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Champ politique sénégalais : 2024, retour sur une année de tumultes et de ruptures

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L’année 2024 restera gravée dans les annales politiques du Sénégal comme une période d’intenses turbulences marquée par des crises politico-judiciaires, des mouvements sociaux et un basculement historique du paysage politique. Avec ce reportage de enqueteplus.com, retour sur une année où le Sénégal a alterné entre tensions et espoirs.
L’année 2024 aura été celle des confrontations, mais aussi celle des transformations. Des scandales politico-judiciaires aux affrontements violents, en passant par des réformes controversées, le Sénégal a traversé une période de profondes turbulences.

Le 3 février 2024, le président Macky Sall a annoncé le report de l’élection présidentielle initialement prévue pour le 25 février, déclenchant une onde de choc dans le pays. Ce report faisait suite à la mise en place d’une commission parlementaire enquêtant sur l’intégrité de deux juges du Conseil constitutionnel fortement contestée. Quelques jours plus tard, le ministre secrétaire général du Gouvernement démissionnait, ajoutant à la confusion politique.

La décision de repousser le scrutin au 15 décembre 2024, justifiée par le gouvernement comme une nécessité technique, a été perçue par l’opposition et la société civile comme un "coup d’État constitutionnel". Les manifestations qui ont suivi ont provoqué des affrontements violents, coûtant la vie à trois personnes et faisant des dizaines de blessés. Sous la pression nationale et internationale, le Conseil constitutionnel a invalidé ce report, exigeant la tenue de l’élection "dans les meilleurs délais".

Face à une montée des tensions préélectorales, près d’un millier de militants du parti d’opposition Pastef, dont son leader Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, ont été arrêtés pour des accusations allant de l’offense au chef de l’État à l’atteinte à la sûreté de l’État. Ces arrestations massives ont été dénoncées comme des manœuvres politiques, amplifiant un climat de défiance envers le régime en place.

Le tournant est survenu avec l’adoption, le 6 mars 2024, d’une loi d’amnistie visant à apaiser les tensions. Cette loi a permis la libération d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye, suscitant des scènes de liesse populaire à Dakar. Cette amnistie, bien que controversée, a été perçue comme un geste d’apaisement de la part de Macky Sall, qui a également ordonné la libération de plus de 300 autres détenus politiques.

Un tsunami politique : La victoire de Pastef

Le 24 mars 2024, après des mois de tractations et d’incertitudes, l’élection présidentielle s’est tenue. Contre toute attente, le principal opposant du régime, candidat du Pastef, Bassirou Diomaye Faye, a remporté le scrutin dès le premier tour, réalisant une prouesse historique.

Âgé de 44 ans, cet ancien syndicaliste désigné par Ousmane Sonko (actuel Premier ministre), connu pour son combat contre la corruption et son discours souverainiste, a incarné une rupture totale avec l’élite politique traditionnelle.

Son projet, porté par des accents populistes et une volonté de réforme radicale, a su galvaniser une jeunesse désillusionnée et un électorat en quête de changement. Sa victoire symbolise non seulement la fin de l’ère Macky Sall, mais aussi une redéfinition profonde du paysage politique sénégalais.

Cette année tumultueuse marque également un espoir de renouveau, avec l’émergence d’une nouvelle génération politique déterminée à rompre avec les pratiques du passé. Le défi reste cependant immense pour stabiliser le pays et répondre aux attentes d’un peuple qui aspire à une démocratie plus inclusive et transparente.

L’élection présidentielle de 2024 a consacré la troisième alternance dans l’histoire du Sénégal. Pour la première fois, un parti de l’opposition, Pastef, a remporté l’élection dès le premier tour avec 54 % des suffrages. Cette victoire révèle l’aspiration profonde du peuple à un changement radical, après des décennies de gouvernance des partis traditionnels.

Dissolution de l’Assemblée nationale : un acte fort pour un nouveau départ

Quelques semaines après son investiture, le président Faye a dissous l’Assemblée nationale, présentant cette mesure comme une nécessité pour redonner légitimité aux institutions. Les nouvelles élections législatives ont permis à Pastef de se constituer une majorité confortable (130 députés), consolidant ainsi son pouvoir.

Depuis sa création en 2014, les patriotes ont incarné l’espoir de millions de Sénégalais lassés par les pratiques clientélistes et les promesses non tenues des partis traditionnels. Porté par le charisme d’Ousmane Sonko et une stratégie de terrain efficace, le parti a progressivement conquis l’électorat, des élections locales aux scrutins nationaux. La victoire de 2024 est le fruit d’une décennie de travail acharné, d’engagement militant et de renouvellement des pratiques politiques.
Les ruptures au sein de la coalition BBY et l’avenir des partis traditionnels

BBY : fin d’un cycle de vie

La coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), qui a dominé la scène politique sénégalaise pendant 12 ans, a vécu une implosion retentissante en 2024. Le divorce entre Macky Sall et son Premier ministre Amadou Ba a précipité la chute de cette alliance jadis solide. La présentation de listes opposées lors des dernières élections législatives, notamment les mouvements Jam ak Njàrin et Takku Wallu, a été le signe évident de cette désunion.

Macky Sall, désormais installé Maroc, reste une figure politique active malgré une perte progressive de sympathie. Confronté à la montée en puissance du Pastef, il tente de maintenir son influence, mais ses efforts peinent à rassembler. L’annonce de la fin officielle de BBY par Macky Sall a marqué la dissolution d’une structure qui avait servi de machine électorale au service de ses ambitions et de celles de ses alliés.

Amadou Ba, autrefois son bras droit, s’impose désormais comme un acteur indépendant sur l’échiquier politique. Toutefois, l’avenir politique de l’ancien Premier ministre reste incertain, partagé entre l’héritage de BBY et l’émergence d’un paysage politique redessiné par Pastef et ses alliés.

PDS : Le déclin d’un pilier historique

Le Parti démocratique sénégalais (PDS), fondé par Abdoulaye Wade, a vu son influence s’effriter au fil des années. La perte de cadres influents tels que Doudou Wade et Tafsir Thioye, combinée à l’absence prolongée de Karim Wade, a profondément affaibli le parti.

Le va-et-vient stratégique du PDS entre opposition et alliances avec les régimes successifs a terni sa crédibilité. De plus, sa non-participation aux derniers scrutins a accentué son isolement politique, reléguant le parti à un rôle marginal. Jadis force incontournable, le PDS peine aujourd’hui à mobiliser une base électorale significative.

PS : l’héritage fragile d’un parti historique

Le Parti socialiste (PS), autrefois fer de lance de la politique sénégalaise sous les présidences de Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, n’est plus que l’ombre de lui-même. L'absence de leadership clair a confiné le parti à un rôle secondaire dans le paysage politique.

Cependant, l’échec à la dernière Présidentielle a permis une tentative de rassemblement des figures emblématiques du PS. Khalifa Sall, Aminata Mbengue Ndiaye, Serigne Mbaye Thiam et Barthélemy Dias ont tous exprimé leur volonté de se regrouper pour affronter l’hégémonie montante du Pastef. Ce sursaut pourrait redonner un souffle nouveau à ce parti, bien que le chemin vers la réhabilitation soit semé d’embûches.

L’éviction de Barthélemy Dias de son poste de maire de Dakar constitue un événement marquant pour la gauche sénégalaise. Ce coup politique, perçu comme une tentative de museler un opposant de taille, pourrait bien galvaniser l’unité au sein du PS et de ses alliés. Dias, charismatique et combatif, pourrait devenir un symbole de résistance face à ce qu’il considère comme des manœuvres antidémocratiques.

Alliance des forces de progrès (AFP)

Quant à l’AFP, elle souffre de son alignement prolongé avec le pouvoir, ce qui l’a coupée de sa base militante. Son leader, Moustapha Niasse, a quitté la scène politique, laissant un vide que personne n’a pu combler.
Avec la disparition de BBY, le déclin du PDS et la résurgence timide du PS, le paysage politique sénégalais se trouve à un tournant historique. L’émergence du Pastef comme force dominante oblige les partis traditionnels à se réinventer ou à disparaître.

Pastef au pouvoir

Malgré ses succès électoraux, Pastef doit relever de nombreux défis. Le parti est confronté à des polémiques récurrentes, notamment sur la gestion des affaires publiques.

Des promesses qui attendent des actes

Parmi les engagements pris durant la campagne électorale figurent des mesures fortes, notamment la réforme de la gouvernance, la lutte contre la corruption et la création massive d’emplois pour les jeunes. Ces promesses, essentielles pour répondre à une jeunesse désabusée, sont encore attendues, et leur mise en œuvre constitue un véritable test pour le régime.

Le chômage, aggravé par la stagnation économique des dernières années, reste une priorité nationale. De même, la lutte contre l’émigration clandestine, qui continue de faucher des vies, demande des actions concrètes au-delà des discours. Si le gouvernement semble conscient de ces défis, l’absence de résultats visibles alimente une certaine frustration.

Dans le cadre de ses réformes, le parti au pouvoir a entrepris un audit de la presse nationale, justifié par la volonté de mettre fin à des pratiques jugées opaques et inefficaces dans la gestion des subventions publiques allouées au secteur. Cette décision, bien qu’applaudie par certains, a eu des conséquences dramatiques pour plusieurs entreprises de presse. La suspension des contrats et conventions entre l’État et les médias a plongé des rédactions dans une crise financière aiguë. Des journaux emblématiques comme ‘’Stade’’ et ‘’Sunu Lamb’’ ont cessé de paraître, tandis que d’autres organes de presse peinent à survivre. Cette situation a entraîné des mois de retard de salaire pour les journalistes, alimentant le mécontentement au sein du secteur.

Face à cette crise, une journée sans presse a été organisée, symbole fort d’une profession cherchant à faire entendre ses doléances. Cet événement a été vu par certains observateurs comme une fracture grandissante entre le gouvernement et une partie de la presse perçue comme critique ou hostile.

Tensions avec les journalistes et fractures au sein de la profession

Les relations du nouveau régime avec certains journalistes se sont particulièrement envenimées. Certains professionnels des médias, ayant exprimé des critiques à l’égard des politiques du gouvernement, ont été rapidement catalogués comme des opposants. Ces tensions ont ravivé un climat de méfiance mutuelle, marquant un recul dans la liberté de ton et d’expression
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Dans le même temps, le régime a promu une nouvelle génération d’influenceurs et de journalistes perçus comme proches du pouvoir. Cette stratégie, destinée à contrôler le récit médiatique, a accentué les divisions au sein d’une presse déjà fragilisée. Une bipolarisation s’est installée : d’un côté, les médias favorables au gouvernement et de l’autre, ceux perçus comme critiques ou opposants. Ce clivage a provoqué un hiatus profond au sein de la profession, érodant davantage la solidarité entre journalistes.

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