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Ноябрь
2024

La folle aventure de deux traileurs bourbonnais, ils ont survécu à la Diagonale des Fous sur l'île de la Réunion

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La Diagonale des Fous porte bien son nom. Car il faut être un peu « déjanté » pour courir ou marcher, c’est selon la forme du moment, pendant près de deux cents kilomètres sur les sentiers escarpés de l’île de la Réunion.

Une chose est sûre, ce trail extrême ne fait pas peur à tout le monde. Ils étaient près de 3.000, le 17 octobre dernier, à s’élancer sur cette épreuve mythique qui présente plus de 10.000 mètres de dénivelé positif, ce qui en fait l’une des courses les plus dures au monde.

Parmi les engagés : deux licenciés du club montluçonnais Amitié Nature. Jessy Guillot et Yannick Vincent. Tous deux sont allés au bout de la course, l’objectif qu’ils s’étaient fixé. Jessy a bouclé la Diagonale en 52 heures à la 1.006e place, elle est la 75e féminine. Yannick, 51 ans, a terminé 1.446e après 56 heures d’efforts.

Tu es là pour arriver à La Redoute. La terre peut bien s’écrouler autour, il faut que tu finisses. 

En passant la ligne d’arrivée, Yannick Vincent a embrassé le sol. D’autres l’ont fait avant lui, mais sans doute pas dans un tel état de fatigue. « J’ai fait le dernier kilomètre avec ma fille, c’était génial ».Jessy a, elle aussi, des étoiles plein les yeux. D’autant plus qu’elle a célébré son quarantième anniversaire sur l’île de la Réunion, entourée de toute sa famille.    « Sur la ligné d’arrivée, il y avait ma fille de quatre ans. Elle était en forme. Quand je repense à tout ça, je me dis que le plus dur ce n’était pas la course mais tous les sacrifices qu’il a fallu faire pour en arriver là ».

Flash-back. Jeudi 17 octobre, 22 heures. Les 2.900 coureurs, 900 d’entre eux n’arriveront pas au bout, s’élancent de Saint-Pierre, dans le sud de l’île. Malgré l’heure tardive du départ, les spectateurs sont des milliers sur le bord des routes. « C’est un truc de fou, ça donne la chair de poule », commente Jessy.

L'importance de la famille

La chaleur est présente. Elle s’estompera doucement au fil des heures sur les hauteurs de la Réunion. Quand le jour se lève, les participants ont déjà effectué plus de 2.000 mètres de dénivelé positif. Ils arrivent à Mare-à-Boue où les attendent leurs proches. « Sur une telle distance, la présence d’une assistance personnelle apporte un soutien moral inestimable », juge Jessy.

Les ravitaillements réguliers permettent aux concurrents de prendre l’énergie nécessaire pour continuer. Ils se nourrissent de patates douces, de cari de poulet, une recette locale, de lentilles… Au fil des kilomètres, le parcours devient de plus en plus technique. Il le restera jusqu’à l’arrivée.

 

La deuxième nuit a été la plus compliquée pour les deux traileurs.

Il faut composer avec la boue, les pierres, les marches, les racines… Seuls ceux qui ont arpenté les sentiers réunionnais connaissent la difficulté que cela représente. Après l’ascension du coteau Kervegen, la descente raide sur le cirque de Cilaos s’effectue sans encombre pour les deux licenciés d’Amitié Nature Montluçon.

« Je me suis rendu compte que j’étais en avance sur le temps que j’avais prévu, commente Yannick. Je me suis alors fixé un petit objectif de finir en moins de soixante heures. J’ai réussi ».

Le cirque de Mafate

Les deux partenaires, qui ne se verront pas pendant la course, prennent le temps de se ravitailler et même le luxe d’une douche avant d’attaquer la grosse difficulté qui est l’ascension du col du Taibit pour arriver dans le cirque de Mafate.La deuxième nuit sur les sentiers est marquée par l’arrivée de la pluie et du froid. Les organismes sont fatigués et une pause pour dormir un peu serait la bienvenue à ce moment de la course. Jessy essaye à deux reprises avant de repartir au risque de faire une hypothermie.

Le sommeil, l’alimentation, le risque d’hypothermie, ce sont les trois choses difficiles à gérer.

« Je n’arrivais pas à dormir, j’avais envie de vomir. Je voyais des gens au bord du sentier alors qu’il n’y avait personne. C’était compliqué à ce moment-là, il a fallu que je puise dans mes réserves ».

Yannick, lui, réussit à se reposer à Marla. Même si l’aventure se complique un peu. « Les cinquante premiers kilomètres, c’était vraiment cool. Dans la deuxième nuit, c’était autre chose. Je ne trouvais pas très bien les ravitos, je ne réussissais pas à dormir. Il faisait un peu froid, il a carrément fallu que je mette des gants ».

Le parcours bascule ensuite rapidement vers le cirque de Salazie avant de replonger dans Mafate. La pluie cesse enfin. « J’ai eu la chance d’arriver à Mafate au lever du soleil, raconte Yannick. C’est ce que tous les randonneurs qui font La Réunion recherchent. C’est quelque chose d’inoubliable et je peux vous dire que ça remotive ».

Une ambiance digne du Tour de France

De son côté, Jessy parvient enfin à dormir trente minutes avant la célèbre montée du Maido et ses 2.000 mètres de dénivelé positif. Là-haut, les familles attendent les traileurs dans une ambiance de folie digne du Tour de France.Il leur reste 60 km pour rallier l’arrivée. La chaleur revient avec la descente vers la rivière des galets. Jessy et Yannick continuent à garder le moral et avancent    « ti pas ti pas », comme disent les Réunionnais. La fatigue, la chaleur et les sentiers très techniques ralentissent considérablement l’allure mais le mental est là. Le but pour eux deux est d’arriver au bout.

Ils entament une troisième nuit dans les sentiers. Après 52 heures d’efforts, Jessy Guillot arrive au stade de la Redoute, à Saint Denis, sur le coup des deux heures du matin. Elle devient « finisher », c’est la délivrance. « Sur mon tee-shirt, il y avait écrit « J’ai survécu ». C’est le cas. Jamais je n’avais fait une distance aussi longue. Je n’ai pas eu de crampes, ni d’ampoules. Juste une petite chute sans gravité ».

La fin de course est plus rude pour Yannick Vincent qui, après une troisième nuit entière dans la montagne, boucle son trail aux alentours de 8 heures du matin. « J’avais des ampoules. La dernière descente, c’était un calvaire. Mais quand tu arrives, tu oublies » ! 

Les coulisses d'un exploit. Terminer la Diagonale des Fous est un exploit. Y participer en est un autre. Et à ce jeu-là, Yannick est plus chanceux que Jessy car il a fait partie des trois cents « tirés au sort » sur plusieurs milliers d’inscrits. « L’inscription, c’est aussi une épreuve, dit-il. On est sur une liste d’attente, il faut passer du temps sur l’ordinateur, c’est beaucoup de stress ». Un sentiment partagé par Jessy qui avait réservé les billets d’avion et l’hébergement avec sa famille sans savoir si elle pourrait participer au trail. « Je n’ai pas été tirée au sort, je n’ai pas eu non plus un dossard solidaire. Alors, je me suis inscrite sur une course partenaire en Suisse où il fallait terminer dans les cinquante premiers. J’ai réussi ». 

Fabrice Redon