Vendée Globe. Charles Dorange : « Je suis super fier de Violette! »
Charles Dorange, 26 ans, est le grand frère de Violette, 23 ans, la benjamine de ce Vendée Globe sur l’IMOCA Devenir, qui fait une course remarquée et remarquable. Il nous livre ses impressions sur le parcours de Violette, actuellement 27ᵉ dans ce Vendée Globe.
Que ressens-tu quand tu vois ta sœur Violette participer à ce Vendée Globe ?
J’étais très ému lors du départ aux Sables, forcément. Je la suis depuis qu’elle est en voile légère, et toute l’avancée de son projet Vendée Globe. C’était un peu aussi, au départ, un projet familial avec mon papa, qui était très impliqué. Et puis il y a aussi ma copine Sarah Claudel, qui manage le projet aujourd’hui. J’étais là pour le départ aux Sables, comme pour tous ses départs et arrivées depuis qu’elle a son bateau. Il y a eu des grandes étapes franchies avant de prendre le départ. Quand elle a récupéré le bateau, c’était déjà une première grande étape. Ensuite, il y a eu la qualification. Ce n’était vraiment pas gagné, mais Violette a réussi, et on était tous soulagés. Et puis là, maintenant, sur le Vendée Globe, c’est dans la continuité de ce qu’elle fait. Je suis super fier de son parcours. Je la soutiens énormément.
Tu appréhendais qu’elle parte autour du monde ?
Je n’ai pas eu d’appréhension. C’était vraiment de la fierté. J’étais ému parce que ça y est, elle en est là. Il y a 5 ans, c’était vraiment juste un rêve lointain. Jusqu’au départ, en fait, c’est vraiment aux Sables que j’ai réalisé qu’elle prenait le départ du Vendée Globe, qu’elle allait partir en mer. Pour elle, c’était tout nouveau, et partir aussi longtemps… Elle a très peu d’expérience par rapport aux autres grands skippers sur ce type de bateau. Après, elle fait de la course au large depuis maintenant assez longtemps. Elle doit être à 7 ou 8 transatlantiques, mais partir aussi loin toute seule, c’était un sacré challenge.
On imagine que tu la suis tous les jours sur la cartographie. Tu échanges beaucoup avec elle ?
Je l’ai de temps en temps au téléphone, mais elle n’échange pas trop avec nous. Elle est plutôt dans sa course. Elle ne m’a pas beaucoup appelé. Je l’ai entendue un petit peu au téléphone quand elle a appelé mon papa ou l’équipe technique.
Elle navigue bien…
Violette a commencé par la voile légère, en 420 et en optimist. Elle a ce côté régatière qui est top. On a fait pas mal de championnats du monde ensemble en Nouvelle-Zélande, etc. C’est une vraie battante sur un petit bateau type 420. Elle était monstrueuse. Et du coup, en course au large, c’est un challenge un peu plus global : celui de réussir à gérer un projet dans sa globalité. Le côté sportif n’était pas évident à monter, mais je pense que dans les années à venir, elle va progresser énormément, et peut-être que ça va finir par payer sur un classement général.
Elle est mue aussi par l’aventure, comme lorsqu’elle avait fait la traversée de la Manche en optimist. Mais je la vois vraiment comme une grande régatière. Jean Le Cam l’a énormément aidée sur toute sa préparation en amont de la course. Elle prend des trajectoires simples et efficaces. Elle a navigué correctement, en prenant peu de risques. Son objectif sur cette course, elle me l’a dit avant de partir, c’est vraiment de finir le Vendée Globe. Elle a ralenti parfois, pris des trajectoires plus safe. Si elle arrive au bout, ce sera super.
Et par rapport à l’équipe qui l’entoure, tu es intervenu un peu sur la performance du bateau ou pas du tout ?
Je n’ai pas vraiment été dans l’équipe, parce que je travaillais sur la Coupe de l’America avec l’équipe Orient Express, puis ensuite au sein d’Holcim-PRB au bureau d’études. Je suis plus venu sur le projet lorsqu’il y avait des besoins de navigants, pour des convoyages ou des entraînements, et j’étais là pour donner un peu mon point de vue. Mais je n’ai pas travaillé en tant que tel dans l’équipe.
Depuis son départ des Sables, y a-t-il eu des moments qui t’ont marqué dans sa course ?
Quand elle a passé le Cap Horn. Elle m’a ému, parce qu’elle a eu pas mal de petits soucis qui se sont enchaînés. J’ai senti qu’elle était assez fatiguée. Avec Sarah, on a essayé de lui remonter un peu le moral. On était contents de la voir rigoler un peu, parce que c’était un moment compliqué pour elle, avec l’accumulation de casse matérielle, une fatigue extrême et un peu de solitude.
Aujourd’hui, elle a l’air d’être repartie à fond la caisse. Sur toutes ses vidéos, elle a le smile, et du coup, c’est trop cool. Lorsqu’elle est remontée au mât, elle s’est fait quelques bleus dans des conditions de mer assez fortes, et elle s’est fait un peu balader. Si elle voulait réparer, c’était la seule solution. Elle ne manque pas de courage. Elle est impressionnante.
Ton papa a été moteur dans votre pratique de la voile ?
Mon père est originaire de Paris. Il y habitait avant de déménager avec ma maman pour s’installer au bord de la mer, en Charente-Maritime. Ils nous ont dit que, comme on habitait à côté de la mer, on devait faire un sport de mer. On a tous choisi notre sport : on a fait du surf, de la planche, un peu de tout, et puis de la voile.
On avait un très bon entraîneur à La Rochelle à cette époque, au club de la Société des Régates Rochelaises, qui nous a beaucoup poussés. Nos parents nous ont accompagnés sur toutes les régates quand on était jeunes. Je leur suis très reconnaissant. Ensuite, on est montés petit à petit sur les régates plus importantes. Derrière, il y a eu la Fédération qui nous a aidés, et on a commencé à monter nos projets. J’ai été trois fois champion du monde ISAF jeune : en Malaisie, au Portugal en SSL16 avec Louis Flament, et une fois en Nouvelle-Zélande en Nacra15 avec Tim Mourniac.
Tu continues la compétition ?
Oui, je continue. Je navigue en catamaran à foil, en ETF26, sur tout le circuit où j’ai mon bateau. Et je navigue aussi sur d’autres projets, un peu sur Holcim-PRB, et je vais probablement faire de l’Ocean Fifty cette année en équipage.
Violette fait de la voile à fond, mais je me suis dit que, pour ma part, je finirais mes études d’ingénieur et je mettrais un petit coup de boost sur le côté ingénierie pour apprendre un maximum de choses et engranger un maximum d’expérience. La voile, c’est 50% de ma vie, mais ce n’est pas mon objectif de passer derrière les bureaux en tant qu’ingénieur à plein temps.
Tu as toujours été le grand frère qui s’occupait d’elle ?
Nous avons aussi une grande sœur, Rose, qui a 28 ans. Nous sommes tous les trois très proches. Elle a également fait pas mal de régates quand elle était jeune, avant de se diriger vers des études de médecine. On a toujours été là pour Violette. On était tous les deux présents au départ du Vendée Globe avec elle pour l’encourager et lui faire un gros câlin avant de partir.
Que penses-tu de l’intérêt du public et des médias autour de Violette ?
C’est assez impressionnant. Je pense que ça va vraiment changer sa vie quand elle va rentrer. Quand elle est partie en mer, elle avait encore peu de visibilité. Et là, maintenant, elle a plus de 500 000 followers sur les réseaux. Il va falloir bien gérer cela en arrivant, mais Violette communique super bien. Elle est assez transparente dans sa communication. Je ne suis pas inquiet pour la suite. Elle a aussi une superbe équipe autour d’elle, avec Sarah, David Lupion qui gère ses réseaux sociaux, et Manon pour la relation avec les médias. Sur les réseaux sociaux, les messages sont plutôt encourageants à chaque fois. Dès qu’elle poste, ce sont des millions de vues, c’est impressionnant. Elle parle à une population qui est en dehors de la voile, qui ne connaît pas forcément. Elle s’adresse aussi à un public jeune sur TikTok ou Instagram, mais elle est également active sur Facebook ou LinkedIn. Elle touche un public très large.
L’estimation de son arrivée est entre le 7 et le 8 février…
J’ai hâte qu’elle arrive, qu’on fasse un debrief ensemble, qu’elle nous raconte tout ce qu’elle a vu et vécu. Et aussi de repartir sur de bons moments ensemble, à Lorient, d’aller surfer. J’ai hâte de la retrouver.
LS