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Ноябрь
2024

À Aurillac, le travail du Secours populaire pour que précarité ne rime pas avec malbouffe

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Potimarrons, choux, salades, carottes… Dans les allées de l’épicerie solidaire du Secours populaire, Patrick Jouve est comme dans un jardin. Le responsable « alimentation » de l’association caritative enchaîne, sort des tranches de gigot sous vide, se rappelle qu’il a fait mettre des pommes venues de Corrèze au frigo. Tous ces aliments sont mis à disposition des 2.500 bénéficiaires réguliers, qui peuvent venir tous les quinze jours.

Le Secours catholique et les Restos du cœur du Cantal vers davantage de qualité

Depuis 2018, la lutte contre la précarité a une définition rédigée par le Code d’action sociale et des familles (CASF) : il ne s’agit pas uniquement de fournir de la nourriture aux bénéficiaires, il faut « favoriser l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante ».Pas question de ne proposer que des aliments ultra-transformés, « riches en sucre, sel et graisses saturées, à l’origine de pathologies lourdes », souligne l’Institut Montaigne. Ce serait pourtant la solution de facilité : ces aliments sont accessibles et se conservent facilement.

Pour éviter cet écueil, l’antenne aurillacoise du Secours populaire a touché cette année 24.000 euros pour enrichir ses rayons de produits « locaux, venants d’exploitation labellisée, a minima, à haute valeur environnementale (HVE) ou bio, énumère Patrick Jouve. On essaye de mettre à disposition des produits de qualités. Le Cantal est quand même un pays de viande et de fromage… »

Ces produits viennent compléter les fruits et légumes récupérés en grande surface ou à la fin du marché. « On trie par date, explique Karine, bénévole. Tout ce qui est en rayon aujourd’hui doit être parti ce soir. » Les 24.000 euros ne suffisent pas.

J’aimerais qu’on puisse proposer cela toute l’année

Dans le même ordre d’idée, mais à l’échelle individuelle, dans un rapport paru en octobre 2024, l’institut Montaigne propose de créer une aide pour lutter contre la fracture alimentaire. Il s’agirait d’un chèque de 30 euros mensuel, réservé à l’achat de fruits et de légumes. Une bonne idée, pour les bénévoles de l’association.

L’argent, frein à la consommation de légumes

« Les carottes, les pommes de terre, les salades partent sans problème, décrit Karine. On a beaucoup de bénéficiaires qui ne veulent pas de plats préparés. » « On a des personnes qui refusent clairement les produits transformés, parce qu’ils ne sont pas sûrs de ce qu’il y a dedans, que cela risque de les gêner par rapport à leur religion, note Patrick Jouve. Ils préfèrent dire “non”, plutôt que prendre sans utiliser ».Pour ceux qui privilégient les plats déjà cuisinés, la raison n’est pas toujours évidente à saisir. Le moment de la distribution n’est pas propice à l’échange. « Parfois, à la troisième, quatrième visite, on apprend qu’ils n’ont pas de poêle, pas de four, ou juste un micro-ondes pour réchauffer. Dans ces cas-là, on adapte ce que l’on peut proposer », explique Patricia, également bénévole.

Empiriquement, le Secours populaire cantalien confirme les résultats d’une étude Ipsos de 2021 (*), Les fractures alimentaires en France. L’institut observe que 61 % des catégories socioprofessionnelles aisées mangent des légumes tous les jours (58 % pour les fruits), un chiffre qui tombe à 51 % (45 % pour les fruits) à l’autre bout du spectre, pour les plus modestes. Le frein à la consommation des légumes est clairement donné : pour 56 % des personnes interrogées, c’est le prix, devant la difficulté à les conserver (36 %) et le manque d’idée pour les cuisiner (33 %).

Des cours de cuisine...

Pour dépasser le cadre de la simple mise à disposition de produits frais, le Secours populaire cantalien a mis en place des cours de cuisine. L’animation n’a pas pris le tournant attendu. Les bénévoles s’attendaient à toucher des personnes peu à l’aise en cuisine, notamment des jeunes isolés, parfois réfugiés, maladroits avec les aliments que l’on trouve dans le Cantal. Les classes se sont finalement transformées en moment de convivialité, de partage, où les usagers étaient heureux de proposer une grande marmite d’un plat venu de leur pays. Résultat : ceux qui ont le plus appris sont… les bénévoles.

L’association s’interroge sur la difficulté à attirer le public effectivement visé. « Peut-être qu’il faudrait l’organiser dans la foulée de la distribution », imagine Patrick Jouve. Ce moment permet de prodiguer des conseils à tous les bénéficiaires : « On explique comment préparer telle ou telle chose, décrit Marie-Claire, qui s’occupe justement des fruits et légumes. C’est particulièrement le cas sur les légumes secs. »

... et un livre de recettes

Surtout, l’association a édité un livre de recettes, issues justement des ateliers cantaliens, en juin 2024. Le bénéficiaire discret souhaitant tout de même apprendre sans venir aux cours y trouvera des conseils, la recette du poulet aux épices d’Hafiza, du ragoût de veau aux pommes de terre de Sophie ou le bortsch de Galina, avec beaucoup de pictogrammes, pour surmonter la barrière de la langue.C’est sans le vouloir que cet atelier mensuel s’est transformé en moment d’échange, de découverte, plaçant la cuisine en « élément clé de la culture d’un peuple ». À condition d’avoir les moyens financiers d’accéder à des produits frais et de qualités pour le faire. Les personnes qui composaient le panel représentatif sélectionné par l’institut Ipsos ont été interrogées sur les aliments qu’elles privilégieraient si leur budget alimentaire grimpait brusquement de 20 % : 63 % achèteraient davantage de poissons, 62 % des fruits, 55 % des légumes et 47 % de la viande. Preuve qu’une aide à la consommation ciblée sur ces produits meilleurs pour la santé serait bien utilisée…

Pierre Chambaud(*) 2.000 Français représentatifs (sexe, catégorie socioprofessionnelle, âge, région), âgés de 18 à 75 ans.