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Ноябрь
2024

Une famille expulsée juste avant la trêve hivernale en Corrèze

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C’est une date censée protéger les locataires durant la période hivernale, censée leur éviter d’être dehors, durant les nuits de grand froid. Le 1er novembre est synonyme, en France, de trêve hivernale, c’est-à-dire que les propriétaires bailleurs n’ont (sauf dans de rares cas) pas le droit d’expulser leurs locataires.Cette règle protectrice, Kévin et Samantha (*), un couple avec ses trois enfants (un bébé d’un mois, un garçon de 4 ans et une fille de 9 ans, scolarisés à l’école du quartier) n’ont pas pu en bénéficier. Ce 28 octobre 2024, au troisième étage de l’immeuble des Châtaigniers, dans le quartier de Tujac, à Brive, la police et un huissier de justice sont venus frapper à la porte de leur appartement. Trois jours avant la trêve.

Deux mois pour récupérer les affaires

L’huissier, qui a agi en vertu d’une décision de justice rendue le 8 octobre dernier, par le juge du contentieux de Brive, leur a remis un procès-verbal d’expulsion. Les habitants doivent quitter les lieux. La famille dispose d’un délai de deux mois pour récupérer ses meubles et le reste de ses affaires. « Mais pour les mettre où ? », s’interroge la grand-mère au bas de l’immeuble, venue récupérer ses proches à la rue. « Ils n’ont plus de domicile ! »

Dans ce quartier prioritaire de la ville, la situation de cette famille n’a pas manqué de faire réagir. Samantha, 29 ans, qui a perdu son emploi dans un fast-food lorsqu’elle est tombée enceinte, touche le RSA. Kévin, 30 ans, est lui au chômage, en fin de droits depuis qu’il purge une peine de prison sous forme de détention à domicile. Ce lundi 28 octobre, en catastrophe, il a fallu se rendre au tribunal judiciaire de la ville pour prévenir la juridiction de la situation.

"Mettre des gamins à la rue, c’est insupportable"

« Que des adultes soient expulsés, on peut le comprendre. Mais mettre des gamins à la rue, c’est insupportable », s’emporte un voisin, passant devant le bas de l’immeuble des châtaigniers. « Il faut attaquer l’état en justice, faire une pétition », lance un habitant de l’immeuble en sortant de la cage d’escalier. Des réactions du voisinage qui témoignent de l’incompréhension de cette décision.« C’est une décision de l’office HLM qui a une politique plus agressive sur ces questions d’expulsion. Un juge de l’exécution avait été saisi pour demander un délai et nous attendions le délibéré », déplore l’avocate du couple, Me Maud Pradon.

Un jugement exécutoire

« Nous ne sommes pas avec le doigt sur la détente pour pratiquer l’expulsion de locataires. Si un huissier intervient, c’est qu’il y a un jugement exécutoire. Une procédure judiciaire est quelque chose de très encadré », répond Jacques Vignal, le directeur Brive Habitat, qui gère près de 6.000 locataires.Les expulsés, engagés dans une procédure de surendettement, devaient payer 490 euros de loyer. Ils avaient, selon leurs propres dires, environ 7.000 euros de dettes, soit plus de quatorze mois d’impayés.

« Quand on arrive à l’expulsion, c’est que tous les recours ont été épuisés : le dialogue, les dispositifs de solvabilisation. Nous n’attendons pas un an avant d’agir. Dès les premiers impayés, nous engageons le dialogue. En tant que bailleur social, on sait étaler la dette. Souvent, l’expulsion est due à un faisceau de problématiques », souligne le directeur.

Ne pas attendre pour agir

« Il ne faut pas attendre que les gens soient au fond du gouffre pour intervenir, sinon c’est très difficile de se sortir de cette situation, et de retrouver un logement », abonde Alain Curbelié, le président du Roc en Corrèze qui gère les hébergements d’urgence.

Kévin et Samantha, ont trouvé provisoirement refuge à Larche chez la grand-mère. « On va vivre à six dans un 50 mètres carrés. Le problème, ça va être pour la scolarisation des enfants. Ils sont inscrits à Tujac. J’habite à Larche et ils n’ont pas de véhicule », s’inquiète la grand-mère.

À Tujac ou à Larche, la situation de Samantha, Kévin et leurs trois enfants, ressemble à un gouffre toujours plus profond. Selon la préfecture, entre dix et quinze expulsions locatives sont prononcées tous les ans en Corrèze.

(*) Les noms ont été modifiés.

Pierre Vignaud