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Horn du commun

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Ils étaient trop pressés pour attendre de déballer leur cadeau, et se le sont donc offerts dès hier soir, au pied du continent américain. A 23h 27min 20sec (UTC) pour Yoann Richomme, et seulement 9 minutes et 30 secondes plus tard pour Charlie Dalin, les deux solitaires ont franchi le Cap mythique et fait leur retour dans l’océan Atlantique, signant une performance déjà historique.

Trois jours, treize heures, neuf minutes et vingt-six secondes de moins qu’Armel Le Cléac’h… A ce niveau-là, ce n’est même plus battre un record, c’est le faire rougir ! Ils l’auront donc fait ensemble ou presque, à neuf minutes trente d’intervalle, même si Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA) aura pour toujours le bonheur de l’avoir franchie en tête, cette crête hérissée à peine adoucie par le vert tendre de sa végétation, dont tant de marins avant lui ont rêvé…

Le Cap Horn pour Noël, et, comme dans un rêve, le soleil qui l’accompagne et leur permet d’immortaliser le tour de force. Un selfie toute langue tirée pour Yoann Richomme, le poing serré pour Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 2e). Pour en arriver là, cet inénarrable duo n’a sûrement pas été que sage, mais il aura tout de même bien mérité cette magistrale récompense, à la hauteur de leur performance. Et de la lutte qui les oppose, après 43 jours de course…

La trêve des confiseurs fut en effet de très courte durée pour nos marins affairés. Sur la petite ardoise d’écolier où tous écrivent traditionnellement les étapes de leur longue boucle, Charlie Dalin a vite tracé un message directement adressé à son meilleur ennemi : « Slt Yoann, l’Atlantique ne sera pas pacifique ». La carte de vœux est envoyée, et on peut être sûr qu’il n’y aura pas de cadeaux entre ces deux-là ! Si d’ordinaire, les films de Noël qu’on se regarde en boucle sont plutôt des romances à l’eau de rose, l’affiche de ce duel promet d’être un thriller bien corsé à l’eau de mer ! Sortez les popcorns, la remontée risque d’être rapide…

« On vit toutes les facettes du gris »
Si devant la messe est dite, derrière le réveillon de Noël s’annonce bien plus long. Pas spécialement pour Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e) qui le fêtera seul, certes, mais au moins pas embêté par le voisinage et pourra célébrer à son tour son passage du Cap Horn, d’ici 500 milles. En revanche c’est toujours bien groupé que vont célébrer les fêtes de fin d’année les huit concurrents suivants, une jolie guirlande colorée qui va de Thomas Ruyant (VULNERABLE, 4e) à Justine Mettraux (Teamwork – TEAM SNEF, 11e), qui a bien raccroché la table du dîner.

Désormais en 7e position après une progressive – mais sûre – remontée de la tête de flotte, Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer) nous racontait cette nuit ses conditions de célébration :

C’est gris, mais un peu moins gris que les derniers jours ! On vit toutes les facettes du gris dans le Sud… C’est un rythme intense mais quand même au large, on n’est pas à s’arracher les cheveux, chacun a ses problèmes techniques, je pense les autres en ont un peu plus que moi, moi j’en ai très peu ! Il y a peu de possibilité de revenir devant, c’est une ligne droite à peu près, on ne fait pas des méga paris d’un côté ou de l’autre, le sens général est assez direct, donc d’ici au Horn ça ne va pas bouger beaucoup. Après, on verra, les bateaux devant auront je pense de meilleures conditions, pour nous ça a l’air lent, au près, mais on verra ! Mais je ne suis pas inquiet ni énervé par la situation !

Boris Herrmann
MALIZIA – SEAEXPLORER

Alors que peut-on souhaiter au pied du sapin du marin allemand au calme éternel, 5e du dernier Vendée Globe ?

J’aimerais bien sortir mon drone et faire des photos au coucher ou au lever de soleil ! J’en n’ai pas vu depuis Cape Town ! Mais mon plus grand souhait, c’est de voir le Cap Horn, aller au détroit de Lemaire pour voir plus de terre et peut-être des sommets enneigés, ce que je n’ai vu qu’une fois en 2009 ! Et j’aimerais aussi voir les Malouines, je ne les ai jamais vues ! Une fois j’ai navigué côté intérieur des Malouines, mais je ne suis pas sûr de le refaire en solo… quoi que, s’il y a une opportunité, j’irai peut-être faire de l’exploration !

Boris Herrmann
MALIZIA – SEAEXPLORER

« dehors, on fait les glaçons ! »
Quelque 1 500 milles derrière, c’est au contraire d’aller droit au but que cherchent les bateaux du groupe suivant, qui en ont enfin fini avec leurs zig-zags à la recherche du vent. Si Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) et Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e) semble avoir lâché les rênes (ou les rennes), elles font en tous cas tout pour ne pas se récupérer un Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 14e) dans leur traîneau. Un peu plus loin, c’est Damien Seguin (Groupe APICIL, 16e) qui dévore les milles façon bûche glacée pour aller ripailler avec son ami Romain Attanasio (Fortinet – Best Western, 15e), qui aurait préféré des agapes en solo.

A l’ombre de la Nouvelle-Zélande, les quatre suivants ont eu un début de Pacifique pénible, dans la pétole, et avancent en attendant le prochain couperet déventé. Dans la nuit, Giancarlo Pedote (Prysmian, 19e), racontait ainsi :

On était dans la molle tous ensemble, après Jean Le Cam et Isabelle Joschke sont partis, on était à 20 milles, après je suis parti moi, le pauvre Alan Roura est resté collé et il est parti après, donc c’était vraiment la vraie mistoufle, et toute la grande remontada que j’avais fait a été annulée ! Pas sympa ! Là on a retrouvé du vent dans la dépression, l’air est froid, très dense, ce sont des conditions un peu hostiles, il fait très très froid, je reste avec les portes fermées dans mon bateau car dehors, on fait les glaçons !

Giancarlo Pedote
PRYSMIAN

Toujours vissés dans la dorsale, les pauvres bateaux suivants risquent eux d’avoir du temps pour savourer leur repas de fête, mais pas sûr qu’ils le digèrent si bien, alors qu’ils voient revenir sur eux le trio mené par Arnaud Boissières (La Mie Câline, 26e) et fermé par Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 30e).

« J’ai ouvert un premier petit cadeau »
En plein sous l’Australie, Antoine Cornic (Human Immobilier, 32e), lui, n’a pas résisté. Comme un enfant un peu trop pressé, il nous confiait dès cette nuit :

J’ai craqué, j’ai ouvert un premier petit cadeau, c’est une sensation assez bizarre de faire Noël comme ça, tout seul sur un bateau à l’autre bout du monde. J’espère que vous fêterez bien ça, je vous souhaite de bonnes fêtes et profitez bien de la famille !

Antoine Cornic
HUMAN IMMOBILIER

Car oui, si d’ordinaire c’est plutôt nous qui pensons à eux, aujourd’hui leurs mots fleurent tout de même un peu le manque de la Terre. Bien sûr en vivant ce rêve un peu fou, ils se font de sacrés cadeaux, à l’image de Jingkun Xu (Singchain Team Haikou, 33e) qui a franchi hier soir le Cap Leeuwin et peut en être sacrément fier. Mais tout de même, il y a un pincement au cœur à ne pas partager des instants aussi précieux avec les siens. Et même si le Père Noël va s’affairer toute la journée à remonter la flotte, ils seront bel et bien seuls pour célébrer ce réveillon. Seuls, mais veillés, comme le sait si bien Boris Herrmann, qui concluait ainsi son message :

Merci pour l’échange, les énergies qu’on reçoit de la Terre. Merci et bonnes fêtes aux Sables d’Olonne et partout ailleurs où le Vendée Globe est suivi !

Boris Herrmann 
MALIZIA – SEAEXPLORER

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