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A Marseille, ouverture du procès des effondrements meurtriers de la rue d'Aubagne

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Attendu par toute une ville depuis six ans, ce procès des effondrements de la rue d'Aubagne se tiendra dans la salle des procès "hors norme" du tribunal judiciaire de Marseille, qui peut accueillir 400 personnes.

Et "hors norme", ce procès l'est à plusieurs titres, a souligné le président du tribunal, Olivier Leurent: "Par l'émoi profond provoqué par cette affaire (...), par le nombre des parties civiles (NDLR: 87 à ce jour), et par sa durée (...) et sa complexité".

Pourquoi les immeubles des 63 et 65 de la rue d'Aubagne, à quelques centaines de mètres du Vieux-Port, ont pu s'écrouler sur eux-mêmes, en quelques secondes, ce lundi 5 novembre 2018 ? C'est la question à laquelle vont devoir répondre les trois magistrats du siège devant lesquels comparaîtront les 16 prévenus.

Parmi eux, plusieurs copropriétaires du 65, le seul immeuble habité, qui n'avaient pas fait réaliser les travaux nécessaires à la sécurité de l'immeuble ; leur syndic, resté sourd aux signalements des locataires ; et un expert, qui avait réalisé une expertise de l'immeuble en à peine une heure, sans même prendre le temps de visiter la cave, deux semaines avant le drame, expertise après laquelle les habitants avaient été autorisés, sauf pour un appartement, à rentrer chez eux.
"Accumulation de dysfonctionnements"
Mais aussi un élu, alors adjoint au maire, chargé de lutter contre "l'habitat dégradé et indigne", dont les services, totalement désorganisés, auraient géré les nombreux signalements "avec une légèreté qui interroge", selon les termes des magistrats instructeurs.

Le dernier prévenu est Marseille Habitat, le bailleur social de la ville, propriétaire du 63, qui aurait apporté sa "contribution personnelle" à la dégradation de cet immeuble. Un "attentisme" sans doute "motivé par des critères financiers", selon l'enquête.

Pour l'instruction, l'effondrement des 63 et 65 rue d'Aubagne est en tout cas "le reflet dramatique et paroxystique d'une accumulation de dysfonctionnements".

Des dysfonctionnements dus, selon Liliana Lalonde, la mère d'une des victimes, "à des gens qui ont mal fait leur travail", et d'autres qui ont voulu "se faire de l'argent" sans rien dépenser eux-mêmes.

Ce drame avait profondément entaché la fin du règne de Jean-Claude Gaudin (LR), réélu quatre fois, qui avait accusé "la pluie" et la malchance. L'élu, décédé en mai, avait toutefois confié à l'AFP être "hanté tous les jours" par cette catastrophe.

En résonance avec cette période de révolte contre la municipalité à Marseille, aux cris de "Gaudin assassin", un collectif d'associations de lutte contre l'habitat indigne a appelé à manifester devant le tribunal jeudi.

Bien au-delà de la rue d'Aubagne et du quartier de Noailles, l'onde de choc s'était propagée à toute la ville: plus de 3.000 personnes avaient été évacuées de leurs logements l'année qui a suivi, par précaution.

Pour les familles des victimes, toutes présentes lors du sixième anniversaire du drame, mardi matin, l'attente est grande: "Nous attendons ce procès avec plein d'espoir. Nous savons que ce ne sera pas simple, mais nous sommes très confiants dans la justice", afin qu'"à l'avenir il n'y ait plus jamais" un tel drame, a expliqué Maria Carpignano, la mère de Simona, emportée à 30 ans.

Mais les proches des victimes comme les associations le savent: ce procès ne signera pas la fin de l'habitat indigne à Marseille, où 100.000 personnes sont toujours mal logées.