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Vendée Globe 2024. Interview Romain Attanasio : « Cette course, c’est 80% de souffrance mais 20 % de bonheur pur et absolu »

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Bruit de carbone, foils qui sifflent... nous sommes bien en direct avec Romain Attanasio. Engagé sur son 3e Vendée de Globe, le skipper de Fortinet - Best Western navigue actuellement sur le dernier tronçon du redoutable océan Indien, à quelques 1 200 milles dans le sud-ouest du cap Leeuwin. Et une nouvelle dépression est attendue dans les prochaines 24 heures... Résumé d'un échange WhatsApp sans détour par 45° sud ! 

Voile Magazine : Comment vas-tu après plus d'un mois de navigation en solitaire ? L'expérience acquise sur tes deux autres Vendée Globe te sert-elle aujourd'hui ?

Romain Attanasio : "On ne va pas se mentir, c'est dur même si je ne regrette absolument pas d'être reparti pour un tour ! Chaque édition est bien sûr différente mais il est certain que mon expérience du Vendée Globe m'évite de faire trop de bêtises. Quand je vois Louis (Duc), Tanguy (Le Turquay), Antoine (Cornic) et Guirec (Soudée) qui sont allés se mettre en pleine tempête pour faire moins de milles en descendant plus au sud, je me dis qu'ils sont jeunes et fous ! (rires). C'est exactement le genre de chose que tu ne fais plus avec le temps car tu sais très bien que ton IMOCA n'avancera pas plus vite dans 50 nœuds de vent... Le Vendée Globe, c'est une affaire de patience même si ça ne colle pas forcément à mon caractère. Il faut mieux perdre un peu de terrain et s'économiser pour attaquer quand les conditions sont favorables. Par exemple, c'est accepter parfois de naviguer un peu sous toilé plutôt que de multiplier des manœuvres de voile éreintantes. L'expérience me sert aussi à mieux vivre la solitude... On se dit que le bout du tunnel c'est pour bientôt, on navigue avec plus de raison, moins à fleur de peau. L'intensité psychologique demandée est énorme dans la durée et rien que de sentir l'odeur du café chaud comme à la maison peut suffire à m'émouvoir. Un Vendée Globe, c'est 80% de souffrance mais 20 % de bonheur pur et absolu. C'est pour ces moments là, rares mais super forts, qu'on y retourne..."

Voile Magazine : Aucune avarie grave à déclarer malgré ces deux dernières semaines éprouvantes ?

Romain Attanasio : "Heureusement pas grand chose, quelques broutilles mais dans l'ensemble mon IMOCA est en bon état. J'ai une courroie d'alternateur à changer, un hydrogénérateur en panne et un taquet constrictor de cassé. C'est celui pour remonter mon foil, du coup, il reste toujours en position basse. Comme vous le savez, je suis parti avec un mât tout neuf récupéré auprès de l'écurie de Maxime Sorel. J'ai quitté les Sables d'Olonne sans l'avoir jamais testé dans la brise, il a donc fallu que j'y aille mollo au début. Aujourd'hui, je suis sûr qu'il tient parfaitement le choc : je navigue plus sereinement." [caption id="attachment_192319" align="aligncenter" width="500"] Victime d'un démâtage sur le Défi Azimut, Romain Attanasio a failli ne pas en être de cette 10 e édition du Vendée Globe. Crédit : Adrien Nivet.[/caption]

Voile Magazine : Ton classement correspond-t-il à tes objectifs sportifs ?

Romain Attanasio : "Je dirais que la logique est respectée et les premiers carrément intouchables. Comme je te l'expliquais, je suis parti tranquille puis j'ai passé le pot au Noir très vite avant de réaliser une très bonne traversée de l'Atlantique Sud. Je commets quelques erreurs ici et là mais dans l'ensemble j'ai l'impression de tenir mon rang. D'ailleurs, si tu regardes le classement de plus près, tu vois que les groupes qui se sont crées au sein de la flotte reflètent la technologie des bateaux. En tête, les IMOCA construits en 2022/2023, derrière ceux des années 2020, enfin les nôtres de 2016 avec Benjamin Dutreux et Pip Hare. Et encore plus loin, tous les IMOCA à dérives... Si Boris Herrmann pourrait être plus en avance et Giancarlo Pedote moins en retard, il n'y a pas vraiment de grosses surprises, pour le moment du moins.

Voile Magazine : Comment gères-tu ton sommeil ? Et cette dépression qui va débarquer sur ta zone dans 24 heures ?

Romain Attanasio : "J'arrive à dormir même si les périodes de récupération sont très courtes et le sommeil de mauvaise qualité. Je fais des rêves complétement délirants.. Hier, pas bien réveillé d'une petite sieste, j'étais persuadé que mon équipe était dehors à la manœuvre, du coup, je me suis rendormi en toute confiance, bien plus longtemps que je n'aurais du. Par conséquent, j'ai fait une petite erreur de trajectoire et perdu des milles sur Guyot Environnement (Benjamin Dutreux) mais aujourd'hui je me sens en pleine forme. En moyenne, je dors par 3 tranches de 1h30 par 24h : c'est assez pour moi ! Mon objectif avec cette perturbation qui arrive, c'est de rester bien devant elle dans l'attente qu'elle se comble. Là, pas possible de monter au nord pour la contourner car l'Australie nous barre la route. Il va falloir que j'empanne dans la journée pour me laisser de la marge avec la zone des glaces, pour ne pas se retrouver plaquer contre elle au plus fort du coup de chien. Si les fichiers GFS sont très fiables en direction et en moyenne de vent, les rafales ne sont pas bien prises en compte car sous ces latitudes, la masse d'air est très dense. A la prochaine molle, j'irai inspecter mon bateau en profondeur. Au moment où je te parle, la mer est très forte et le pont en permanence inondé de paquets de mer : je reste bien planqué dans mon cockpit."

Voile Magazine : Te tiens-tu au courant de l'actualité ou vis-tu complétement isolé du monde ?

Romain Attanasio : "Je suis pas mal les réseaux sociaux et c'est tout. Je n'ai pas apporté de film cette année et les livres que j'ai embarqué avec moi sont toujours au fond de mon sac. Pas le temps entre les manœuvres, la stratégie, les petits bricolages... En plus je continue à gérer ma société de course au large, les projets et les investissements qui vont avec. C'est la grosse différence avec un skipper comme Charlie Dalin qui, lui, peut se concentrer à 100% sur la performance quand moi je dois continuer à faire de l'administratif même par 45° sud. Autrement, je passe pas mal de temps en WhatsApp avec mes potes de la classe, que ce soit Benjamin Dutreux, Arnaud Boissière et avant leur abandon Maxime Sorel et Louis Burton. J'ai bien sûr également des échanges quotidien avec ma famille. Je viens d'apprendre que j'allais avoir un garçon après l'échographie de ma compagne Laurie : c'est un grand bonheur en vue !"

Voile Magazine : Es tu satisfait de ton alimentation ?

Romain Attanasio : "C'est encore l'expérience qui parle ! J'ai renoncé sur cette édition à la pâtée pour chien et je suis parti avec plein de plats sous vides. C'est certes plus lourd mais tellement plus réconfortant. Il me manque juste le pain frais et la côte de bœuf (rires)... Quant à l'alcool, j'ai bien pris avec moi quelques bouteilles mais je les garde pour Noel et le jour de l'an. J'ai bu un peu de Calva au passage de l'équateur mais ca m'a vite tourné la tête."