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A Brest, la fac va former plus de dentistes pour faire face à la pénurie

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"Si je ne suis pas pris aujourd'hui, je pète une durite", lâche Antoine Touahri, 18 ans, adossé à la porte des urgences dentaires du CHU de Brest.

Atteint d'une inflammation des gencives, le jeune demandeur d'emploi aux yeux cernés a roulé pendant une heure et demie depuis le Cap Sizun pour rejoindre Brest avant l'ouverture du service. Au vu de l'affluence, on lui a demandé de repasser l'après-midi.

"J'ai eu un dentiste quand j'étais petit et il est mort. Dans mon coin, y a personne à part des vaches", raconte le jeune homme, qui n'a pas consulté depuis ses 12 ans.

Un dentiste, Mélanie Glaçon, 37 ans, qui attend pour un abcès, en a aussi eu un dans le passé, mais "il est parti à la retraite". "Ça fait un an que je suis sur liste d'attente. Les dentistes ne prennent pas de nouveaux patients", raconte cette habitante de la presqu'île de Crozon.

Depuis 2019, la fréquentation des urgences de Brest est passée de 4.000 à "plus de 13.000" patients par an, selon Sylvie Boisramé, doyenne de la faculté d'odontologie de Brest. "Et on ne peut pas prendre tout le monde parce que nous ne sommes pas assez nombreux", précise-t-elle.

- "Pas assez de praticiens"-

Avec un chirurgien-dentiste pour 1.437 habitants dans le Finistère, voire un pour 1.708 habitants dans les Côtes d'Armor, la charge de travail des dentistes bretons atteint parfois le double de la moyenne nationale (831 patients par an et par dentiste en moyenne).

Résultat: la plupart des communes bretonnes sont classées en rouge (zones très sous-dotées), comme d'ailleurs la grande majorité du territoire français. Même à Brest, ville en zone "intermédiaire" (ni sous-dotée ni sur-dotée), trouver un dentiste qui accepte de nouveaux patients est devenu mission impossible.

"Il y a la meilleure couverture sociale de tous les temps en dentaire, mais il n'y a pas assez de praticiens pour répondre à la demande. Je comprends que le patient râle", constate Gilles Gourga, président du conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Bretagne.

Dans certaines zones, les dentistes eux-mêmes frôlent le burn-out, selon Mme Boisramé, qui se souvient d'un jeune praticien "en souffrance" dans le Morbihan, à force de devoir refuser des patients.

Alors que l’accroissement et le vieillissement de la population ont augmenté la demande de soins dentaires, la France compte un nombre de dentistes par habitant nettement inférieur à la moyenne européenne, selon un rapport de l'Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé.

Et les nouveaux praticiens, dont la moitié sont formés à l'étranger (Espagne, Portugal, Roumanie, etc.), sont plus souvent salariés et "travaillent moins en temps", pointe M. Gourga.

- "Former plus"-

Dès lors, "le sujet numéro un, c'est qu'il faut former plus de chirurgiens-dentistes en France", estime le Pr. Boisramé, qui a entrepris d'augmenter de 40%, à la rentrée 2025, les effectifs de la prochaine promotion d’odontologie.

"Ça va être un peu serré", reconnaît-elle, alors que cette spécialité n'occupe qu'un simple couloir dans le bâtiment de la faculté de médecine.

Afin de "mieux mailler le territoire", la doyenne plaide aussi pour l'ouverture de salles de soins dentaires dans les hôpitaux de proximité, où des étudiants effectueraient leur stage de dernière année. "On sait qu'un étudiant qui est bien dans son dernier stage s'installe à proximité", explique-t-elle.

L'expérience, déjà menée avec succès à Carhaix (Finistère), doit s'étendre à Quimper à la rentrée, avant de possibles répliques à Lorient (Morbihan) et Saint-Brieuc.

Vianney Descroix, président de la conférence des doyens d'odontologie, va plus loin et plaide même pour une dose de "coercition" dans l'installation des jeunes dentistes pour lutter contre la désertification médicale.

"Ça ne me choquerait pas qu'on dise à un jeune diplômé: les deux prochaines années, vous allez travailler à tel endroit. En Allemagne, ça se fait déjà", dit-il.