Geert Wilders instrumentalise-t-il les tensions entre les Pays-Bas et Israël ?
Les violences commises contre les supporteurs de Maccabi Tel-Aviv dans la nuit du 6 au 7 novembre ont provoqué une crise diplomatique entre les gouvernements israélien et néerlandais, crise exploitée par le dirigeant du Parti pour la Liberté qui pourrait l’utiliser pour mettre fin à la coalition au pouvoir.
L’amitié néerlandaise pour Israël connaît des limites que l’État hébreu semble ne pas hésiter à franchir. Ses accusations selon lesquelles les Pays-Bas auraient, le mois dernier, facilité des « pogroms » lors de la « nuit de Cristal » à Amsterdam, quand des supporteurs du Maccabi Tel-Aviv furent violentés, passent mal. Tout comme les appels téléphoniques « furieux », selon des médias néerlandais, du Premier ministre Benyamin Netanyahou et d’autres dirigeants israéliens aux responsables néerlandais. Le président Isaac Herzog, qui fut copieusement hué par des manifestants propalestiniens lors de l’ouverture du musée de l’Holocauste à Amsterdam en début d’année, aurait même accablé le roi néerlandais Willem-Alexander de reproches sur le manque de protection de Juifs dans la capitale néerlandaise.
Au Parlement de La Haye, l’opposition a exigé et obtenu que le gouvernement conservateur du Premier ministre, M. Dick Schoof, enquête sur « l’ingérence israélienne ». C’est que dans la foulée du mal nommé pogrom, le ministère israélien pour la Diaspora avait fait parvenir à des parlementaires néerlandais des rapports truffés d’inexactitudes et de mensonges, selon des non-destinataires. Ainsi, le Mossad aurait vainement prévenu les autorités amstellodamoises que des « commandos anti-juifs » tramaient des actions violentes contre les visiteurs israéliens. Et de désigner sur des réseaux sociaux, sans preuves, des activistes propalestiniens néerlandais comme de dangereux activistes à la solde du Hamas. Ce qui constitue une menace pour leur sécurité, aux dires du ministre de la Justice. Qui refusa pourtant la demande de l’opposition de « rappeler à l’ordre » l’ambassadeur d’Israël, dont les amis au parlement prirent les accusations pour argent comptant.
L’ambassadeur avait fustigé « le terrorisme coordonné » par des malfrats dans les rues d’Amsterdam le 6 et 7 novembre, suite au comportement de hooligans israéliens qui, en scandant « fuck the Arabs » et en déchirant des drapeaux palestiniens, avaient mis le feu aux poudres. Des « jeunes des quartiers » y voyaient le signal de départ pour « une chasse aux Juifs », selon leurs messages sur WhatsApp lus pendant le procès de sept d’entre eux. (Le 24 décembre, quatre hommes ont été condamnés par le parquet d’Amsterdam à des peines de prison et un cinquième à des travaux d’intérêt général).
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Les Pays-Bas se sont également attiré les foudres de puissantes organisations juives aux Etats-Unis comme le Simon Wiesenthal Center de Los Angeles, qui a déclaré Amsterdam zone de non-droit pour les Juifs du monde entier. Au grand dam de la maire de gauche de la capitale, Femke Halsema, vilipendée par le ministre israélien des Affaires étrangères, M. Gideon Saar. Quand la maire disait regretter avoir prononcé le mot pogrom, jugé excessif, M. Saar l’accusait de vouloir « étouffer » les horreurs dans sa ville.
Un hasard du calendrier vint envenimer la tension entre les deux pays amis d’antan : le 21 novembre, la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye émit des mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité contre notamment M. Netanyahou. Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, M. Caspar Veldkamp, affirma que « Bibi » serait effectivement arrêté dès qu’il foulerait le sol néerlandais. Furieux de ce que La Haye puisse remplir ainsi ses obligations, Israël annula la visite de M. Veldkamp prévue pour une semaine plus tard.
Cependant, l’État hébreu vient d’accueillir à bras ouverts le politicien anti-islam néerlandais mondialement connu, M. Geert Wilders, qui y entama une visite le 8 décembre, sa cinquantième, selon le journal Algemeen Dagblad. Au parlement, M. Wilders, condamné à mort par des organisations islamistes, dirige le groupe de députés de loin le plus important. Quelqu’un peu au fait de la réalité néerlandaise aurait pu le prendre pour le Premier ministre quand il s’était engagé dans une course à l’échalote pour saluer à l’aéroport d’Amsterdam le ministre Gideon Saar, venu tancer les responsables néerlandais pour leur non-assistance à fans de foot israéliens en danger. M. Schoof se trouvant à l’étranger, le gouvernement dépêcha dare-dare son ministre de la Justice pour être le premier dignitaire à se faire traiter d’incompétent, si ce n’est d’antisémite, par l’hôte israélien qui s’était auto-invité.
Les retrouvailles, une demi-heure plus tard, à l’aéroport, avec M. Wilders, furent cependant tout ce qu’il y a de plus chaleureuses.
Son israélophilie, datant de son séjour en Cisjordanie dans sa jeunesse, a plus d’une fois mis dans l’embarras la coalition gouvernementale dont pourtant il fait partie. Ainsi, l’été dernier, M. Wilders déclara que les Palestiniens « disposent déjà d’un État, la Jordanie ». Avis conforme à celui de la droite et l’extrême-droite israéliennes, mais qui va à l’encontre de la position officielle néerlandaise calquée sur celle de l’UE. La sortie de M. Wilders avait valu à l’ambassadeur néerlandais à Amman de se faire sermonner par le gouvernement jordanien.
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En Israël, en tant qu’invité du parti Likoud au pouvoir, M. Wilders ne manqua pas de visiter quelques colons en Cisjordanie, devenus des potes au fil des ans, et de se faire couvrir de louanges à la Knesset. Sa poignée de main avec Netanyahou était comme un pied de nez au gouvernement de M. Schoof, tenu par la CPI de le faire arrêter. Si, en coulisse, d’autres membres de la coalition quadripartite branlante fustigent cette énième provocation, ils se sont engagés à en dire le moins possible, craignant que M. Wilders n’utilise une condamnation ouverte comme prétexte à retirer son Parti pour la Liberté du gouvernement. Tant pis pour ceux qui lui font confiance de mener « la politique d’asile la plus sévère jamais connue ».
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