule chose certaine: tous les commissaires RN voteront de la même manière.
C'est peut-être au Sénat que Richard Ferrand jouera sa nomination, à 11H00. Les cadres macronistes espèrent que l'influent président du Sénat Gérard Larcher (LR) aura sécurisé des voix de droite, largement majoritaires.
"On ne m'a rien demandé", assurait une sénatrice LR mardi, jugeant que la majorité du groupe voit négativement la candidature Ferrand.
En attendant les résultats, potentiellement à l'heure du déjeuner, tout le monde y va de son calcul. Un cadre macroniste "pense que ça va passer". "Pronostic défavorable", jugeait mardi soir un sénateur LR.
Dans l'ombre de la candidature Ferrand deux parlementaires joueront aussi leur entrée au Conseil constitutionnel, mais uniquement devant leurs commissions respectives.
Philippe Bas, sénateur LR candidat de Gérard Larcher, passera très vraisemblablement l'obstacle, auréolé d'un CV copieux et d'une connaissance pointue de la Constitution.
Laurence Vichnievsky, députée MoDem, ex-juge d'instruction et candidate de Yaël Braun-Pivet, bénéficie d'une réputation de parlementaire compétente et indépendante, mais part avec moins de certitudes dans une commission plus éclatée politiquement.