Le combat d'une maman de Clermont-Ferrand pour bénéficier de la méthode de kinésithérapie Vojta et la faire connaître en France
C’est une histoire de hasard, de rencontres. Mais surtout une histoire de volonté, de combat. Celui d’une mère, ergothérapeute de profession, et rapidement maman à temps plein d’une petite Julie, née en 1999 à Riom, souffrant d’une tétraparésie spastique due à un manque d’oxygène durant l’accouchement. Victime d’un arrêt cardiaque in utero, Julie naît dans un état grabataire, elle ne peut rien faire. Ni bouger, ni déglutir… « En France, on n’est pas logique : on réanime à tout prix. Pourquoi ne met-on pas ensuite les moyens de la rééducation ? », interroge Marie-Claire. Car pour la famille s’ouvrent des années de lutte, de recherches de tout ce qui pourra aider Julie à grandir dignement. « Je m’occupais de notre fille jour et nuit, si bien que j’ai finalement dû cesser de travailler. En parallèle, il faut toquer aux portes pour savoir qui va prendre en charge votre enfant ; s’inscrire en institutions sur des listes d’attente interminable… »
Un parcours du combattantMarie-Claire est formée à l’école française du médico-social, et son sang ne fait qu’un tour :
Nous sommes censés être les meilleurs dans ce domaine et pourtant il ne se passe tellement rien !
À cette époque, la famille vit dans les Combrailles. Internet s’y développe tout doucement et lui ouvre le champ des possibles. Elle prend conscience qu’il se passe des choses grâce à des parents qui créent des associations, vont voir ailleurs, notamment en Espagne et rapportent des informations sur des modes de prise en charge et de rééducation, sur des structures qui ont la capacité d’accueillir…
Une méthode confidentielle en FranceC’est ainsi qu’elle découvre la thérapie Vojta. « En Espagne, il s’agit d’une rééducation intensive dans laquelle les parents sont forcément impliqués. C’est du bon sens finalement : si un bébé ne bouge pas, il faut le mobiliser en l’aidant à l’intégration des réflexes primaires. » Elle comprend que la méthode reste confidentielle en France mais elle s’accroche. Julie commence à progresser. Néanmoins, elle le ressent, Marie-Claire dérange. « Ici, les professionnels sont en panique. On me colle une étiquette de mère trop présente… À cette époque, les parents qui expriment ce choix de rééducation pluriquotidienne sont considérés comme des parents exigeants, en souffrance psychique n’acceptant pas le polyhandicap de leurs enfants. »
La thérapie Vojta permet d’améliorer le comportement musculaire et le tonus postural par l’intermédiaire du cerveau. La thérapie stimule le cerveau l’aidant ainsi à activer des programmes moteurs
En quelques années, elle va faire le lien entre différents professionnels, différentes thérapies. En 2011, elle découvre qu’une maman chercheuse communique sur une technique, le vibrasens (technique électro physio) qui s’appelle actuellement le vibramoov. Le vibrasens utilise des préceptes de la technique Vojta et c’est un masseur-kinésithérapeute français qui assure la formation à cet outil. Par ricochet, elle apprend aussi l’existence d’un cabinet de kinésithérapie spécialisé mère-enfant dans la banlieue de Toulouse qui utilise cet appareil avec un enfant en situation similaire à sa fille. Là-bas, « les professionnels me disent que seule, ça va être compliqué. On a déjà perdu treize ans… Alors je me forme à la thérapie Vojta. » Au fil des mois, entre des déplacements à Toulouse, en Espagne, en Allemagne, voire en Pologne… et une formation exigeante, Marie-Claire s’épuise. « J’avais le sentiment de mal faire les gestes. »
Une rencontreN’ayant pas de professionnels à proximité, elle décide d’organiser, en Auvergne, entre 2015 et 2018, plusieurs sessions de présentation de la méthode Vojta pour mieux la faire connaître grâce à l’intervention de deux kinésithérapeutes formés à Vojta. C’est ainsi qu’elle rencontre Guillemette Moreau-Pernet, kinésithérapeute clermontoise qui découvre la thérapie. C’est la rencontre qu’il fallait à la famille qui finance sa formation Vojta. Au fil des ans, « avec deux séances chaque semaine, nous avons pu constater des progrès. Alors que Julie ne bougeait pas du tout son corps, au fur et à mesure, l’évolution s’est propagée aux membres inférieurs, puis supérieurs… En dehors des séances, Julie était moins encombrée, plus apaisée et calme », décrit sa maman. Puis le Covid-19 est arrivé. Tout s’est arrêté. Les séances. Les progrès. Julie s’est dégradée, elle est décédée en février 2022.
Faire connaître cette thérapieMarie-Claire regrette en France « l’absence de réponse à hauteur des besoins et la violence des retours des professionnels aux parents qui se battent. On dérange. Avec la thérapie Vojta, on a entre les mains une thérapie efficace. C’est un trésor pour la kinésithérapie. » Reste à la faire mieux connaître.Cette technique manuelle consiste à aller chercher les zones d’appui décrites par le Pr Vojta ; une fois repérées, on maintient un appui et on observe.
Découvreur de la locomotion réflexe et créateur du diagnostic et de la thérapie Vojta, le professeur Vàclav Vojta est neurologue et neuropédiatre tchèque. Il a immigré en Allemagne en 1968, où il a travaillé à l’hôpital universitaire orthopédique de Cologne et au centre pédiatrique de Munich avant d’enseigner à nouveau à Prague, à partir de 1990.
Michèle Gardette
michele.gardette@centrefrance.com