Fermeture des usines Michelin de Vannes et de Cholet : "inéluctable" pour la direction, "incompréhensible" pour les syndicats
D’ici début 2026, les sites Michelin de Cholet et de Vannes vont cesser définitivement leurs productions. La direction du groupe a confirmé les fermetures de ces usines, ce mardi 5 novembre, depuis le siège social de l’équipementier basé à Clermont-Ferrand.
"La décision était devenue inéluctable en raison de la transformation structurelle du marché des pneumatiques tourisme-camionnette et poids lourds, et de la dégradation de la compétitivité de l’Europe", ont annoncé Jean-Claude Pats, directeur du personnel, et Pierre-Louis Dubourdeau, directeur manufacturing.
Les deux membres du comité exécutif du groupe Michelin ne nient pas les "lourdes conséquences" pour 1.254 salariés : "Même si beaucoup s’y attendaient, les équipes sur place sont sous le choc, le désarroi et la colère. Nous allons donc essayer de les accompagner à travers l’activation d’un dispositif exceptionnel."
Un accompagnement des salariés concernésLe groupe s’engage ainsi à trouver des solutions sur mesure pour accompagner chacun des salariés concernés. Dans l’immédiat, Michelin a décidé d’arrêter la production des deux sites jusqu’au 11 novembre. Histoire de laisser du temps aux syndicats de discuter sur le terrain de ce dispositif de soutien.
Michelin annonce la fermeture de ses usines de Cholet et Vannes, quelque 1.250 salariés concernés
Annonce des fermetures des sites Michelin de Cholet et Vannes par Pierre-Louis Dubourdeau, directeur manufacturing, et Jean-Claude Pats, directeur du personnel du groupe, à Clermont-Ferrand le 5 novembre 2024 (photo Thierry Nicolas)
"Tous les salariés bénéficieront d’un solide accompagnement individualisé, insiste Jean-Claude Pats. Nous ne laisserons tomber personne. Que ce soit pour partir en préretraite, pour une mobilité interne ou, ce qui devrait être la majorité, pour une mobilité externe. Pour ces derniers, l’accompagnement sera pris en charge par un cabinet spécialisé. Michelin compensera à hauteur de 400 € mensuels un éventuel écart de rémunération avec le nouvel employeur."
À travers Michelin Développement, le groupe s’engage également à "contribuer activement à la création d’au moins autant d’emplois de même nature localement" pour veiller à la revitalisation des bassins d’emploi de Cholet et de Vannes. "Des efforts qui ont porté des fruits lors des fermetures des sites de Joué-lès-Tours ou de la Roche-sur-Yon", ajoute le dirigeant.
Concurrence exacerbée et manque de compétitivitéConcernant les motifs de ces fermetures, Pierre-Louis Dubourdeau annonce qu’elles arrivent "en dernier recours, après avoir analysé différentes alternatives" : "Mais Michelin est pris en étau entre deux réalités. D’abord la concurrence exacerbée liée à la hausse des importations des produits à bas coût issus des pays asiatiques. Et ensuite la dégradation de la compétitivité européenne, avec notamment des coûts de l’énergie deux fois supérieurs à ceux de l’Amérique du Nord ou de l’Asie."
Nous avons continué à investir pour donner une chance à ces sites, mais nous sommes arrivés à un point où il ne fait plus sens de continuer.
Les productions seront réparties sur d’autres sites, sans création de nouvelles usines : les renforts métalliques de Vannes seront repris par les unités d’Épinal et de Vitoria (Espagne) et les pneus de camionnettes de Cholet basculeront en Italie et en Pologne.
Pas d'autres sites concernés pour l'instantLe groupe Michelin assure néanmoins que la France reste au centre de sa stratégie, en y positionnant un large panel de ses activités à très forte valeur ajoutée. Depuis 10 ans, il a investi plus de 2,6 milliards d’euros dans l’hexagone. À l’heure actuelle, il n’y a donc pas d’autres menaces sur les usines tricolores : "L’avenir du site de Blavozy (Haute-Loire) par exemple n’est pas remis en question, indique Jean-Claude Pats. Il est touché par une baisse d’activité conjoncturelle. L’Auvergne n’est pas concernée par ces décisions. Pour l’instant. Il ne serait pas responsable d’affirmer que ce ne sera jamais le cas."
Nous restons dépendants du marché et de nos clients. À nous de savoir nous adapter.
Des syndicats en colère et sous le chocLes organisations syndicales restent effectivement sous le choc : "C’est une annonce catastrophique sur le fond et méprisante sur la forme, indique Nicolas Robert, délégué central Sud Michelin. Cela fait des mois que les salariés de Cholet attendaient une réponse. C’est de la torture psychologique. Pour, au final, aboutir à cette décision raide et incompréhensible. Michelin poursuit sa stratégie axée autour du premium mais ne fait rien pour contrer l’invasion des pneus asiatiques. C’est la décision la plus brutale chez Michelin ces dernières années. C’est la première fois qu’on frappe deux sites industriels en même temps."
Cela touche plus de 15 % des postes d’agents basés en France. C’est colossal.
Siège social du groupe Michelin à Clermont-Ferrand, le 5 novembre 2024 (photo Thierry Nicolas).
Manque de respect envers les salariésComme son collègue, Laurent Bador, de la CFDT, ne cache pas son désarroi : "Nous avons déjà fait des propositions pour faire évoluer l’activité mais nous ne sommes pas entendus. D’autres solutions existent : pour le site de Cholet avec une baisse d’activité mais un maintien important de fabrication?; et, sur Vannes, une diversification commencée aurait pu éviter la fermeture du site. Mais Michelin a décidé seul de la solution extrême. En attendant, ce qui est prévu pour l’accompagnement des salariés n’est pas à la hauteur. Nous restons à l’écoute du terrain et il faudra renégocier ce plan."
Même son de cloche au sein de la CGT, qui ajoute que Michelin n'est pas en difficulté : "Depuis des années, le groupe enchaine les records de profits et il prévoit encore 3,4 milliards d’euros de résultat pour 2024, soit autant qu’en 2022 ! Michelin a largement les moyens de maintenir tous les emplois. Les salariés de Cholet, réunis ce matin en assemblée générale, ont voté la grève. Ils refusent de se laisser jeter dehors comme des chiens."
La CFE-CGC dénonce "une communication défaillante et un manque de respect envers les salariés" : "Ces fermetures ne sont que la conséquence de la stratégie de valeur du Groupe : des marchés ciblés, avec moins de volumes et plus de marge. C’est la triste conséquence du capitalisme actuel qui est tout sauf équilibré".
Fabrice Mina