Joe Biden, la disparition
Jeudi, Washington est en pleine ébullition: suite à un coup d'éclat du futur président républicain, les discussions au Congrès visant à éviter un "shutdown", une paralysie budgétaire, ont capoté.
Le président démocrate de 82 ans, lui, est au téléphone, selon un compte-rendu de la Maison Blanche. Mais pas avec des parlementaires pour tenter de sortir de l'impasse. Avec le pape, qu'il a décidé d'aller voir en janvier.
C'est sa porte-parole, Karine Jean-Pierre, qui pourfend - par communiqué - la dernière proposition budgétaire avancée par les républicains, accusés de servir "les milliardaires aux dépens des Américains qui travaillent dur".
Donald Trump, qui prêtera serment le 20 janvier, se déchaîne sur son réseau Truth Social: "S'il y a un +shutdown+ du gouvernement, qu'il commence maintenant, sous Biden, mais pas sous +Trump+ (...) C'est un problème que Biden doit résoudre."
Pour le "commandant en chef", le retour au pouvoir de son ennemi juré est plus qu'un désaveu politique: une suprême humiliation personnelle.
Avant de se retirer, à contre-coeur en juin dernier, de la course à la Maison Blanche au profit de la vice-présidente Kamala Harris, Joe Biden était persuadé de pouvoir être réélu.
- Forêt tropicale -
Cela semblait déjà audacieux, mais la conviction du démocrate de pouvoir mener à bien un second mandat paraît aujourd'hui déraisonnable, tant il semble diminué physiquement.
Lors d'un déplacement récent, le président angolais a pris Joe Biden par le bras pour lui éviter de buter dans une estrade. Le lendemain, le président américain a semblé piquer du nez pendant une table ronde avec plusieurs dirigeants africains.
Pendant un voyage au Brésil, un court discours tenu sur fond de forêt tropicale a laissé une impression crépusculaire, avec ce président tournant le dos aux caméras et s'éloignant lentement avant de disparaître derrière le feuillage.
Joe Biden était déjà le président le plus distant avec la presse des dernières décennies, il a désormais coupé les ponts.
Pas de conférence de presse pendant ces deux récents voyages à l'étranger, comme c'était l'usage. De moins en moins d'échanges impromptus pour ce président à l'élocution de plus en plus brouillonne, qui peine souvent à finir ses phrases.
Le démocrate, dont le mandat a été plombé par une poussée d'inflation, passe par une tribune, publiée lundi par le site "The Prospect", pour défendre ses plans de réindustrialisation, considérables mais obscurs pour le grand public: "Il faudra des années pour en voir le plein effet, en terme d'emplois et de nouveaux investissements, mais c'est nous qui avons planté les graines."
Les articles sur son déclin se multiplient.
Mea culpa
Le Wall Street Journal, que le camp démocrate avait descendu en flammes en juin pour un article exposant la fragilité croissante de Joe Biden, vient de récidiver avec un récit sur le cocon tissé par la Maison Blanche autour du chef d'Etat, sur son agenda allégé, sur ses difficultés de concentration.
Certains commentateurs y vont de leur mea culpa, ainsi Chris Cillizza, ancien journaliste de CNN, qui disait jeudi: "J'aurais dû insister davantage, et plus tôt, pour avoir plus d'informations sur la santé physique et mentale" du président.
Joe Biden ne contre-attaque même plus. Il n'a pas vanté publiquement les dernières mesures symboliques de son mandat, notamment un effacement partiel de dette étudiante pour des milliers d'Américains et la publication d'objectifs climatiques plus ambitieux.
Au soir de cinquante ans de vie politique, le démocrate se replie plus que jamais sur sa famille.
Reniant ses engagements passés, il a accordé une grâce étendue à son fils cadet Hunter Biden, aux prises avec la justice. Cette semaine, il s'est recueilli sur la tombe de sa première épouse et de leur fille encore bébé, tuées en 1972 dans un accident de voiture.
Même lorsqu'il pleure ses morts, l'hostilité d'une partie de l'Amérique se manifeste.
Le 11 novembre, Joe Biden a participé à une petite cérémonie militaire en l'honneur de son fils aîné Beau, mort en 2015 d'un cancer du cerveau. Dans l'assistance, un homme arborait la casquette rouge "Make America Great Again" des trumpistes.