"La panique était générale" : cet habitant de la Corrèze a vécu les inondations meurtrières près de Valence, en Espagne
Lorsqu'il a vu les images de chaos de la visite du roi et de la reine d'Espagne, dimanche 3 novembre, à Paiporta, près de Valence, le Corrézien Philippe Ducos n'a pas vraiment été surpris.
Mécontents de la gestion des secours, les habitants ont exprimé leur hostilité, non pas envers la famille royale, mais plutôt contre le premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, et le président conservateur de la région de Valence, Carlos Mazon.
Avec ma famille, nous sommes restés bloqués trois jours dans cette ville ravagée par les inondations. Personnellement, je n'ai vu que trois camions de pompiers. C'est vrai que les dégâts sont considérables, les accès très compliqués, mais on était livré à nous-mêmes. C'est la population qui s'est organisée pour faire face à cette tragédie en faisant preuve d'une grande solidarité.
Cet habitant de Turenne, au sud de Brive (Corrèze), a pu regagner son domicile, samedi 2 novembre, évacué par avion, grâce à l'assistance prévue par son assurance.
"Nous avons laissé notre voiture sur place. Elle est dans un parking qui a été inondé. Elle est sans doute inutilisable, mais au moins, on sait où elle est. Tous nos papiers sont à l'intérieur, avec d'autres effets personnels. On espère les récupérer plus tard".
"On était en train de dîner, il y avait du vent..."Avec sa femme et ses filles, il prend aujourd'hui la mesure de la catastrophe à laquelle ils ont assisté. Le séjour touristique avait pourtant bien démarré, avec un voyage sans encombre jusqu'à Paiporta, une cité de 25.000 habitants, au sud de Valence. " Quand on est arrivé, il pleuvait, mais rien de méchant. À la radio, on a entendu des mises en garde sur un risque d'orage".
La famille a loué un appartement au quatrième étage d'une résidence. Tout bascule dans la soirée du mardi 29 octobre : "On était en train de dîner. Il y avait du vent, je suis allé à la fenêtre. Je voyais des gens qui rentraient se mettre à l'abri, sans comprendre ce qui se passait. Et puis, un ruisseau est apparu au milieu de la rue. Vingt minutes plus tard, il y avait un mètre d'eau ; une heure plus tard, c'était trois mètres"."Des milliers de voitures ont été emportées" (photo Philippe Ducos).
Philippe Ducos parle d'un événement "brutal, mais très court", une "vague d'eau et de boue qui déferle dans les rues. On était soufflé. On voyait le courant emporté du mobilier urbain, puis des voitures, des dizaines de véhicules, soulevées et s'agglutinant dans les rues. Il y avait le vacarme des torrents et des cris, des gens qui essayaient de grimper aux arbres, de sortir d'un hangar, d'autres qui hurlaient pour les en dissuader. La panique était générale".
"Des alertes se multipliaient alors que l'orage était passé"Vers 23 heures, le niveau de l'eau s'est stabilisé, "mais plus d'électricité. Au loin, on voyait les lumières de Valence, épargnée. J'ai tenté de sortir de l'appartement pour me rendre au parking. J'ai vite compris que c'était inutile. On voyait les batteries de nos téléphones portables se vider. Sur les écrans, des alertes météos se multipliaient. On ne comprenait pas. L'orage était passé. Ça nous rendait encore plus nerveux".
Le jour d'après va apporter d'autres angoisses. " Je suis sorti pour aller chercher de l'eau. J'avais mis des sacs-poubelle à mes pieds pour pouvoir marcher dans 20 centimètres de boue et d'eau. Avec d'autres habitants, on a trouvé des bonbonnes d'eau de cinq litres. Plus tard, des voisins nous ont apporté des provisions. Sans eux, je ne sais pas comment nous aurions fait. On est resté trois jours bloqué dans l'appartement".
Philippe Ducos reste marqué par la très grande solidarité dont ont fait preuve les habitants, alors que Paiporta est sans doute la ville la plus touchée par la tragédie qui a fait au moins 217 morts."Une vague d'eau et de boue a déferlé" (photo Philippe Ducos).
"Les autorités semblent dépassées par la catastrophe. On a vu des milliers de personnes venir à pied de Valence pour venir aider les sinistrés, apporter de la nourriture. C'est grâce au propriétaire de l'appartement que nous avons pu quitter Paiporta. Il est venu nous chercher en voiture, pour nous amener à l'aéroport, alors que les déplacements étaient extrêmement limités".
De retour à Turenne, Philippe Ducos retient deux choses de cette catastrophe : "À Paiporta, d'anciens vergers ont été bétonnés pour aménager immeubles et parkings, un fleuve a été détourné. Cela n'a fait qu'accentuer la catastrophe. Je m'interroge aussi sur notre dépendance à la technologie. L'électricité et le réseau internet ont été rétablis au bout de 24 heures. Mais si cela n'avait pas été le cas, comment aurait-on fait ? "
Eric Porte